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De l’urgence de restaurer le système politique palestinien

samedi 7 mars 2015 - 07h:06

Sam Bahour

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Quelques suggestions de pistes à suivre d’urgence pour élaborer une vraie stratégie politique réformant la gouvernance à l’OLP.

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Abbas doit se rendre à Gaza et y séjourner jusqu’à la réconciliation - Photo : Al-jazeera

Aujourd’hui, la stratégie politique est conduite en l’absence totale de système politique fonctionnel. La fragmentation forcée par Israël de notre réalité géographique ajoutée aux divisions internes des partis politiques, au dégoût et à l’incompétence, au statu quo, tout cela déchire le tissu sociétal palestinien. Si les choses continuent comme aujourd’hui, le train de la libération nationale ne peut que dérailler, entraînant des dommages graves, voire permanents à notre exigence de liberté et d’indépendance.

Presque chaque semaine en Palestine, une personnalité politique ou un thinktank invite un groupe pour débattre de ce qui peut être fait pour empêcher que notre projet politique n’aille dans le mur. Bien sûr ces efforts pour nous rassembler, alors que tant de forces tentent de nous maintenir dans un désarroi permanent, sont les bienvenus.

Pourtant, contrairement à ceux qui se plaisent à approcher les dirigeants, je me suis éloigné de ces interminables discussions, sérieusement inquiet. Étant donné les années d’expérience de haut niveau des participants réunis autour de la table, je serais bien surpris si l’un d’entre eux pouvait déceler la moindre perspicacité partagée dans ces discussions. La pensée que ces réunions lancent réellement l’un ou l’autre processus stratégique pour inverser la détérioration du politique est plutôt improbable.

Les priorités pour une vraie piste stratégique

Voici quelques priorités indispensable pour nous mettre sur une piste stratégique qui vaille le temps et les efforts impliqués. Elles sont directement liées à la nécessité de refonder notre système politique palestinien ainsi que notre mouvement de libération nationale.

1. Appliquer la responsabilisation – On ne peut plus tolérer que ceux qui sont responsables, politiquement ou autrement, de l’état actuel de nos affaires sont encore toujours présentés comme nos sauveurs. Tant que le public ne verra pas qu’on lui présente davantage qu’une opération de relations publiques exhibant des éléments en échecs ou criminels dans notre société, tout stratégie choisie n’aura guère de légitimité.

2. S’attaquer au problème de la gouvernance – C’est bien le sujet dont chacun parle mais que personne n’aborde de près. Comment pouvons-nous sérieusement aller de l’avant sans un système politique établi ? Les réunions organisées chaque semaine par des analystes communautaires bien intentionnés ont certes leur rôle à jouer, mais elles ne peuvent se substituer à un système politique efficace.

La série d’élections municipales qui se sont tenues en Cisjordanie ont été un petit pas en avant et il faut les étendre, tant que possible, jusqu’à ce que toutes les administrations municipales non seulement soient élues, mais aussi qu’elles respectent leur mandat aux affaires.

Toutefois le niveau de l’administration municipale n’est pas l’arène où émergera la stratégie politique. Chaque niveau dirigeant de l’OLP, chaque organe de l’OLP, chaque unité dirigeante de l’AP doit retrouver une crédibilité devant le peuple, en Palestine comme à l’étranger.

S’il va sans dire qu’elles servent un objectif, les élections ne sont pas pour autant une solution-miracle. Pour bien faire comprendre ce point, j’invite tous les Palestiniens à regarder cette conférence TED de l’investisseur et politologue Eric X. Li, qui estime que la Chine « défiera moralement » la prétention à l’universalité des systèmes démocratiques occidentaux.

Le problème est qu’il y a bien des voies pour parvenir à une gestion collective à chaque niveau de gouvernance ; alors, qu’est-ce que nous attendons ?

3. Développer des capacités pour la bataille onusienne – Adhérer à la Cour pénale internationale (CPI) a été une démarche audacieuse attendue depuis longtemps, mais ce sera forcément un processus long et difficile. L’impact réel des nouveaux outils étatiques qui nous sont disponibles doit défier l’occupation à un niveau opérationnel dans des instances internationales choisies stratégiquement. Pour y parvenir, il nous faut des ressources humaines spécialisées, expérimentées et engagées. La qualité de notre corps diplomatique actuel laisse beaucoup à désirer.

La menace publique d’entrer dans plus de 500 organisations et traités internationaux ne dit rien qui vaille à ceux qui connaissent l’état actuel de nos ressources humaines. C’est une dangereuse illusion. Prenons au sérieux le statut d’état et mobilisons les ressources humaines pour arriver à la hauteur de l’enjeu.

C’est seulement si nous travaillons sur les trois impératifs indiqués ci-dessus que nous serons réellement préparés à entrer dans un exercice de planification stratégique pour définir la marche à suivre vers notre liberté et notre indépendance.

Entre-temps, pourquoi perdons-nous du temps à nous attarder sur la nécessité de choisir des formes e résistance ? Ne pouvons-nous au moins nous accorder sur le fait qu’il faudrait soutenir toutes les formes internationalement et moralement acceptées de résistance ? Elle comprennent les efforts diplomatiques, la résistance économique, la désobéissance civile, la CPI, le BDS, etc. Ce sont des tactiques, pas une stratégie politique. Une fois la direction stratégique politique définie, l’intensité de chacune de ces tactiques pourra être revue.

Mais tant qu’une stratégie politique n’est pas définie, qui peut dire quelle tactique de résistance est valide ou non ?

Les fondamentaux d’une stratégie politique

Nous devons revenir aux fondamentaux, et poser aux partis politiques aussi bien qu’à la direction de l’OLP quelques questions pouvant servir de points de départ pour un nouveau programme politique. Par exemple, en 2015, allons-nous :

1. accepter le droit international et les résolutions de l’ONU comme étant notre cadre de référence ?
2. reconnaître l’État d’Israël ? Non pas l’indéfinissable État « juif » mais plutôt l’État qui siège à l’ONU ?
3. reconnaître le nouvel Etat de Palestine (malheureusement nous ne l’avons pas qualifié de nouveau dans la demande de statut d’État à l’ONU, pour que la définition politique soit claire) ? Pas l’État de Palestine de 1948, l’État qui est dans nos cœurs et dans notre poésie, mais plutôt l’État politique qui siège à l’ONU avec le statut d’observateur non membre depuis le 29 novembre 2012 ?

La réponse à ces questions et à d’autres, sous forme écrite, de la part de l’OLP et de tous le partis politiques remplirait des volumes entiers. A tout le moins, cela permettrait au peuple palestinien de savoir qui nous sommes.

En outre, il y a quelques démarches pratiques qui pourraient immédiatement aider au redémarrage de notre mouvement de libération nationale :

1. D’abord, le président Abbas doit se rendre à Gaza et y rester jusqu’à la mise en œuvre de l’accord de réconciliation. Avant de partir, il est impératif qu’il nomme un vice-président. La question de la mise en place d’un adjoint est souhaitée de longue date, mais pour bien en comprendre l’urgence j’engage tout le monde à lire l’article écrit par le juriste Haytham al-Zoubi (Université de Bir Zeit), publié dans le quotidien Al-Quds le 20 juillet 2013 : « Simple conseil constitutionnel au président » [en arabe].

2. Deuxièmement, une décision de l’OLP et un décret présidentiel doivent élargir la portée de la Commission électorale centrale, pour lui permettre d’entamer le long et fastidieux processus de recenser tous les Palestiniens du monde entier. Il est inacceptable qu’aucun effort n’a été fait pour créer un registre de la population pour tous les Palestiniens, pas seulement ceux qui sont sous occupation.

3. Troisièmement, une décision de l’OLP et un décret présidentiel doivent activer une nouvelle loi progressiste régissant les partis politiques, afin de permettre à de nouveaux groupements politiques de se rassembler et de faire leur entrée sur la scène politique palestinienne. Nous nous leurrons en continuant à parler des partis politiques traditionnels comme s’ils étaient tous vivants et bien portants, voire s’ils ont une simple existence significative aujourd’hui. Si la pensée politique n’est pas autorisée à se réunir légitimement et à devenir un motif dans la tapisserie politique palestinienne, nous n’avons plus qu’à attendre que les exclus se mettent à tisser de leur côté.

Nous avons tous passé beaucoup trop de temps à maquiller une réalité dont nous voyons et savons qu’elle est stratégiquement perturbante, en fait : catastrophique.
Réparer le système politique palestinien ne peut plus attendre. C’est la cause la plus juste dans l’histoire moderne qui est en jeu.

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* Sam Bahour est un consultant américano-palestinien en développement des affaires, à Al-Bireh (Ramallah), au nord de Jérusalem, ancien cadre de l’Université Birzeit. Il est co-éditeur de Homeland : Oral History of Palestine and Palestinians (Olive Branch Press, 1994) et dirige notamment la fondation Dalia Association.

Du même auteur :

- Israël a déclaré la guerre aux banques palestiniennes - 29 mai 2014
- Les Palestiniens vont bientôt boucler la boucle - 9 août 2011
- La Palestine est la clé pour la démocratie arabe - 9 février 2011
- La société civile en tête - 27 mai 2010
- Coexister avec l’occupation n’est pas une option - 8 septembre 2008

28 février 2015 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/r...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert


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