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Les universités de la bande de Gaza connaissent une grave crise financière

dimanche 11 janvier 2015 - 16h:04

Asmaa al-Ghoul

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GAZA - M. Mohammad Taysir étudiant, ne peut pas payer les frais de scolarité de l’école de journalisme de l’université Al-Aqsa, alors que devenir journaliste a toujours été son rêve. Il aime la photographie et aspire à devenir un journaliste connu.

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Israël a pour habitude de bombarder les universités dans la bande de Gaza... Ici, l’Université islamique après le bombardement du 2 août 2014, alors qu’elle avait déjà été bombardée et reconstruite après l’offensive de l’hiver 2008-2009 - Photo : APA/Ashraf Amra

Après que M. Taysir eut insisté auprès de son père, l’aspirant journaliste a réussi à réunir avec difficulté 250 dollars, frais du premier semestre. Il a confié à Al-Monitor : « J’ai cru que je devais payer uniquement les frais d’inscription avant de réaliser qu’il y avait aussi les frais de transport, du sud de la bande de gaza à Gaza ville. J’ai également besoin d’un ordinateur portable pour rédiger mes articles et un appareil-photo pour mon travail de journaliste. Je ne sais pas quoi faire. »

M. Taysir n’est pas le seul à affronter de telles difficultés. Les administrations des universités palestiniennes dans la bande de Gaza connaissent les mêmes restrictions après une crise financière étouffante depuis près de cinq ans, une crise qui s’est intensifiée avec la dernière guerre sur la bande de Gaza.

Interrogé sur cette crise, le vice-président des affaires extérieures de l’Université Islamique, M. Yahya Sarraj a déclaré à Al-Monitor : « Depuis le début de 2014, les 1040 employés de l’université touchent 70 % de leurs salaires et si la crise continue, il se pourrait qu’ils ne touchent plus que 50 % de leurs salaires. De plus, les bourses coûtent à l’université 2,5 million de dinars jordaniens (l’équivalent de 3,5 millions de dollars américains). Nous les avons réduites de 30 % ».

M. Sarraj a ajouté que le déficit annuel de l’université avait atteint 10 millions de dollars et a indiqué que l’intensification du blocus sur la bande de Gaza et la guerre ont conduit à une baisse spectaculaire des aides accordées aux universités palestiniennes par les pays arabes voisins. De plus, les obligations financières de l’Autorité Palestinienne (AP) vis-à-vis de l’université n’ont pas été honorées.

L’entrevue avec M. Sarraj avait lieu dans ce qui restait du bâtiment administratif, bombardé par l’armée d’occupation israélienne pendant la dernière guerre. « Nous n’avons pas encore reconstruit le bâtiment à cause de cette crise aiguë » a dit M. Sarraj.

Il a dit que le coût de l’enseignement et le niveau de vie sont très élevés, alors que les revenus sont en baisse à cause du chômage, du blocus et de la guerre. Il a ajouté : « L’université n’a pas répercuté ces hausses sur les étudiants. En même temps, elle refuse de les priver d’éducation, alors elle supporte ce coût. Cela a malheureusement affecté le développement de l’université, de ses laboratoires et de ses infrastructures. Malgré cela, l’université tient à minimiser l’effet de tout cela sur la qualité de l’enseignement. »

M. Sarraj n’a pas nié que l’université avait renvoyé 22 employés avec des contrats de travail à durée déterminée dans le but de baisser les dépenses de l’université, ce qui a augmenté la charge de travail des professeurs qui ont des contrats à durée indéterminée.

M. Hassan Qanouh, qui a enseigné à 550 diplômés au département d’ingénierie informatique à l’Université Islamique, était l’un de ces professeurs renvoyés. Il n’a pas pris la chose personnellement. Il a ajouté qu’il s’agissait d’une fin de contrat. Il a déclaré à Al-Monitor : « Ne pas se voir renouveler son contrat cause toujours de la peine mais j’ai retrouvé en fin de compte un poste dans une autre université. »

En septembre 2013, le conseil des étudiants de l’Université Islamique a pour la première fois depuis sept ans manifesté contre la décision de l’université d’annuler les frais de scolarité minimum, et l’université est revenue sur sa décision.

Au même moment, le conseil des étudiants de l’université Bir Zeit en Cisjordanie a fermé l’université durant deux semaines, suite à l’augmentation des frais de scolarité par l’administration sous prétexte de combler son déficit budgétaire. La crise s’est terminée par d’intenses altercations et même le renvoi de quelques étudiants. Il faut noter que 54% du budget du gouvernement à Ramallah en 2013 a été affecté aux salaires de la police et aux employés du gouvernement : près d’un milliard (26 % du budget) a été alloué à la sécurité et 16% seulement à l’Éducation.

Mme Aya Hassouna, présidente du conseil des étudiants à l’Université Islamique, pense que la décision de l’université de réduire les bourses et les exemptions à 70% des étudiants était dur pour tout le monde, particulièrement après la guerre et la détérioration de la situation économique des étudiants. Mme Hassouna a déclaré à Al-Monitor : « Après avoir parlé avec l’administration, nous avons trouvé que la mesure prise par l’université était meilleure qu’une augmentation générale des frais de scolarité ».

Al-Monitor a appris d’une source de l’administration de l’Université Islamique - qui a parlé sous couvert de l’anonymat - que les aides non officielles qui s’élèvent à des millions de dollars et accordées par l’Arabie Saoudite, les Émirats Arabes Unies et quelques agences gouvernementales américaines se sont arrêtées ces dernières années, en particulier après 2013 et après que l’on eut soupçonné l’Université Islamique d’être affiliée au Hamas et aux Frères Musulmans.

A ce propos, M. Sarraj a déclaré à Al-Monitor : « L’Université Islamique se vante d’être indépendante et son administration n’a jamais reçu et ne souhaite pas recevoir des ordres de la part d’un parti politique ou d’un autre, contrairement à ce qu’on répète régulièrement ». M. Sarraj a également affirmé que l’université n’a jamais reçu aucune aide directe du Hamas.

Et d’ajouter : « Nous n’avons même pas reçu l’aide promise par M. Ismail Haniyeh quand il était chef du gouvernement à Gaza ».

A l’université de Al-Azhar, la crise économique est tellement grave que les salaires des employés sont déduits de leur bonus de fin de service. M. Ali Al-Najjar, vice-président de l’université pour les affaires financières a déclaré : « Nos salaires sont payés par nos primes de fin de service pour combler le déficit. Le président Yasser Arafat avait coutume de dire que les primes de fin de service étaient une ligne rouge, mais nous avons dépassé cette ligne et nous avons des dettes envers nos employés qui s’élèvent à 25 millions de dollars sur les cinq dernières années ».

M. Al-Najjar a dit que les exemptions et les bourses coûtent à l’université chaque année 2 millions de dinars jordaniens (2,8 million de dollars), vu les maux qui affligent la bande de Gaza qui subit les difficultés financières les plus sévères qu’elle ait jamais connues.

M. Al-Najjar a confié à Al-Monitor : « L’université traverse une mauvaise passe financière depuis que l’aide accordée par l’Autorité Palestinienne s’est arrêté en décembre 2009. Avant cette date, l’université recevait 450 000 dollars par mois. »
Il a ajouté que le président palestinien Mahmoud Abbas avait en 2010 promis 500 000 dinars jordaniens (702 220 dollars américains) à l’université Al Azhar.

Le président palestinien a été sollicité à 5 reprises pour le déboursement de cette somme d’argent mais à chaque fois Abbas a répondu qu’il avait donné l’ordre d’envoyer l’argent à l’ancien premier ministre M. Salam Fayyad. Aujourd’hui, la question est entre les mains du nouveau premier ministre Rami Hamdallah, mais l’argent n’a pas encore été transféré.

M. Al-Najjar a dit que les conséquences désastreuses de cette crise seront plus apparentes entre 2018 et 2020 quand 60 employés de l’université devront percevoir leurs retraites et s’apercevront que leurs primes de fin de service ont été consommées. Il a souligné que la solution à la crise qui empoisonne les universités palestiniennes serait de restaurer les aides du gouvernement, qui s’élevaient à 5 millions de dollars par an à chaque université.

Il dit encore : « Des professeurs demandent des chaises et des ordinateurs pour leurs bureaux. J’appose ma signature sur ces demandes avec l’expression « En attendant d’avoir des liquidités ».

Le classement mondial QS des 50 universités arabes de cette année n’a pas inclus d’université palestinienne. Avant cela, il incluait l’Université de Bir Zeit, l’Université Islamique et l’Université Al-Najjah.

* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

De la même auteure :

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12 décembre 2014 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - FJ


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