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Encore un bien triste anniversaire pour Gaza

vendredi 10 juillet 2015 - 08h:56

Sharif Nashashibi

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Les efforts pour mettre un terme au blocus de Gaza doivent aussi déboucher sur le droit des Palestiniens à l’auto-détermination.

La date du 8 juillet marque l’anniversaire de l’attaque israélienne de l’an dernier contre Gaza. Cette attaque est couramment décrite comme une guerre contre le Hamas, ce qui est une grossière erreur. Les cibles et les victimes furent essentiellement des civils, ce qui est une stratégie militaire constante de la part d’Israël.

Selon l’ONU, les 2/3 des 2 251 Palestiniens tués étaient des civils. Parmi eux se trouvaient 551 enfants et 299 femmes.

Plus de 1 500 enfants se sont retrouvés orphelins. Les femmes et les enfants représentaient presque les 2/3 des 11 231 Palestiniens blessés dont 10% sont estropiés à vie. Un rapport établi par « Save the Children » le 6 juillet parle de « graves états de stress émotionnel » permanent chez les enfants avec de nombreux cas d’énurésie nocturne et de cauchemars.

Près de 19 000 maisons ont été en partie ou totalement détruites et 500 000 Palestiniens (28% de la population de Gaza) ont été déplacés. L’ONU a dit que c’était « le plus grand déplacement enregistré à Gaza depuis 1967 ».

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La levée complète du blocus est un impératif moral, écrit Nashashibi - Photo : Getty

L’anniversaire de cette guerre va amener son lot de prédictions sur la probabilité ou inéluctabilité de la prochaine. Il est certain que pour les habitants de Gaza cette perspective pointe toujours à l’horizon.

Le gouvernement israélien le plus extrémiste

Le gouvernement d’Israël récemment élu, décrit à juste titre comme le plus extrémiste dans l’histoire du pays - et ce n’est pas peu dire - est composé de personnalités qui pensent que le premier ministre, Benjamin Netanyahou, a en fait été trop gentil avec le Hamas. Ils veulent une invasion à grande échelle et réoccuper Gaza pour évincer la faction palestinienne.

Les termes de l’accord de cessez-le-feu de l’été dernier reprennent les erreurs basiques qui ont fait échouer les trêves précédentes : des mots trop vagues et la remise à plus tard des discussions sur les problèmes fondamentaux. Cela veut dire qu’il y a tout le temps et les occasions nécessaires pour que le cessez-le-feu se défasse. D’ailleurs Israël l’a violé à plusieurs reprises.

Aucune mention n’est faite de la levée du blocus de Gaza par l’Egypte ou Israël, pas plus que du problème de l’accès de la Palestine au statut d’Etat. Israël se dérobe même devant de plus petits problèmes comme la construction d’un port maritime à Gaza et la reconstruction de l’aéroport bombardé en 2000.

De plus, Netanyahou pourrait bien avoir le sentiment que, dès que sa popularité est en baisse, il ne lui reste qu’à lancer une nouvelle attaque sur Gaza. En effet, au cours de celle de l’été dernier, les sondages en sa faveur ont atteint des sommets allant jusqu’à 82% quand l’invasion au sol a commencé.

Cela fait bien trop longtemps que la population de Gaza croupit dans ce qui est fort justement nommé la plus grande prison à ciel ouvert du monde.

La question se pose aussi de savoir non seulement quand mais si la prochaine guerre sera ou non contre Israël. La semaine dernière, en effet, Daech à menacé de « déraciner » et de « renverser » les « tyrans du Hamas » à Gaza et d’y appliquer la charia.

On devrait prendre cette menace au sérieux étant donné qu’elle fait suite à une série d’attaques récentes perpétrées par leurs sympathisants contre le Hamas à Gaza, véritable défi des djihadistes contre l’autorité du Hamas qui aurait été impensable il n’y a pas si longtemps. Il y aurait eu jusqu’à maintenant une douzaine de ces attaques rien qu’au cours de cette année, dont quatre au mois de mai.

Une population au désespoir

La catastrophe humanitaire causée par le blocus de Gaza qui dure depuis des années offre à Daech un terrain fertile pour recruter parmi la population de plus en plus désespérée de ce territoire appauvri.

Le 3 juillet dernier, Oxfam a déclaré : « Le blocus- qui dure depuis huit ans- a dévasté l’économie de Gaza, a fait que la plupart des gens ne peuvent pas s’en aller, a réduit l’accès des personnes aux services essentiels comme la santé et l’éducation et a coupé les Palestiniens de Gaza de ceux qui vivent en Cisjordanie. »

Selon leur rapport, plus de 40% des gens qui vivent à Gaza sont au chômage dont 67% de jeunes, « le taux le plus élevé au monde ». Un taux énorme de la population (80%) a besoin d’une aide. Or le niveau des exportations est inférieur de 3% à celui d’avant le blocus du fait des « lourdes restrictions » sur les transferts de denrées.

« De nombreuses industries primordiales…ont été décimées parce qu’il est interdit » que les « matériaux essentiels » entrent dans Gaza. « La plus grande partie des ressources en eau n’est pas potable et il y a des coupures de courant 12 heures par jour ».

Le débat sur si et quand un nouveau conflit éclatera se base sur le principe erroné que la guerre entraîne la reprise des hostilités militaires. Le blocus lui-même est un acte de guerre dont on n’aperçoit pas la fin. Se concentrer uniquement sur la violence donne la fausse impression qu’en son absence la paix règne à Gaza, paix qui serait rompue - de façon occasionnelle et inexplicable - par les militants palestiniens.

L’attaque israélienne de l’an dernier n’a pas créé un désastre humanitaire. Elle n’a fait qu’empirer celui qui couvait déjà.

Oxfam a déclaré : « Un an plus tard…pour de nombreuses personnes à Gaza, les conditions de vie se sont aggravées. Une population déjà vulnérable s’est retrouvée dans une situation de vulnérabilité encore plus grande. »

Pas une seule des maisons qui ont été en partie ou totalement détruites n’a été reconstruite du fait des restrictions que le blocus impose à l’entrée des matériaux de construction.

Un impératif moral

La levée complète du blocus est un impératif moral car la population de Gaza n’a que trop longtemps croupi dans ce qui est la plus grande prison à ciel ouvert du monde. Mais cela devrait être aussi un tremplin pour que les droits et les aspirations du peuple palestinien soient enfin concrétisés. Et cela ne doit pas être considéré comme la solution à tous les problèmes.

Le blocus et sa durée - et même les efforts faits pour y mettre fin - tout cela a produit un discours qui fait de plus en plus apparaître Gaza comme une entité distincte, séparée du reste de la Palestine et de sa population. Cette vision sert la stratégie d’Israël du « diviser pour mieux régner » et il faut la contrer.

Les efforts faits pour mettre fin au blocus doivent aussi déboucher sur le droit des Palestiniens à l’auto-détermination. Il se peut qu’ils soient divisés, sur les plans géographique et politique, mais ils restent un seul peuple et une seule nation.

Même si le blocus était levé, les Gazaouis n’accepteraient pas d’abandonner leurs compatriotes à leur propre sort. La fin de leurs malheurs apparaît malgré tout - et c’est le plus triste - comme une perspective bien plus lointaine que la reprise d’un conflit armé, pour lequel il y aura encore de tristes anniversaires.

* Sharif Hikmat Nashashibi est président et cofondateur de Arab Media Watch, organisme de surveillance indépendant, créé en 2000 pour inciter à des couvertures plus objectives des questions arabes dans les médias britanniques.

Du même auteur :

- Égypte : faire jouer au Hamas le rôle de bouc émissaire - 9 février 2015
- Conseil de sécurité : une perte de temps pour les Palestiniens - 7 janvier 2015
- L’Autorité de Ramallah conduit les Palestiniens à l’échec - 3 décembre 2014
- Il n’y a aucun espoir d’un cessez-le-feu durable à Gaza - 7 septembre 2014
- Le dilemme que pose la Syrie aux Palestiniens - 30 juillet 2014

* Traduit de l’anglais par Christine Malgorn – Auteur de Syrie, mon amour. 1860, au cœur de la guerre oubliée, édition Harmattan, 2012 – Voir la vidéo (disponible sur Amazon) ; et de « Bienvenue au Shéol » paru en avril 2015 (disponible en numérique sur Amazon, et en format papier). Consultez son blog

9 juillet 2015 - Al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Christine Malgorn


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