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Le Protocole Hannibal : le « Dieu d’Israël » prié de bénir les pires atrocités commises à Gaza

dimanche 24 août 2014 - 06h:47

Ahron Bregman

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Et par-dessus le marché le colonel responsable semble croire que ce protocole est divin. Les résultats ont été dévastateurs. Nous ne pouvons pas permettre que le Protocole Hannibal soit utilisé de cette manière une fois de plus.

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Après l’attaque criminelle d’Israël contre Rafah, le 1er août, un homme tente de sauver une fillette blessée - Photo : AGP/Reuters

Tandis qu’Israël et le Hamas cherchent toujours une issue à la guerre de Gaza, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU a nommé trois enquêteurs pour examiner si les allégations de viol du droit humanitaire dans la bande de Gaza pourraient constituer des crimes de guerre.

Près de 2000 Palestiniens ont déjà été tués à Gaza, dont une majorité de civils, tandis que les Israéliens ont perdu 64 soldats et trois civils. D’après les précédents, il y a peu de chance qu’Israël accepte de coopérer avec une enquête des Nations Unies.

Ce fut la position israélienne avec l’investigation Goldstone sur l’opération Plomb Durci en 2008-9 qui avait tué 1.400 Palestiniens. Ce que vont faire les Israéliens, c’est mener leur propre enquête, en soulignant que si Israël enquête lui-même, il n’est pas nécessaire qu’un organe extérieur fasse la même chose.

Mais cette pratique de l’auto-investigation israélienne présente de graves lacunes, puisque la tendance en vigueur est de ne prendre aucune mesure disciplinaire ni criminelle contre les infractions impliquées, et les enquêtes n’ont aucune transparence.

Il va sans dire que l’équipe de l’ONU va examiner les attaques des FDI sur des écoles et des hôpitaux pendant l’offensive de Gaza, mais je suis persuadé que leur première priorité, en tête de leur liste d’incidents à investiguer, il y a les événements qui ont eu lieu à Rafah dans le sud de la bande de Gaza le 1er août dernier. Il y a trois mots qui définissent ce jour : « Le Protocole Hannibal ».

Le 1er août, une trêve humanitaire devait commencer à 8 heurs du matin. Mais les forces israéliennes ont néanmoins continué à chercher des tunnels du Hamas. A un moment, des soldats d’infanterie de la brigade Givati se sont approché d’une maison d’où on avait tiré sur eux. Une bataille s’ensuivit. Deux soldats israéliens furent tués et un troisième, le lieutenant Hadar Goldin, resta introuvable. On supposa qu’il avait été enlevé par des militants du Hamas.

Dans le psychisme israélien, depuis leurs guerres au Liban, un soldat enlevé est un cauchemar. Ceux qui l’ont fait prisonnier [de guerre] se servent souvent du soldat comme d’un moyen d’échange pour extorquer des concessions importantes à Israël, comme la libération de prisonniers palestiniens des prisons israéliennes.

Par conséquent, l’armée israélienne a ressorti son « Protocole Hannibal ». Concocté pendant l’offensive israélienne au Liban dans les années ’80, il permet aux FDI de mettre en œuvre une puissance de feu massive pour prévenir l’enlèvement de tout soldat dans les minutes et les heures après leur capture.

Cette procédure convenait au Liban, où les zones concernées étaient des paysages ouverts et peu peuplés. Mais le 1er août, quand le Protocole Hannibal a servi à essayer de contrecarrer la capture du lieutenant Goldin, il s’agissait de la zone de Rafah – une des zones les plus densément peuplées au monde. Les résultats ont été dévastateurs.

Les forces israéliennes n’ont donné aucun avertissement aux Palestiniens de Rafah, mais se sont embarquées dans la campagne de bombardement la plus agressive de toute l’opération Bordure Protectrice. Les avions ont frappé Rafah à 40 reprises, lâchant des quantités de bombes massives sur les quartiers résidentiels, et l’artillerie lourde a envoyé plus d’un millier d’obus sur la zone. Les tanks ont également pénétré dans le quartier, tirant dans toutes les directions, puis de lourds bulldozers se sont avancés pour raser des dizaines de maisons sur la tête des gens qui se trouvaient toujours à l’intérieur.

Les Palestiniens qui ont réussi a sauter dans des voitures pour échapper à l’enfer ont été mitraillés et les véhicules transportant des civils blessés tentant de rejoindre l’hôpital de Rafah ont également été attaqués. L’attaque-éclair a duré trois heures et tué plus de 150 Palestiniens. Des centaines d’autres ont été blessés, enterrés dans les décombres.

Le colonel qui a orchestré l’assaut sur Rafah était Ofer Winter, commandant de la brigade Givati. C’est un colon religieux qui, à la veille de l’offensive contre Gaza a envoyé à ses troupes une lettre chargée de références bibliques, qui peut-être expliquent la férocité avec laquelle elles ont attaqué Rafah.

Les secouristes palestiniens explorent les décombres après les frappes contre Rafah

En effet, ce que le colonel Winter appelait ses troupes à faire, était de mener une guerre religieuse contre Gaza.

Voici quelques extraits de sa lettre :

« L’Histoire nous a choisi pour être le tranchant de la baïonnette dans le combat contre l’ennemi terroriste de Gaza qui blasphème, diffame et insulte le Dieu des batailles d’Israël ... Nous anéantirons l’ennemi ... Usant de tous les moyens à notre disposition et avec toute la force requise ... Je lève les yeux vers le ciel et j’appelle avec vous « Écoute, O Israël : le Seigneur notre Dieu est un Seigneur unique. Dieu, Seigneur d’Israël, apporte-nous le succès sur notre chemin, car nous allons combattre pour Ton Peuple, Israël, contre un ennemi qui diffame Ton Nom ».

Le colonel Winter a réussi à anéantir de nombreux Palestiniens - mais hélas, il s’agissait de non combattants civils. C’est pourquoi ses actes et ceux de ses collaborateurs doivent être examinés minutieusement par les Nations Unies pour établir s’ils constituent des crimes de guerre. Nous ne pouvons pas permettre que le Protocole Hannibal soit utilisé de cette manière une fois de plus.

* Ahron (Ronnie) Bregman est un politologue, journaliste et écrivain israélien spécialisé dans le conflit israélo-arabe. Après six ans dans l’armée israélienne (guerre du Liban), il a refusé de servir dans les TPO et s’est exilé à Londres où il enseigne au Department of War Studies, King’s College. Il est l’auteur de plusieurs livres et a participé à des séries de la BBC sur Israël et les arabes.

20 août 2014 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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