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Notre discours et son impact politique

jeudi 5 mars 2015 - 07h:04

Hanin Zoabi

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Suite à la bataille juridique qui lui rendu son droit de siéger à la Knesset, Hanin al-Zoabi explique les idées fausses qui ont cours sur l’identité, le message et la lutte des citoyens palestiniens d’Israël.

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Hanin Zoabi lors d’une intervention à la Knesset, alors qu’une députée du parti Yisrael Beteinu qui tentait de l’agresser est évacuée de la tribune - Photo : AFP/David Vaaknin

La dernière tentative pour me disqualifier de la Knesset et pour m’empêcher de concourir aux élections parlementaires est maintenant derrière nous.

Néanmoins nous devons comprendre la signification politique de l’action et identifier ses effets.

La réponse israélienne à nos déclarations et prises de position a été un « choc », qui s’est manifesté sous la forme d’attaques à notre encontre. Nous faisons la corrélation avec notre déclaration que le Hamas n’était pas « un groupe terroriste », et avec notre soutien et notre participation à la flottille du Mavi-Marmara pour Gaza.

Mais nous n’avons pas entrepris la réflexion qui s’ensuit, et qui serait de nous demander : Quelle est la raison exacte de ces provocations contre nous ? Et en quoi la participation à la flottille et les commentaires émis diffèrent-ils d’autres activités et déclarations similaires par lesquels nous soutenons notre peuple et sa lutte ?

Ensuite, quelle est la signification politique profonde de cette colère israélienne devant des déclarations que nous considérons comme parfaitement évidentes : pas besoin de réfléchir deux fois pour savoir si c’est ou non la bonne réponse aux médias, au parlement et aux politiques d’Israël.

Lutte et identité

La question politique profonde derrière cette attaque tapageuse est une bataille pour décider, ou tenter de décider de la question suivante : l’égalité inclut-elle l’acceptation de l’arabe [israélien] comme un Palestinien qui soutient la lutte de son peuple sans hésitation ?

La question de l’égalité et d’une identité égale en droits, a été débattue par des juristes à huis clos, loin du public palestinien et israélien – alors qu’il s’agit d’un débat essentiellement politique qui aurait dû être mené entre nous et la société israélienne à des tribunes politiques et sur les forums médiatiques.

Mais un racisme aveugle a empêché qu’un tel débat ait lieu.

La première bataille pour me disqualifier a eu lieu en 2003, lorsque Azmi Bishara et l’Assemblée Démocratique (Balad) ont été visés sur la question d’un « état citoyen », avec la question : soutenez-vous un état où arabes et juifs sont égaux ?
Ensuite, en 2015, la bataille s’est déplacée vers la question suivante : l’égalité autorise-t-elle les arabes à soutenir la lutte de leur peuple ?

En d’autres mots le débat provoqué par l’assemblée en 2003 a évolué à partir du sens de « l’égalité » pour aller se centrer sur le sens de « arabe », la question devenant : par "arabe", entendons-nous le segment de la population qui se considère comme faisant partie du peuple palestinien et qui partage sa souffrance et son combat ?

Un état citoyen

Au milieu des contradictions flagrantes entre le concept « d’état juif » et la réalité de notre existence dans cet état, articulées politiquement par le projet « état citoyen », les points suivants sont à garder en mémoire :

1. Ces contradictions politiques fondamentales ne mènent pas à un vrai débat politique, sauf s’ils entraînent des affrontements. C’est uniquement quand il y a des heurts que l’opinion publique israélienne s’intéresse à ces questions, et à sa manière, bien sûr.
2. On ne discute jamais réellement des implications politiques de ces contradictions, dans la mesure où l’État est concerné. En lieu et place, des accusations et des arguments futiles dominent la conversation, et les questions ne font l’objet de discussion que dans des canaux juridiques, plutôt que politiques.
3. Quant au débat juridique, qui jusqu’à présent nous a été favorable, il ne remonte pas jusqu’aux médias et ne produit pas de vraie discussion politique.

Aussi l’impact de ce débat essentiel sur la prise de conscience publique reste quasi nul. Autrement dit, l’opinion publique israélienne « n’intériorise » ni les décisions de la Cour israélienne ni les arguments de la défense comme partie intégrante de sa culture politique. Le débat juridico-politique qui s’est tenu devant le conseiller juridique nous est favorable, en tant que minorité palestinienne de l’intérieur non parce que des autorités du droit s’accommodent davantage de notre position historique, mais parce qu’elles adhèrent à des règles plus strictes.

Quoi qu’il en soit, cela jette les fondations d’une logique dont non seulement nous avons besoin vis-à-vis des autres, mais aussi vis-à-vis de notre propre communauté.
En effet, notre communauté, en vertu de son instinct de survie, tend à courber la tête pour laisser passer la tempête. Je ne suis pas de ceux qui croient que la tête se redressera à la même hauteur une fois la tempête passée.

Dans ce contexte, nous devons nous arrêter sur les conclusions du conseiller juridique, dans sa réponse devant la Cour dans l’action de disqualification. « Zoabi appartient à une minorité ethnique du pays, et elle se définit dans ses déclarations comme faisant partie du peuple palestinien. C’est pourquoi elle s’identifie à partir de cette position avec sa lutte » a-t-il dit.

Des messages de défiance

C’est une phrase un peu bizarre.Le conseiller juridique de la Cour israélienne semble entendre que nos déclarations ressortissent à notre affiliation avec notre peuple. Il demande aussi à la Commission électorale de « comprendre cela », semblant expliquer que la cause de l’attaque [en disqualification], c’est que l’opinion publique israélienne ne comprend toujours pas que nous faisons partie du peuple palestinien.

Là nous devons nous demander : pourquoi la société israélienne n’a-t-elle pas compris que le discours dans lequel nous sommes engagés jour et nuit, et dont tous les partis, dirigeants, institutions, associations et membres de la Knesset arabes sont porteurs ?

Si certaines déclarations peuvent faire perdre à la société israélienne son esprit collectif, qu’en est-il alors des autres déclarations qui font l’essentiel de notre discours et rhétorique ? En quoi ont-elles convaincu le public israélien ?

Nous devons nous arrêter sur la pénible possibilité que la société israélienne ait développé deux mécanismes pour traiter notre discours de défiance. Certains messages de défiance peuvent passer « tranquillement » et sans la moindre réaction, étant sous le plafond du politiquement correct qui adoucit et atténue leur nature de défiance. Ces messages quittent la pensée et la mémoire collectives de la société israélienne aussi vite qu’ils y sont entrés, paisiblement et sans réaction ni compréhension.

D’autres messages sont vus comme une violation de ce plafond, et ils « choquent » les Israéliens. Néanmoins ils ne s’y arrêtent pas et ne font preuve d’aucun intérêt réel, sans quoi il y aurait une possibilité de prendre avantage de cette prise de conscience et d’entamer un vrai débat sur l’égalité et l’identité.

Je le dis parce que je crois que les Israéliens n’auraient pas été choqués s’ils avaient réellement compris les dizaines de messages « non choquants » que nous avions envoyés auparavant, et qui dans ce cas auraient créé une réelle compréhension de notre position dans le conflit.

Khalil Gibran a dit que la moitié de ce que nous disons n’a pas de sens mais que nous le disons pour compléter le sens de la première moitié. Ici nous affirmons que la moitié de ce que nous disons peut paraître superflu mais nous devons absolument le dire pour compléter le sens de la première moitié.

Pour tout défenseur d’un droit, ce qui importe c’est que son idée s’implante et qu’il ait un impact politique, il ne s’agit pas simplement de permettre à ses déclarations de passer tranquillement.

Une fois encore, par tous les moyens, nous devons souligner et faire ressortir notre identité dans toutes ses dimensions, ce qui inclut de soutenir la lutte de notre peuple pour la liberté et contre l’occupation et le blocus. Nous devons insister sur le fait que nous ne considérons pas cette lutte comme terroriste mais que c’est l’occupation que nous voyons comme un terrorisme.

La question en 2003 concernait l’égalité, la question en 2015 porte sur le droit d’appartenance, et entre les deux s’est traduit le projet de rassemblement [des partis arabes] pour l’identité nationale et la citoyenneté pleine et entière.

C’est pour cette cause que nous resterons unis et persévérants.

Consulter également :

- Élections israéliennes : les Palestiniens représentés par une liste unitaire - 24 février 2015
- Haneen Zoabi pourra se présenter aux élections à la Knesset - 19 février 2015
- Zoabi : parler de démocratie israélienne est une « sinistre plaisanterie » - 18 février 2015
- La députée palestinienne Hanin Zoabi refuse son exclusion de la Knesset - 19 octobre 2014

28 février 2015 - al-Araby - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.alaraby.co.uk/english/co...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert


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