Rencontres avec des familles de prisonniers
dimanche 8 novembre 2015 - 17h:25
Elsa Grigaut
Rencontre avec les familles de Kotaïba, Suhaïb et Mohammad Kabaha
Bartaa, (territoires de 1948) - Mai 2015
Mohammad, ancien détenu, frère de Kotaïba et cousin de Suhaïb
- Mohammad, récemment libéré, tient le portrait de son frère Kotaïba, toujours enfermé dans les geôles israéliennes – Photo : E. Grigaut
« Je suis né le 10 avril 1990 et j’ai été arrêté le 8 avril 2009, j’ai été libéré le 7 avril 2015.
J’étais enfermé six ans dans la prison de Gilboa. Le plus dur, c’était l’interrogatoire, c’est une véritable torture psychologique, les Israéliens menaçaient de s’en prendre à ma famille.
Maintenant que je suis libre, je peux travailler mais pas partout, parce que je suis un ancien prisonnier. Par contre, je n’ai pas le droit d’étudier. »
Kotaiba est né en 1990, il a été arrêté au même moment que son frère Mohammad (avril 2009). Sa libération est prévue dans deux ans.
Oum Kotaïba :
« Les seules personnes autorisées à voir Kotaïba, c’est moi, son père et sa grand-mère.
L’un des principaux problèmes dans les prisons israéliennes, c’est le manque de soins en cas de problème de santé. Tout ce que l’infirmerie pénitentiaire fournit comme médicament c’est l’aspirine. Peu importe de quoi la personne souffre.
« Ce qui est difficile aussi pour nous, c’est le trajet pour rendre visite à notre fils. Il y a quatre heures de route et la même chose pour le retour. Une fois arrivés à la prison, nous devons attendre que tous les bus qui amènent les familles pour les visites soient arrivés.
Mais vous savez, malgré tout cela, nous n’avons peur que de Dieu. Nous resterons ici en Palestine. C’est la terre de nos pères et de nos grands-pères ! »
- Mohammad, au centre, entouré de sa mère et de ses tantes. Tous attendent la libération de Suhaïb et Kotaïba – Photo : E. Grigaut
Rencontre avec Fatihyé et Othman Jabareen, les parents de Mahmoud Otham Ibrahim JabareenPrès d’Um al Fahme (territoires de 1948) - Mai 2015
Suhaïb est né en 1989, il a été arrêté en même temps que ses cousins Kotaïba et Mohammad (avril 2009). Sa libération est prévue dans cinq ans.
Oum Suhaïb :
« Je me souviens d’un jour où mon mari, ma fille est moi sommes allés rendre visite à Suhaïb. Mon mari avait oublié de laisser son téléphone portable à l’extérieur de la prison. Quand l’administration pénitentiaire s’en est rendu compte, ils ont fait évacuer toutes les familles, nous y compris, qui s’étaient déplacés pour voir leurs proches.
Tout est interdit en prison : les jeans, les habits à poches, les vêtements noirs et bleu marine, les sweat à capuche.
Les visites des neveux, des nièces, des oncles et tantes sont interdites.
L’administration pénitentiaire israélienne a même interdit à Suhaïb d’avoir une photo de Mohammad son cousin libéré.
Nous avons entamé une procédure afin de demander sa libération anticipée, nous attendons une réponse. »
- Mahmoud a eu une seule autorisation de sortie en vingt-sept ans d’incarcération. Au bout de 13 ans en prison, il a pu passer une vingtaine d’heures dans la maison familiale – Photo : E. Gigaut
Othman Jabareen : « Nous avons cinq filles et six garçons, Mahmoud est le troisième de nos fils.
Mahmoud est né en 1963 et il a été arrêté en 1988. Il doit encore purger trois ans de prison. Le 29 mars 2014, nous l’attendions à la maison, nous avions préparé une fête, il faisait partie d’une vague de libération dans le cadre des négociations entre l’Autorité Palestinienne et Israël, mais au dernier moment, tout a été stoppé (1).
Moi, son père, j’ai eu un accident cérébral il y a deux ans. Nous sommes vieux et malades, nous ne pouvons pas aller jusqu’à la prison de Gilboa (Nord des territoires de 1948, NDLR) où il est enfermé. Cela fait un an que nous ne l’avons pas vu, mais un membre de la famille s’y rend deux fois par mois. »
- Mahmoud Otham Ibrahim Jabareen a poursuivi ses études en prison, il a été diplômé il y a 3 ans – Photo : E. Grigaut
Fatihyé Jabareen : « Mon fils ne connaît plus sa propre famille. Vous savez, quand il sortira, il aura 54 ans et il veut se marier !
Je vous demande de nous aider à faire sortir mon fils de prison, je vous demande de nous aider à libérer tous les prisonniers palestiniens. »
Note :
(1) : Durant l’été 2013, des discussions avaient repris entre L’Autorité Palestinienne (au pouvoir en Cisjordanie) et Israël. L’occupant Israélien s’engageait à libérer 104 Palestiniens, détenus par Israël avant 1993, en quatre contingents, en échange de quoi les Palestiniens s’abstenaient de recourir aux instances internationales pour attaquer la politique israélienne. Mais la quatrième vague de libération n’a jamais eu lieu.
Rencontres organisées avec l’aide précieuse de l’Institut Youssef Al Sedeeq
Novembre 2015 - Transmis par l’auteure