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Donateurs de Gaza : le risque d’une reconstruction qui à nouveau n’aboutira pas ?

mercredi 15 octobre 2014 - 22h:34

Tony Laurance

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La conférence des donateurs pour la reconstruction de la bande de Gaza doit éviter les pièges dans lesquels les précédentes initiatives sont tombées.

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Les gens se rassemblent autour des décombres d’un immeuble où au moins 20 membres de la famille d’Al Najar ont été tués par une frappe israélienne à Khan Yunis, dans le sud de la bande de Gaza, le 26 juillet 2014 - Photo : AP/Eyad Baba

Il y a un air de déjà-vu. Le 12 octobre, la communauté internationale s’est réunie au Caire pour promettre 5,4 milliards de dollars destinés à la reconstruction de Gaza. C’est plus d’un milliard de dollars en plus que ce qui a été demandé dont un milliard de la seule part du Qatar. Le besoin ne s’est jamais autant fait sentir. Gaza devenait « invivable » avant même la destruction sans précédent et le désordre causés par les bombardements israéliens.

À l’heure actuelle, la situation est des plus désastreuses.

Le coût des dégâts occasionnés par les derniers affrontements a été estimé à 4 milliards de dollars. En 2009, un montant comparable de 4,4 milliards de dollars a été promis à la suite de l’opération militaire israélienne « Cast Lead » (« opération Plomb Durci »). Cette aide n’a jamais été apportée. La plupart des projets de reconstruction dont Gaza avait désespérément besoin n’a jamais vu le jour. La reconstruction des habitations, des hôpitaux, des écoles, de l’approvisionnement en eau, des égouts et des centrales électriques n’a jamais eu lieu, non pas parce que les donateurs n’ont pas tenu leurs promesses mais parce que convoi des matériaux requis n’était pas autorisé à atteindre Gaza.

Maintenant que la conférence des donateurs a eu lieu, en grande pompe comme à l’habitude de ce genre d’évènement, il est essentiel d’apprendre les leçons de l’opération Cast Lead. Il ne suffit pas de promettre des sommes énormes. Israël doit donner l’assurance que les biens seront autorisés à Gaza, et une assurance aussi fiable que de l’acier durci. Il doit aussi y avoir la promesse que l’exportation puisse reprendre afin que l’économie gazaouie en pleine déroute puisse se remettre sur les rails. 

Des initiatives contrecarrées

Je travaillais aux Nations Unies en tant que chef de bureau à l’Organisation mondiale de la santé (OMS) au moment de l’opération Cast Lead. J’ai été intimement impliqué dans les interventions d’urgence et les initiatives qui firent suite au cours des cinq années suivantes pour soutenir le rétablissement. Il n’y a jamais eu de rétablissement.
Tous nos efforts ont été contrecarrés par l’obstruction et la bureaucratie distordues et désorientantes d’Israël.

Ils nous ont baladés dans tous les sens en négociant combien de camions seraient autorisés, quand le passage serait ouvert, quelles informations étaient requises pour que les biens soient autorisés, combien de permis allaient être délivrés aux convoyeurs de l’ONU, et j’en oublie. L’espoir d’une évolution positive était revenu, tout particulièrement après l’incident du Mavi Marmara et l’escalade du conflit en novembre 2012, mais nous n’en avons été que plus déçus.

Les donateurs ont promis un montant de 5,5 milliards de dollars pour reconstruire Gaza.

Les choses seront-elles différentes cette fois-ci ? Les détails du « Plan Serry » ont été divulgués la semaine dernière. Ce plan qui place l’ONU et les autorités palestiniennes au centre des initiatives devrait faire en sorte que suffisamment d’aide et de matériaux de reconstruction soient autorisés à Gaza.

Les Nations Unies estiment que Gaza a besoin de 89 000 habitations. Ce chiffre inclut les 18 000 habitations détruites ou rendues inhabitables au cours de l’opération Protective Edge et le déficit précédant la crise de 71 000.

À l’allure où les matériaux de construction atteignent actuellement Gaza, il faudrait 18 ans pour importer tous les matériaux nécessaires. Cependant, si le plan fonctionne, ce sera un pas de géant vers la fin du blocus et la reconstruction des infrastructures gazaouies décimées.

L’hiver approche

Gaza fait également face à des enjeux de santé majeurs. Les 62 hôpitaux et cliniques détruits lors du récent conflit doivent être reconstruits. L’état actuel de l’équipement hospitalier est déplorable. Il doit être remplacé et des systèmes adéquats doivent être mis en place pour assurer la maintenance et la réparation. Des milliers d’individus ont été blessés et la région doit bénéficier d’une libre entrée du personnel médical, des médicaments et de l’équipement. Il faut un investissement dans les ressources pour réhabiliter les infrastructures communautaires. Alors que l’hiver approche, des abris décents doivent être construits pour les dizaines de milliers de personnes qui sont encore déplacées.

Il nous faut être clair sur les conséquences d’un échec. Sans la restauration et l’expansion des installations d’eau potable, d’électricité, de traitement des eaux usées, de santé et d’enseignement, la vie à Gaza deviendra intenable en 2020. La situation pourrait même se détériorer plus tôt étant donné que l’approvisionnement en eau ne pourra tenir qu’en 2016. J’étais à Gaza, chargé d’une mission médicale au cours d’un bref cessez-le-feu pendant la guerre. J’ai été témoin du désespoir de voir les choses changer, d’entrevoir un avenir meilleur. On parlait d’émigration et nous avons vu, pour la première fois, l’apparition tragique des bateaux de réfugiés palestiniens.

La reconstruction de Gaza doit être entreprise au cœur d’un projet de plus grande ampleur pour un État palestinien, à la fois en Cisjordanie et à Gaza. Les ministres des affaires étrangères européens ont été clairs : le retour du statu quo à Gaza « n’est pas envisageable ».

Le ministre des affaires étrangères norvégien Boerge Brende a dit, à la suite de la conférence, qu’il s’agissait « d’un fort signal de solidarité envers le peuple palestinien ». De nos jours, Gaza reste un exemple flagrant de l’échec à l’international de la médiation des conflits de notre époque, mais les promesses du 12 octobre représentent une autre chance « d’y arriver, cette fois-ci ». Si ce n’est pas le cas, il faudra alors se préparer à une reprise du conflit dans un avenir proche.

* Tony Laurance est le directeur général de l’Aide médicale à destination des Palestiniens et ancien directeur de l’Organisation mondiale de la santé en Palestine.

13 octobre 2014 - AL-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/op...
Traduction : Info-Palestine.eu - Alex C.


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