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100 ans d’Intifada

mardi 3 novembre 2015 - 11h:22

Ramzy Baroud

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Peu de choses ont changé dans les entreprises colonialistes d’Israël, et sa propension à la violence demeure liée à son discours raciste.

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Peinture murale dans Gaza, à l’occasion de la commémoration de l’expulsion des Palestiniens de leurs terres en 1948 (Nakba)

Alors que le soulèvement palestinien prenait de l’ampleur la semaine dernière, je suis resté assis pendant des heures à écouter et enregistrer l’histoire d’Ahmad al-Hajj, un réfugié palestinien âgé de 83 ans du village d’al-Sawafir. Il vit dans la bande de Gaza depuis 1948. En écoutant les souvenirs de Al-Hajj, mes pensées naviguaient entre le passé et la réalité sanglante du présent.

Depuis que je me suis donné la tâche il y a plus de dix ans de consigner l’histoire du peuple de Palestine, un thème tragique a imprégné tous mes livres et la plupart de mes articles. J’ai toujours et toujours été confronté à des récits de perte et de déplacement. Depuis des générations les Palestiniens ordinaires racontent la même histoire.

Peu d’étrangers ont jamais relié entre eux les récits de Gaza, Jénine, Deir Yassin, Dheisheh, Sabra et Chatila, Yarmouk, Jabaliya et mille autres endroits. Les histoires venues de Palestine se présentent rarement sous une unité intellectuelle et historique cohérente qui puisse être différenciée ou analysée sélectivement.

Après chaque événement majeur dans l’histoire palestinienne, les Palestiniens sont censés apprendre à coexister avec toute nouvelle réalité mise en forme ou déterminée par Israël. Non seulement les Palestiniens devraient totalement abandonner le Haq Al-Awda - leur droit au retour - mais leur propre président auto-proclamé, Mahmoud Abbas, a publiquement prétendu procéder à cet abandon.

Le bradage des droits des Palestiniens

Abbas n’était de loin pas le premier dirigeant palestinien à faire spontanément des compromis sur les droits des Palestiniens. Une série de concessions précédait le processus de paix d’Oslo et l’élite politique palestinienne a toujours sauvé sa position sur le dos de la société palestinienne.

Elle n’a jamais eu le moindre scrupule moral sur le fait de « brader » ces droits, un terme utilisé par de nombreux Palestiniens eux-mêmes. Sous les Ottomans, les directions successives ont habilement navigué politiquement, puis ont coexisté avec le colonialisme britannique, la domination jordanienne, l’administration militaire égyptienne, et plus récemment, avec Israël, installé sur les ruines de la Palestine.

L’histoire d’Al-Hajj est celle de son exil de son cher village, dont l’existence remontait au début du 16ème siècle. Al-Sawafir a ensuite été totalement détruit et brûlé par les milices sionistes en 1948. Son récit est essentiellement limité aux villages voisins qui, à l’époque, étaient aussi les limites de son monde à lui.

L’événement déterminant qui a conduit à son exil a été la défaite de Beit Daras, un village voisin mais plus grand, habité par des fellahs palestiniens, ou fermiers et travailleurs agricoles. La majorité des Palestiniens étaient des paysans, vivant dans la pauvreté ou l’extrême pauvreté. Certains d’entre eux possédaient leurs terres, d’autres travaillaient comme ouvriers bon marché sur les terres de riches Palestiniens. Mais ils ont toujours été et resteront au cœur de la résistance en Palestine. En effet, à Beit Daras, ils se sont battus jusqu’à la dernière balle. Ce qui a suivi a été un massacre qui est resté largement méconnu :

« Les convois des milices sionistes sont finalement revenus -.. Cette fois en voulant se venger. Ils ont attaqué le village à l’aube et jusqu’au début de l’après midi. Le village était entouré de toutes parts et toutes les routes y conduisant avaient été coupées afin d’assurer que des fellahs combattants ne viennent à la rescousse. Alors qu’à ce moment-là les combattants à Beit Daras avaient réussi à acquérir jusqu’à quatre-vingt dix fusils, les milices envahisseurs avaient à leur disposition tout un arsenal d’armes modernes, dont des mortiers, des mitrailleuses montées sur le dessus de véhicules blindés, et des centaines de combattants lourdement armés. »

« Les milices sont entrées, tuant tous ceux qui avaient survécu à la première attaque, y compris les civils... Tous les autres se sont enfuis, courant à travers les champs brûlants, trébuchant les uns sur les autres tout en étant poursuivis par les balles de tireurs embusqués. Le massacre provoquait la peur et l’horreur, d’autant plus que le nombre de morts était monté jusqu’à à 300 dans un village dont la population avait au maximum totalisé deux mille personnes. »

De longue date face à l’oppression

Al-Hajj aurait pu parler ainsi à propos de tout autre village ou camp de réfugiés. Il y a beaucoup de similitudes entre les histoires que j’ai consignées dans mon livre « Searching Jenin », qui détaille l’assaut militaire et le massacre dans le camp de réfugiés de Jénine en 2002, et les événements horribles qui ont eu lieu à Gaza en 2008, 2012, et 2014.

Depuis 1948, seuls les détails techniques ont changé. Les raisons à l’origine du massacre restent les mêmes : le discours raciste qui sous-tend la violence employée par les Israéliens et leurs dirigeants aujourd’hui et celle de leurs prédécesseurs sur une grande partie du siècle dernier. L’esprit de compromission, la nature égoïste de sa direction palestinienne et de sa classe dominante restent aussi les mêmes.

Les Palestiniens qui se défendent aujourd’hui dans les rues de Jérusalem, ou al-Quds, en Cisjordanie et à Gaza sont les descendants d’une génération qui a autrefois conduit un soulèvement et une rébellion qui ont duré trois ans, débutant en 1936.

Beaucoup de ces fellahs, la plupart des paysans pauvres et analphabètes, possédaient un degré de conscience politique qui leur a permis de soutenir un soulèvement contre le vicieux colonialisme britannique et la violence sioniste. Ce sont ces mêmes fellahs qui ont combattu dans Beit Daras et tous les villages palestiniens en 1948, et qui depuis continuent de se battre.

L’actuelle Intifada en Palestine ne peut pas être séparée du passé ou réduite à une simple question liée à un processus de paix qui a échoué. Il s’agit d’une rébellion qui est enracinée dans un contexte beaucoup plus profond et plus large et qui doit être considéré dans son intégralité.

Certes, peu de choses ont changé dans les entreprises colonialistes d’Israël, et sa propension à la violence demeure liée à son discours raciste.Dans le même temps, peu de choses ont changé dans la volonté des Palestiniens de se battre, et sans jamais cédé parce qu’ils n’ont pas d’autre choix.

* Dr Ramzy Baroud écrit sur le Moyen-Orient depuis plus de 20 ans. Il est chroniqueur international, consultant en médias, auteur de plusieurs livres et le fondateur de PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Résistant en Palestine - Une histoire vraie de Gaza (version française), peut être commandé à Demi-Lune. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Scribest.fr. Son site personnel : http://www.ramzybaroud.net

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21 octobre 2015 - Al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Lotfallah


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