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Les Saoudiens tentés par une intervention à haut risque en Syrie

jeudi 11 février 2016 - 11h:27

Abdel Bari Atwan

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Faut-il s’attendre à ce que le bloc Sunnite lance une intervention militaire en Syrie le mois prochain ? Et passera-t-il par la Turquie, la Jordanie ou les deux ?

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A part massacrer des civils - avec des armes françaises, anglaises et américaines - l’armée saoudienne ne s’est pas montrée capable de grand-chose après des mois d’intervention au Yémen. Ici des Yéménites transportent le corps d’une victime des bombardements de l’aviation saoudienne, le 26 mars 2015 à Sanaa - Photo : AFP/Mohammed Huwais

Dimanche, le monarque saoudien Salmane ben Abdel Aziz a profité de l’ouverture du festival culturel Janadriya à Riyad pour parler aux auteurs et aux journalistes des affaires étrangères. En particulier, il a paru blâmer l’Iran, que le Royaume considère comme un fauteur de troubles, déclarant que « nous avons le droit de nous défendre, sans nous mêler des affaires des autres et nous demandons que les autres ne se mêlent pas des nôtres ».

Le roi Salmane a aussi mentionné la coopération des États sunnites pour la « défense » du Yémen, décrivant les opérations du Royaume comme étant destinées à « assurer leur indépendance et préserver leurs systèmes de gouvernement, tels qu’ils sont avalisés par leurs peuples »

Le Roi s’exprime ainsi alors que son pays se prépare à envoyer des troupes en Syrie, ayant mené des exercices militaires en coopération avec des pays tels que l’Égypte et le Soudan en préparation pour cette opération dénommée Tonnerre du Nord. On s’attend à ce que la Turquie soit la porte d’entrée de ces troupes en territoire syrien.

Cette opération est présentée comme étant une bataille contre l’État islamique (EI) mais le vrai but est de contrecarrer les récentes avances de l’armée syrienne sous la couverture aérienne russe et de soutenir les forces rebelles.

L’Arabie saoudite est la proie des doutes et de l’insécurité ces jours-ci. D’abord parce qu’elle craint une défaite politique ou morale en Syrie, où elle a dépensé des millions pour armer et former l’opposition, ensuite parce que si le régime Assad survit, il restaurera l’ossature de l’influence iranienne en pleine force.

Afin d’éviter cette éventualité, l’Arabie saoudite est prête à employer toutes ses capacités militaires et financières, quels que soient les coûts humains et matériels.

Le président turc Recep Tayyip Erdogan, qui a permis à son pays de servir de porte d’entrée à des milliers de recrues étrangères affluant pour s’engager dans l’EI et autres groupes extrémistes, a salué le plan saoudien d’envoi de troupes en Syrie, suggérant que la Turquie pourrait s’allier au Royaume dans une aventure militaire contre le régime de Damas.

Les EAU ont aussi salué l’initiative saoudienne.

Ce plan a mis du temps à être mis en œuvre depuis qu’il avait été proposé à l’origine par le sénateur US Lindsay Graham, qui avait déclaré au cours d’une conférence de presse en septembre, que les Américains espéraient qu’une armée arabe de 100 000 hommes allait combattre l’EI.

Selon des sources saoudiennes, l’intervention militaire devrait commencer le mois prochain et pourrait entrer en Syrie par la Jordanie aussi bien que par la Turquie, Damas n’étant qu’à 90km de la frontière jordanienne.

Ce qui est frappant dans tout cela, c’est que le monarque saoudien déclare que son pays ne se mêle pas des affaires des autres alors qu’il approuve une intervention en Syrie. L’intervention de l’Arabie saoudite a déjà coûté la vie à 10 000 personnes. Si ce n’est pas de l’ingérence, nous prions Dieu de nous apprendre à mieux comprendre le sens des mots et de la stratégie militaire.

On espère encore que les Saoudiens vont s’éloigner du rivage d’un nouveau désastre en Syrie et d’une confrontation avec l’Iran.

Cependant, Riyad semble croire qu’il est devenu une sorte de nouvelle superpuissance du jour au lendemain, ce qui est étonnant vu qu’il n’a rien fait du tout au cours des 60 dernières années pour résoudre l’injustice du conflit israélo-palestinien et a toujours évité toute intervention militaire dans une situation que l’on pourrait croire chère à son cœur arabe et musulman.

Cette prétendue superpuissance devrait peut-être réfléchir à son expertise militaire ; elle pilonne l’un des pays les plus pauvres au monde depuis onze mois, combattant les mal- équipées tribus Houthi avec les dernières technologies et de modernes chasseurs à réaction …et n’a pas obtenu le moindre résultat.

Alors que va-t-il arriver quand les forces saoudiennes vont se trouver confrontées à des avions russes modernes, à une armée syrienne endurcie et en pleine forme après cinq ans de guerre civile, à des brigades de guérillas expérimentés venant du Hezbollah et peut-être aussi à des forces terrestres russes et iraniennes ?

Et n’oublions pas l’éléphant dans la pièce - L’État islamique - qui va aussi viser les soldats du Royaume. Basés sur la même branche du Wahhabisme, il n’est pas impensable que des troupes saoudiennes répugneront (et/ou craindront) de combattre leurs frères en idéologie et risqueront de s’enfuir - tout comme les bataillons irakiens - ou pire, de les rallier.

Les jours qui viennent vont être très difficiles pour la région. Beaucoup de gens, y compris parmi les Saoudiens, vont payer le prix ultime pour les ambitions de leurs dirigeants. Ils verseront leur sang et perdront tout.

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* Abdel Bari Atwan est le rédacteur en chef du journal numérique Rai Alyoum : Vous pouvez le suivre sur Twitter : @abdelbariatwan

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8 février 2016 - Rai Alyoum - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.raialyoum.com/?p=386720
Traduction : Info-Palestine.eu - Jean Cartier


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