Le rapport de l’ONU sur Gaza : imparfait mais néanmoins très important
lundi 6 juillet 2015 - 05h:39
Gregory Shupak
Bien que certaines parties du rapport suggèrent à tort une équivalence entre oppresseur et opprimé, celui-ci contient de nombreuses preuves de la brutalité israélienne, écrit Grégory Shupak.
- Enfants palestiniens près d’un bâtiment endommagé dans le quartier Huza’a de Khan Younès, Gaza, le 22 juin 2015 - Photo : AA
Dans un rapport publié le 22 juin 2015, le Conseil des droits de l’homme des Nations unies (CDH) documente certains des crimes commis par l’État israélien durant son attaque de Gaza en juillet-août 2014.
Le rapport présente des faiblesses importantes. L’enquête débute au 13 juin 2014, le premier jour où des roquettes ont été tirées sur Israël depuis la bande de Gaza. Choisir cette date comme début, c’est accepter implicitement l’affirmation de l’État israélien selon laquelle les combats ont commencé en raison des tirs de roquettes palestiniens. Le 11 juin 2014 constitue un point de départ plus précis : « l’aviation israélienne a pris pour cible un membre présumé d’un groupe armé circulant sur une moto avec un enfant de dix ans », tuant l’homme sur le coup et provoquant la mort de l’enfant trois jours plus tard.
En outre, certaines formulations du rapport impliquent de manière erronée que les groupes armés palestiniens et l’État israélien ont violé le droit international dans la même mesure, comme lorsque les auteurs écrivent qu’ils ont réuni « des informations substantielles indiquant de graves violations du droit humanitaire international et du droit international relatif aux droits de l’homme par Israël et par les groupes armés palestiniens ».
La culpabilité d’Israël occultée
Présenter l’opération Bordure protectrice de cette manière est ridicule étant donné que le CDH estime que les Palestiniens sont responsables de la mort de six civils israéliens alors que l’armée israélienne a tué 1 462 civils palestiniens.
De même, et c’est là tout aussi problématique, le rapport évoque « l’immense souffrance des victimes palestiniennes et israéliennes, qui ont été soumises à des cycles répétés de violence », sans faire de distinction entre les degrés de souffrance ni observer l’écrasante responsabilité d’Israël dans cette guerre et les conditions désastreuses dans lesquelles vivent les Palestiniens depuis 1948.
Les preuves concrètes présentées dans le rapport démontrent qu’il est absurde d’envisager la guerre de cette façon. Cela dit, malgré sa rhétorique erronée, le document offre un rapport détaillé des atrocités massives perpétrées par Israël. L’ampleur des crimes attribués à Israël par le CDH dans ce rapport et les dommages causés par Israël sont infiniment plus importants que tout ce qui est imputé aux factions armées palestiniennes.
Le rapport décrit les bombardements de bâtiments résidentiels par les forces israéliennes lors de « ce qui semble avoir été des frappes aériennes ciblées » ; « l’utilisation de l’artillerie et d’autres armes explosives ayant des effets considérables dans des zones densément peuplées ; la destruction de quartiers entiers de Gaza » ; le bombardement d’écoles et d’installations médicales.
La souffrance des enfants
Dans l’ensemble, le rapport constitue une archive de l’incroyable brutalité de l’État d’Israël. Les cas suivants y sont examinés : sept enfants, dont un bébé, tués dans la maison familiale des al-Sayam ; cinq enfants de moins de 12 ans tués au domicile de la famille al-Farra ; trois enfants de moins de 12 ans de la famille Shuheibar qui ont été tués.
Le CDH remarque que tous ces enfants étaient à l’extérieur et donc visibles pour l’armée israélienne possédant des technologies sophistiquées et que « des armes de précision semblent avoir été utilisées, ce qui indique que des objectifs spécifiques ont été ciblés ». En somme, le rapport montre que l’armée israélienne a délibérément tué ces enfants.
Dans le quartier de Chujaya, l’armée israélienne a tué cinquante-cinq civils en deux jours et a rasé la zone. Le rapport constate que « la durée du pilonnage intensif (plus de six heures), ainsi que les moyens d’observation et de renseignements dont disposait [l’armée israélienne] dans la bande de Gaza, auraient dû permettre aux responsables de l’attaque d’obtenir des informations opportunes quant à l’impact catastrophique des bombardements sur les civils et les biens de caractère civil ». En d’autres termes, l’armée israélienne savait la souffrance qu’elle infligeait aux civils à Chujaya et n’a pas cessé pour autant son attaque.
« Tout est devenu une cible »
De même, l’armée israélienne a attaqué les routes dans et hors de Khuza’a et « personne n’a été autorisé à se déplacer dans ou hors du village. C’est devenu une zone de combats actifs, tout ce qui s’y trouvait est devenu une cible ». En outre, « l’électricité a été coupée et des rapports indiquent que de nombreux réservoirs d’eau sur les toits des maisons ont été attaqués et détruits [par l’armée israélienne]. » Soixante-huit personnes, dont au moins quatorze civils, ont été tués dans Khuza’a tandis que des « quartiers résidentiels abritant des centaines de familles ont subi d’intenses frappes aériennes et terrestres ».
À Rafah, l’armée israélienne a tué cent personnes le 1er août, dont soixante-quinze civils. Selon le CDH, Israël semble avoir ciblé là tous les véhicules, qu’ils soient militaires ou civils, y compris des ambulances. Ceci « équivaut à une attaque délibérée contre des civils et des biens de caractère civil ». Le rapport estime qu’il est très probable que, grâce à l’aviation israélienne, les « responsables sur le terrain ont rapidement appris l’impact désastreux des attaques sur les civils et les biens de caractère civil », mais ont poursuivi l’attaque pendant des heures.
La propagande israélienne discréditée
Les principaux éléments du discours des propagandistes pro-israéliens pendant la guerre sont également discrédités dans le rapport. Lorsqu’Israël a envoyé des troupes au sol dans la bande de Gaza, il a affirmé que c’était nécessaire pour protéger les civils israéliens des attaques menées par des tunnels qui partaient de Gaza.
Cependant, la commission qui a rédigé le rapport « observe que pendant la période examinée, les tunnels ont été utilisés uniquement pour mener des attaques dirigées contre des positions [militaires israéliennes] en Israël à proximité de la Ligne verte, qui constituent des cibles militaires légitimes ». Alors que les ardents défenseurs d’Israël se targuent du fait que l’armée du pays prévient les civils des attaques imminentes, le CDH cite de nombreux cas dans lesquels aucun avertissement n’a été émis et de nombreux civils palestiniens ont été tués.
En ce sens, le rapport du CDH témoigne de la manière choquante dont l’État israélien traite les Palestiniens. Bien que certains aspects du document soient présentés d’une manière qui occulte l’identité des coupables dans cette guerre et obstrue l’énorme disparité dans l’échelle de la douleur infligée, ce cadrage est sapé par les propres conclusions du rapport. Les lecteurs impartiaux n’auront aucune difficulté à identifier l’oppresseur et l’opprimé.
* Gregory Shupak est écrivain et militant. Il enseigne l’étude des médias à l’université de Guelph, au Canada.
Du même auteur :
Quand la mort de civils horrifie le New York Times ! - 18 décembre 2014
26 juin 2015 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/fr/opi...
Traduction : MEE - VecTranslation