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Les méthodes israéliennes pour réprimer la protestation des Palestiniens

dimanche 25 octobre 2015 - 13h:23

Mya Guarnieri

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Des groupes de défense des droits de l’homme affirment qu’Israël fait appel à des « arrestations préventives » pour réprimer les protestations des Palestiniens à l’intérieur de la Ligne Verte.

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Heurts violents entre manifestants palestiniens et forces israéliennes d’occupation à proximité de l’Esplanade des Mosquées à Al-Qods - Photo : AFP/Ahmad Gharabli

La police israélienne s’est présentée, le 7 octobre dernier, au domicile de la militante Adan Tartour en frappant violemment la porte. Lorsque les Tartour ont ouvert, la police les a informés qu’ils font l’objet d’un mandat d’arrêt.

Agée de 18 ans, Adan Tartour est citoyenne Palestinienne d’Israël. Elle a été placée en détention sur « présomption de violence et de terreur, » juste parce qu’elle s’est inscrite dans le groupe qui devait prendre le bus pour Nazareth où une manifestation devait avoir lieu.

Adan, ainsi que d’autres militants, ont été arrêtés sur présomption de préparation et planification de manifestations « illégales. »

Elle a confié à Al Jazeera : « Ils avaient un mandat d’arrêt contre mon père et moi, » en soulignant qu’il s’agit d’une pratique courante lorsque la personne détenue est une femme « Elles sont arrêtées avec leurs géniteurs…c’est humiliant et chauvin. »

Adan et son père ont été conduits au poste de police local avant leur transfert à Nazareth où ils sont arrivés à 4h30 du matin. Tout au long de l’interrogatoire qui a commencé à 5h30, la police n’a pas cessé de répéter à Adan qu’elle est « une honte pour sa famille » et que ses actions « nuisaient à sa famille. »

Adopter le ton orientaliste qui évoque « l’honneur de la famille » est pour elle une façon de la dissuader de prendre part aux manifestations.

« Mais ce qu’ils ignorent, c’est que nos familles [Palestiniennes] soutiennent et n’abandonnent jamais leurs filles, » affirme-t-elle.

Des groupes de défense des droits de l’homme indiquent que des dizaines de Palestiniens sont arrêtés dans le cadre de ce qu’ils appellent une vague d’ « arrestations préventives » qui reflètent les tentatives israéliennes d’étouffer la résistance Palestinienne qui s’élève contre l’usage excessif de la force à l’encontre des manifestants ainsi que les exécutions extrajudiciaires des Palestiniens à Jérusalem-Est occupée et en Cisjordanie.

D’après Adalah, le Centre Juridique pour les Droits de la Minorité Arabe en Israël, les détenus ont fait l’objet d’arrestations préventives avant même leur participation aux manifestations. A l’instar d’Adan, la plupart des détenus n’ont aucun antécédent judiciaire.

Aujourd’hui, entre 160 et 200 militants Palestiniens ont été arrêtés, soit avant les manifestations, soit après, toujours selon les chiffres d’Adalah. Parmi ces personnes séquestrées, 40 sont encore détenues car les autorités israéliennes cherchent à prolonger la durée de leur emprisonnement.

Pour Sawsan Zaher, avocate avec Adalah, ces arrestations sont illégales. « Selon le droit israélien, vous ne pouvez pas arrêter une personne seulement parce que vous avez peur qu’elle puisse, dans l’avenir, commettre un crime, » explique-t-elle, et d’ajouter qu’empêcher les gens de protester constitue « une violation de leur droit à la liberté d’expression. »

Le confinement ne concerne pas uniquement les manifestants et les membres de leurs familles. Plusieurs chauffeurs de bus qui avaient essayé de transporter les manifestants jusqu’à Nazareth, bien qu’ils aient été forcés par la police de faire demi-tour à l’extérieur de la ville, ont plus tard été arrêtés.

« La police prétend que les chauffeurs ont eux-mêmes participė à une manifestation ‘’illégale’’, » explique Zaher, même si aucune autorisation n’avait été nécessaire en premier lieu pour la tenue de la manifestation, et malgré le fait que les bus ne soient jamais arrivés aux sites où se tenaient les différentes manifestations.

Et ce n’est pas tout, les bus ont été confisqués. Jusqu’au 13 octobre, ils étaient encore à la fourrière.

Pour leur part, les tribunaux ont non seulement maintenu les demandes de prolongation de la durée de détention des militants, mais ils leur est aussi arrivé d’accepter des « preuves » très discutables.

A ce titre, Zaher explique : « Les juges ont fait référence aux oignons trouvés sur les manifestants pour indiquer que ces derniers s’apprêtaient à organiser une manifestation violente. Nous n’avons jamais entendu parler des oignons comme étant un moyen de défense. »

En effet, les oignons sont parfois utilisés comme traitement temporaire après une exposition au gaz lacrymogène que l’armée israélienne et les forces de police utilisent régulièrement pour disperser les manifestants pacifiques Palestiniens.

Zaher ajoute que les juges ont également ordonné la détention de citoyens Palestiniens sur la base d’éléments d’enquête auxquels ni elle, ni les autres avocats de défense n’ont pu avoir accès.

Dans l’un des cas, un mineur qui ne connait pas la langue Hébraïque avait été détenu pour un supposé « témoignage écrit en Hébreu » et signé par l’enfant lui-même.

Et il existe plusieurs manières avec lesquelles les droits légaux des mineurs sont violés.

Selon le droit israélien, les parents d’un mineur doivent être informés et sont autorisés à rester auprès de leurs enfants durant l’interrogatoire. Un assistant social pourrait également être présent et les mineurs ne doivent jamais être interrogés au-delà de 22h.

Mais lors de l’actuelle vague d’arrestations, les avocats ont remarqué que les autorités israéliennes enfreignaient complètement ces règles.

Farah Bayadsi, avocate représentant de nombreux militants et mineurs arrêtés, adhère aussi à ce récit et rapporte des faits similaires de policiers qui interdisent aux détenus le droit d’avoir un conseiller juridique, pourtant édicté par le droit israélien.

« Un officier de police est intervenu pendant que je m’entretenais avec une jeune adolescente de 14 ans pour lui apporter des conseils juridiques avant son interrogatoire. Bien que cela soit prévu dans le droit israélien, le policier m’a mise à la porte en me notifiant de la fin du temps qui m’était imparti, » raconte Bayadsi.

Pour certains, les derniers événements ne sont pas sans rappeler le régime militaire israélien qui a régné sur les citoyens Palestiniens de l’état de 1948 jusqu’à 1966.

Shira Robinson, professeure associée d’histoire et des affaires internationales à l’Université George Washington et également auteure de Citizen Strangers : Palestinians and the birth of Israel’s liberal settler state fait observer : « Il y a eu des tonnes de ‘’détentions préventives’’ de citoyens Palestiniens d’Israël entre 1948 et 1966. C’est ce qui comptait. »

Elle cite l’exemple des tentatives des autorités Israéliennes pour stopper la commémoration du massacre qu’a connu le village Kafr Qasim, le mois d’octobre 1956.

Les quelques jours et nuits qui précèdent l’anniversaire du massacre, « les autorités israéliennes s’y prennent à l’avance et arrêtent les militants qui sont très connus. C’est une pratique ordinaire. »

Zaher estime qu’il ne faut pas chercher l’explication plus loin. Elle fait remarquer que la manière avec laquelle la police israélienne et les tribunaux traitent les manifestants indique une différence fondamentale ancrée chez l’état, dans sa façon de traiter et de percevoir ses citoyens Palestiniens comparativement à ses citoyens Juifs.

Au bout du compte, ajoute-t-elle, les autorités Israéliennes réservent aux citoyens Palestiniens le même traitement infligé aux Palestiniens dans les territoires occupés : « Peu importe où vous êtes, du moment que vous êtes Palestinien, vous êtes un ennemi et vous représentez une menace. »

Le système judiciaire israélien, poursuit-elle, « est basé sur l’idée qu’un Palestinien est un étranger. Et lorsqu’ils sont considérés comme ennemis et que cette perspective soit ancrée dans la loi, le résultat sera donc la légitimation de toutes les actions. »

Pour le cas d’Adan, détenue avec son père, ce dernier a été libéré tôt dans la matinée du 8 octobre, alors que la détention de la fille a été maintenue et prolongée sur décision d’un tribunal israélien. Quatre jours après, elle a été relâchée et avertie qu’elle pourrait être rappelée pour un autre interrogatoire, et sous réserve qu’elle ne mette pas les pieds à Nazareth durant deux semaines.

Elle est également « interdite de prendre part à toutes les manifestations. »

Et c’est l’objectif principal d’Israël. Adan et les autres militants savent que les Israéliens veulent faire peur aux citoyens Palestiniens et, par voie de conséquence, les empêcher de manifester et de protester.

En réfléchissant à sa propre expérience, Adan Tartour ne cache pas son inquiétude quant à certaines méthodes, notamment le traitement réservé aux mineurs, le rôle des tribunaux dans le maintien et la prolongation des durées de détention et aussi, les tentatives de l’état de coller aux manifestations des Palestiniens le label de l’illégalité.

Adan se souvient de sa comparution devant le tribunal et de la prorogation de la durée de sa détention : « Le juge a déclaré que, compte tenu de ce que traverse l’état, le tribunal ne peut s’immiscer dans le travail de la police. Quel est donc le rôle des tribunaux ? »

* Mya Guarnari est journaliste indépendante, basée à Tel Aviv. Elle écrit régulièrement pour The Huffington Post et The Jerusalem Post. Ses articles sont publiés en anglais notamment sur Al Jazeera, The National (Abu Dhabi), Ha’aretz, Electronic Intifada, The Jewish Daily Forward, Maan News Agency, Mondoweiss... Elle possède une maîtrise des Beaux-Arts de l’université d’Etat de Floride.

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19 octobre 2015 – Al Jazeera – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.aljazeera.com/news/2015/...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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