Les Palestiniens en Suède veulent le respect de leurs droits
mercredi 9 septembre 2015 - 08h:13
Adriano Mérola Marotta
Des Palestiniens apatrides, comme Aaed al-Shalabi , restent bloqués en Suède dans un vide juridique depuis 17 mois sans signe de solution. En 2011, il a quitté sa maison de Baghdad en Irak avec sa femme, abandonnant son foyer et son métier d’ingénieur mécanicien.
- Le campement de Malmö - Photo MEM
Comme les autres 120 réfugiés palestiniens d’Irak et de Gaza actuellement dans un campement improvisé et indépendant des autorités d’immigration dans le sud de la Suède, il est fatigué de sa situation d’isolement et de stagnation.
Jusqu’à présent, le gouvernement suédois n’a pu déporter beaucoup de ces Palestiniens vers l’Irak et Gaza à cause de l’apparente intransigeance des autorités irakiennes et égyptiennes sans l’accord desquelles la déportation est impossible. D’autres attendent la décision finale des autorités d’immigration.
« Où est la compassion ? »
« Normalement, les criminels reconnus coupables sont relaxés après une peine de prison de trois ou quatre ans, » s’exclame Aaed, « et pourtant, nous attendons depuis des années dans ce qui semble être une grande prison, sans en voir la fin. »
« Notre seul crime est d’être des Palestiniens à la recherche d’un refuge pour nous et nos enfants. Où est la compassion pour les réfugiés ? »
Née de la désespérance d’Aaed, la protestation d’un homme sous une tente a rapidement conquis les médias sociaux et est devenue le centre d’attention des réfugiés palestiniens en Suède. Comme lui, des gens ont parcouru des centaines de kilomètres pour se joindre à la protestation avec une quantité de doléances.
Au début, il n’avait réuni que ses co-réfugiés d’Irak, mais le campement est rapidement devenu un centre de protestation entièrement palestinien après l’arrivée de 60 Gazaouis demandeurs d’asile.
Ils sont tous frustrés par le manque de progrès et d’information qui a suivi leurs demandes d’asile. Plusieurs sont en attente d’une déportation imminente vers l’Irak ou Gaza via l’Egypte.
Cette attente peut paraître éternelle, comme la professeure d’anglais Manal Al-Hamoodi, 51 ans, le sait trop bien.
Avec un sourire chaleureux elle me tend une lettre de rejet officielle de l’ambassade d’Irak. On lui a refusé les titres de voyage parce que - comme le reste des 56 réfugiés d’Irak - elle n’est pas citoyenne du pays où elle est née. Elle se sent aujourd’hui rejetée par les deux seuls pays où elle a vécu.
« Ils nous tuent, nous et notre avenir »
Le désespoir des Palestiniens d’Irak a poussé quatre des manifestants à entamer une grève de la faim illimitée, bien qu’à l’heure où est rédigé cet article, deux d’entre eux ont été contraints d’interrompre leur grève pour raisons de santé.
Ahmed Salih Al-Abbas, néanmoins ne se décourage pas.
Un sombre jeune homme, visiblement exténué, explique calmement les raisons de son refus de s’alimenter : « Nous avons besoin d’une solution pour nos problèmes et pour cette interminable attente. Nous ne faisons que dormir, manger et attendre. Depuis trois ans, je n’ai pu travailler ni étudier. »
Ahmed souligne : « Ils nous tuent, sans aucune solution, détruisant nos vies et notre avenir. J’ai été un réfugié toute ma vie, d’abord en Irak et maintenant en Suède. Je ne peux pas revenir en Palestine ou en Irak, que faire ? J’ai besoin d’une solution. »
Comme beaucoup d’autres jeunes gens dans ce campement, sa jeunesse s’est écoulée en quête d’un rêve de stabilité et de liberté hors d’atteinte.
L’expérience au campement de réfugiés de Gaza composé majoritairement de jeunes a été remarquablement identique.
Mahmoud Hamalawy de Gaza est venu pour protester contre son statut juridique incertain. Il me dit qu’il attend un visa égyptien depuis neuf mois afin d’être renvoyé à Gaza mais il n’a eu aucune nouvelle.
« Que suis-je censé faire à Gaza ? Il n’y a pas d’emplois là-bas, nous ne faisons qu’attendre la prochaine attaque (israélienne) » déclare-t-il en parfait suédois. « J’ai passé une grande partie de ma jeunesse en Suède, je voudrais y rester, travailler et contribuer à la société. »
« L’Irak et Gaza sont sûrs pour les Palestiniens ... »
Bien que les cas juridiques des protestataires diffèrent dans leurs détails, leurs aspirations politiques sont les mêmes. Ils désirent que les autorités désignent Gaza et Baghdad comme étant peu sûrs pour les Palestiniens, et qu’elles leur permettent de rester en Suède. Les réfugiés interviewés pour cet article ont tous fait état de menaces de violences personnelles, et ils considèrent leur exode en Suède comme un dernier recours.
Les autorités suédoises d’immigration considèrent cependant que Gaza et l’Irak sont juridiquement « sûrs » pour les Palestiniens, ce qui signifie que les demandeurs d’asile doivent prouver au cas par cas une menace imminente à leur sécurité.
Pour ceux dont les demandes d’asile et les appels ont été rejetés - c’est-à-dire tous les Irakiens et beaucoup des Gazaouis - ils sont dans l’attente incertaine de leur déportation. L’intransigeance des autorités égyptiennes et irakiennes signifie que beaucoup attendent depuis des années.
Selon la loi d’immigration suédoise, les demandeurs d’asile peuvent recevoir des permis de résidence s’ils prouvent que toutes leurs tentatives de retour sont épuisées. Ceux qui se retrouvent dans un vide juridique sont encouragés à rechercher d’autres recours, bien qu’il ne soit pas clair de savoir ce que sont ces alternatives.
Les autorités ne précisent pas comment ils prévoient de renvoyer ces réfugiés, ayant déclaré qu’elles ne peuvent discuter de cas individuels en raison de règles de confidentialité.
L’ambassade d’Irak a aussi refusé de faire des commentaires, alors que l’ambassade égyptienne a déclaré que des visas seraient accordés à ceux qui ne font pas l’objet de « précautions de sécurité ». Elle n’a pu expliquer pourquoi beaucoup de Gazaouis affirment attendre depuis plusieurs mois une réponse de l’ambassade.
Ce qui est certain pour ceux qui sont bloqués entre le permis de résidence et la déportation, est leur commune impression d’être abandonnés, dans l’attente d’une solution définitive.
Beaucoup parmi les membres de la communauté palestinienne en Suède, se sont joints à la manifestation pour soutenir leurs pairs irakiens et exprimer leurs propres doléances envers le système d’immigration. Comme de nouveaux réfugiés arrivent chaque jour, ils me disent combien ils en ont assez de l’incertitude permanente et de la menace de déportation à Gaza.
En dépit du fait que beaucoup de Gazaouis n’ont pas encore reçu d’avis de déportation, ils restent constants dans l’affirmation de leur propre humanité dans ce qu’ils appellent un système « déshumanisant » d’immigration.
La plupart des Gazaouis savent que leurs demandes d’asile seront rejetées malgré la situation « invivable » chez eux. Plutôt que d’attendre en silence, ils ont décidé de se battre pour une résolution politique du cas de tous les réfugiés palestiniens.
L’on s’attend à ce que quelques 4 000 manifestants participent à un rassemblement à Malmö la veille d’une journée d’action intra-européenne pour les droits des réfugiés le 12 septembre ; ils veulent croire à un revirement de la situation.
Les autorités, cependant, insistent pour dire que les manifestations ne sauraient influencer les décisions concernant l’immigration.
* Adriano Merola Marotta est un écrivain freelance uruguayen et suédois qui blogue pour le Huffington Post. Il est diplômé à l’Université de Sussex d’une maîtrise en économie politique mondiale. Ses domaines de prédilection sont l’Amérique latine et le Moyen-Orient. Il peut être suivi sur Twitter@AdrianoMerola
4 septembre 2015 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
https://www.middleeastmonitor.com/a...
Traduction : Info-Palestine.eu - Jean Cartier