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En Palestine, pas de dignité sans justice

mardi 23 décembre 2014 - 05h:41

Samira Shackle

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Un ancien chef du Mossad, l’agence d’espionnage israélienne, n’est pas la personne que l’on pressentait pour recommander une approche plus conciliante des Palestiniens. Et pourtant c’est bien ce qu’Efraïm Halevy vient de faire.

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Des policiers israéliens patrouillent dans le district palestinien de Jérusalem-Est, près d’une maison accaparée par des colons juifs dans le quartier arabe de Silwan, le 20 octobre 2014 - Photo : Reuters

Dans une interview exhaustive accordée au Times of Israel, Efraïm Halevy, qui fut à la tête du Mossad de 1998 à 2002 et servit ensuite comme conseiller spécial d’Ariel Sharon, a critiqué la politique du gouvernement israélien sortant.

Selon lui les prochaines élections de mars 2015 ne sont pas seulement le choix d’un leadership mais l’occasion de décider « comment nous traitons l’autre côté ». Il a dit : « La décision cette fois ne sera pas que sur la personne choisie, mais sur ce qui sera réalisé. Pas sur qui déterminera les politiques, mais sur ce que seront ces politiques. »

Halevy a critiqué le Premier ministre Benjamin Netanyahou et le ministre de l’Économie Naftali Bennett pour avoir violé le statu quo à Jérusalem et avoir permis aux juifs nationalistes de pénétrer dans les quartiers arabes de l’Est de la ville.

Mais le commentaire qui a davantage attiré l’attention est son appel à en finir avec les politiques de« condescendance » envers les Palestiniens.

Il a conté l’anecdote d’un ami à lui faisant remarquer que le hébreu n’avait pas de mot pour « dignité », et ajouté : « Le problème qui est le nôtre depuis des années c’est qu’ils aspirent à une dignité, et la dernière chose que nous faisons est de nous adresser à eux de manière à leur donner ce peu de sentiment de dignité ». Il a dit que les Israéliens traitent les Arabes comme des inférieurs et qu’il n’y aura pas de paix aussi longtemps que cela persistera.

Évoquant le Traité de paix signé par Israël en 1979 avec l’Égypte, Halevy dit qu’il n’a été rendu possible que parce que les deux parties se considéraient comme victorieuses dans la Guerre d’Octobre 1973. Selon lui, cela signifie que les deux parties se sentaient égales et que pareille situation – celle qui autorise les deux camps à se sentir dignes – est une condition pour l’établissement d’une paix entre Israéliens et Palestiniens.

« Je ne pense pas que nous progresserons tant que ce moment-là ne sera pas arrivé, et je crains que cela prendra très longtemps avant qu’il n’arrive, s’il arrive un jour » dit-il. « Et sinon, il n’y aura jamais de paix entre nous et les Palestiniens. Le cas échéant, nous sommes condamnés à une lutte sur le très long terme ».

Halevy pointe un facteur intéressant : des négociations ne peuvent pas être libres et équitables tant que l’une des parties croit à son absolue supériorité, parce qu’une telle position sape toute possibilité de concessions significatives.

Il l’a dit explicitement : « Dans nos tripes, nous sentons, d’une manière ou d’une autre, que c’est eux ou nous. Nous croyons que nous sommes supérieurs à eux. Nous croyons que nous sommes mieux organisés, mieux équipés, beaucoup plus expérimentés. Nous savons comment mener nos affaires. Et en fait, nous sommes aux commandes. Et c’est presque humainement impossible dans une telle situation de mener une négociation, car pour que quelque chose finisse par se produire, vous devez atteindre le point où vous êtes à égalité avec l’autre camp ».

Son appel à traiter les Palestiniens avec dignité doit être salué, mais il semble peu probable qu’il soit retenu dans les allées du pouvoir israéliennes.

Ses commentaires sont tombés au moment où les États-Unis annonçaient qu’ils ne soutiendraient pas une résolution conjointe palestino-jordanienne au Conseil de Sécurité de l’ONU réclamant un accord de paix [et le retrait israélien des Territoires occupés] avant fin 2017. L’annonce faisait suite à des semaines d’intenses pressions israéliennes afin que les USA mettent leur veto pour faire capoter la résolution.

Israël a toujours tout fait pour bloquer l’entrée de la Palestine à l’ONU de même que ses différentes tentatives dans le cadre onusien, craignant par-dessus tout qu’elle ne finisse par faire appel à la Cour Pénale Internationale afin de poursuivre Israël pour crimes de guerre.

Ce n’est pas ainsi qu’agit un gouvernement qui souhaite traiter la partie adverse avec dignité.

Le Ministre des Affaires étrangères Avigdor Lieberman a dit à plusieurs reprises que la résolution – qui met simplement une date-butoir aux négociations de paix et au retrait de l’armée israélienne – est « très, très contreproductive ».

Halevy a raison de dire qu’il ne peut y avoir d’accord tant qu’existe ce déséquilibre des forces. C’est d’ailleurs une triste réalité : on ne peut pas avoir avoir la dignité sans la justice. Ni l’une ni l’autre ne semble être proche.

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Samira Shackle est une journaliste britannique qui travaill notamment pour The New Statesman, Prospect, The Guardian, Al Jazeera, Monocle, NewHumanist. @samirashackle.

19 décembre 2014 - Middle East Monitor - Vous pouvez consulter cet article à : https://www.middleeastmonitor.com/b...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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