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Les projets des dirigeants israéliens pour les Palestiniens

lundi 19 octobre 2015 - 11h:31

Samah Sabawi

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Recadrer le conflit en guerre religieuse permettra à Israël de dissimuler ses efforts pour parvenir au contrôle total de toute la Palestine historique avec l’acquiescement de la communauté internationale et des pays voisins comme l’Egypte et la Jordanie.

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Frondeurs au risque de leur vie : à la mi-octobre, neuf jeunes Palestiniens de Gaza ont été abattus alors qu’ils exprimaient leur exaspération en lançant des pierre à l’occupant - APA Images

En Terre Sainte, l’Histoire semble bloquée dans une boucle sans fin. En 2000, le Premier ministre de l’époque, Ariel Sharon, alors leader de l’opposition, s’est rendu dans l’enceinte d’Al-Aqsa sur un mode de provocation délibérée, ce qui a provoqué la deuxième intifada. Israël a lancé l’opération « Bouclier protecteur » pour écraser les protestations et éliminer la résistance palestinienne. Bilan : plus de 3.000 Palestiniens et près de 1.000 Israéliens ont perdu la vie entre 2000 et 2004, avec un processus de paix définitivement mis en échec.

Nous voici en 2015 : à présent le processus de paix est mort et enterré et l’espoir qu’avaient les Palestiniens dans les années d’Oslo a tourné à la déception la plus amère et au désespoir. Des colonies juives, illégales en droit international, se sont multipliées en territoire palestinien tout au long des années de négociation et elles encerclent maintenant complètement les communautés palestiniennes. Les Palestiniens, qui vivent toujours sous occupation, sont privés des droits humains élémentaires et harcelés chaque jour par l’armée israélienne et par les colons extrémistes.

Pour donner un seul exemple, l’ONG Defence for Children International–Palestine rapporte que les soldats israéliens et les colons ont tué 1951 enfants depuis l’an 2000.

Dans un tel climat, le Ministre israélien de l’Agriculture, Uri Ariel, a jugé bon de visiter la mosquée Al-Aqsa, le troisième des lieux saints de l’islam, avec un groupe de juifs extrémistes de droite, sous la protection des forces israéliennes (FDI) en armes : que peut-on y voir sinon une provocation délibérée – probablement destinée à fournir aux Israéliens extrémistes et aux partisans de la ligne dure du gouvernement l’occasion de finir le boulot commencé par Sharon.

La lecture des déclarations gouvernementales en langue hébraïque ne fait que renforcer cette théorie. Lors d’une récente conférence de presse, Netanyahou a parlé en hébreu de la forte dynamique d’implantations coloniales qui a régné pendant ses années aux affaires. A cette même conférence, le Ministre de la Défense Moshe Yaalon assurait aux journalistes qu’à aucun moment il n’y a eu de gel dans la colonisation.Quand on lui a demandé si une nouvelle opération Bouclier de Défense pourrait être nécessaire, Yaalon a répondu qu’Israël n’a pas cessé d’être à l’offensive depuis l’opération Bouclier Défensif.

Il a expliqué qu’avant l’an 2000 Israël ne pouvait pénétrer en Zone A, celle qui a été remise aux Palestiniens dans la première phase des accords d’Oslo Aujourd’hui, il dit qu’Israël mène des opérations dans n’importe quelle Zone en Cisjordanie - il aurait pu ajouter : avec le soutien de l’Autorité palestinienne (AP).

Lors de cette conférence, Yaalon a appelé les FDI à se montrer vigilants vis-à-vis des attaques palestiniennes à l’arme blanche et à éliminer les "terroristes-aux-couteaux", les lanceurs de pierres et autres, immédiatement, sur place. Bien sûr cette rhétorique ne visait pas uniquement les Forces de sécurité ; le Jerusalem Post cite également Yaalon appelant les civils à porter des armes à feu, de même que le maire de Jérusalem, Nir Barkat. De prétendus « centristes » comme Yair Lapid soutiennent également cette stratégie du « tirer pour tuer ».

Israël est clairement en train de mettre ces plans en application. Des groupes de défense des droits de l’homme ont protesté : Amnesty International a dit que certains incident relèvent de l’assassinat extrajudiciaire, tandis que Human Rights Watch exprimait son inquiétude concernant l’usage délibéré par Israël du feu des armes contre les manifestants palestiniens.

On a des vidéos poignantes de foules juives israéliennes attaquant et tuant des Palestiniens sans armes. La mort de Fadi Alloun n’en est qu’un exemple. Et contrairement à l’allégation israélienne que l’AP serait le facteur déterminant qui a causé l’insurrection, la réalité du terrain montre un récit bien différent.

Tout d’abord, les manifestants ne se limitent pas aux Palestiniens sous blocus et occupation militaire dans les Territoires Palestiniens Occupés (TPO). Ils comprennent aussi des personnalités palestiniennes qui sont de nationalité israélienne. Ayman Odeh, membre de la Knesset et qui mène la Liste Unifiée, est l’un d’entre eux. Il accuse le gouvernement israélien d’agir « au service des colons dans ce qui apparaît comme une tentative consciente d’inciter toute la région à s’enflammer en une guerre de religion ».

Recadrer le conflit en guerre religieuse

Les mots d’Ayman Odeh ne doivent pas être pris à la légère. Recadrer le conflit en guerre religieuse permet à Israël de dissimuler ses efforts pour parvenir au contrôle total de toute la Palestine historique avec l’acquiescement de la communauté internationale et des pays voisins comme l’Egypte et la Jordanie.

Il est important de ne pas ignorer les répercussions des actions israéliennes sur les deux côtés de la Ligne Verte qui sépare Israël des TPO. Ces derniers jours ont vu de grandes manifestations de protestation dans un certain nombre de villes palestiniennes en Israël. Lors d’un incident, des manifestants ont lancé des pierres et de pétards sur la police. Une génération de Palestiniens nés sous drapeau israélien, citoyens d’Israël et parlant couramment le hébreu, sont privés de toute une gamme de droits réservés aux seuls israéliens juifs. Ils sont frustrés de la discrimination systématique à leur égard et ils se serrent les coudes avec ceux de l’autre côté e la Ligne Verte.

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Cinquante années de violences coloniales ne peuvent qu’engendrer la violence des opprimé(e)s - Photo : Getty

Les Palestiniens sous la botte de l’occupant israélien ont renoncé à tout espoir d’état souverain. La jeunesse palestinienne envoie un message clair tant à l’occupant qu’à ses dirigeants. Ils prennent leurs problèmes à bras le corps et exigent l’intégralité de leurs droits, quel qu’en soit le prix à payer.

Même à des endroits où la confrontation avec les soldats palestiniens peut signifier à tout instant la mort, comme à Gaza, des jeunes protestent contre les agressions sur leurs camarades palestiniens et sur leurs lieux saints.

Il est communément admis qu’Israël a fait de Gaza un camp de prisonniers -
même le premier ministre britannique David Cameron l’a dit – et c’était il y a cinq ans. Les jeunes Gazaouis qui s’approchent des frontières et lancent des pierres aux soldats rêvent de s’évader de leur prison ou sont tués en essayant de le faire. A la mi-octobre, neuf jeunes Palestiniens de Gaza ont été tués lors d’une entreprise désespérée.

Les dirigeants palestiniens ne sont pas intervenus. Israël a clairement laissé entendre qu’il attendait une collaboration des forces de sécurité palestiniennes avec l’armée israélienne pour écraser les protestations, et jusqu’à présent Mahmoud Abbas s’y est généralement conformé.

Le gouvernement Hamas de facto à Gaza a également préféré ne pas être mêlé à la rébellion. Le numéro deux de son Bureau politique, Mousa Abou Marzouk, s’est exprimé fermement contre tout lancer de roquettes vers Israël, car cela « transférerait la campagne sur un front différent, car cela étoufferait l’intifada populaire ». Néanmoins d’autres milices de Gaza ont tiré quelques roquettes vers Israël, sans causer de blessés. Réponse d’Israël : un bombardement qui a tué une femme enceinte et sa fille de 3 ans. La vidéo du père pleurant sur le corps de sa fillette en la suppliant de se réveiller a rapidement circulé, suscitant de nouveaux appels à la rébellion contre l’oppression et la brutalité d’Israël.

Les jeunes Palestiniens désespérés d’avoir vécu toute leur vie sous le blocus et l’occupation, sans espoir pour leur avenir, risquent leur vie en combattant pour la liberté. Mais les Israéliens, pour quoi se battent-ils ? Ayant détruit toutes les chances d’un Etat palestinien, Israël se bat pour maintenir son occupation et son assujettissement du peuple palestinien, créant un état d’apartheid sur toutes les terres où il garde sa mainmise.

De la même auteure :

* Samah Sabawi, née à Gaza en 1967, est une dramaturge, chroniqueuse politique et militante palestino-australo-canadienne. Elle a notamment écrit « Cries from the Land » (2003), « Three Wishes » (2008) et « Tales of a City by the Sea » (2014). Elle a dirigé le Conseil National des Relations Arabes au Canada et est conseillère politique pour al-Shabaka.

De la même auteure :

- Qui a gagné la guerre à Gaza ? - 29 août 2014
- La Nakba prendra fin lorsque les dirigeants palestiniens tireront les leçons de l’Histoire - 30 mai 2014
- Quand les dirigeants palestiniens vont-ils changer de tactique ? - 12 juillet 2014
- Qui a gagné la guerre à Gaza ? - 29 août 2014

15 octobre 2015 - al-Shabaka.org - Vous pouvez consulter cet article à
https://al-shabaka.org/commentaries...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert


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