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Les habitants de Gaza retournent à leurs maisons détruites

lundi 18 août 2014 - 07h:29

Asmaa al-Ghoul

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SHAAF, Bande de Gaza – Le calme qui a prévalu dans la Bande de Gaza durant la trêve de trois jours ressemblait à un étrange invité, notamment dans les régions qui, seulement quelques jours auparavant, avaient connu les plus atroces des batailles.

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Les membres de la famille Kafarna vérifient leurs maisons détruites à Beit Hanoun, le 11 août 2014 (Photo de Motaz al-Aaraj)

Maintenant que l’odeur de la mort et les bruits des bombardements se sont estompés, les gens ont été aperçus marchant dans les ruines. La frontière Est qui a déjà été visitée par Al-Monitor le premier jour de la trêve (le 11 août), paraissait calme, tel un horizon doré alors qu’auparavant, s’approcher de cet endroit était synonyme de suicide.

Le danger à présent dissipé et la situation plus calme, le déplacement et la souffrance des familles retournées dans leurs maisons ravagées par la guerre sont devenus manifestes. Certaines de ces familles n’ont jamais été réfugiées auparavant, à l’instar de la famille Kafarna qui réside dans la ville de Beit Hanoun, rue Abu Aouda. Ici, on ressent parfaitement la signification de « destruction de la beauté. » La ville, autrefois belle et agréable avec ses arbres plantés partout et ses immeubles bas, n’est désormais qu’un site de constructions abandonnées.

Assise sur le pas de sa maison, la seule chose qui a échappé aux bombardements, Dalal Kafarna raconte : « Nous sommes retournés ce matin pour inspecter la maison. Regardez-la…J’ai vécu de nombreuses guerres dans ma vie, y compris celles de 1956, de 1967, de 2008 et celle de 2012. Jamais ma famille n’a vécu ce qu’elle vient de vivre durant cette guerre. Ils ont bombardé notre maison et ils nous ont terrorisés. Nos proches ont été tués. »

Parcourir les quelques mètres qui conduisent à l’entrée de la maison de Dalal, relève du défi à cause des débris de pierres, des morceaux de verre et du fer.

« Tout ce qu’on a pu acquérir en travaillant très dur s’est volatilisé. Mes enfants n’ont pas encore fini de payer les prêts investis dans la construction de cette maison à quatre-étages, » déplore-t-elle en notant qu’elle a été profondément choquée et secouée lorsqu’elle a vu l’état de la maison lors de la première trêve.

Afin de retrouver son chemin au milieu de toutes ces ruines, le fils ainé de Dalal, Iskandar Kafarna, a réussi à repérer le seul et unique arbre resté debout dans la rue. Il souligne : « La première fois que je suis revenu [après la trêve], je n’ai pas réussi à trouver la maison, mais heureusement que cet arbre m’a permis de me localiser et de reconnaître ce qui reste de notre demeure. »

Tous les quelques mètre, de gros trous qui creusent les amoncellements de décombres et de gravas indiquent l’endroit où les bombes sont tombées. Ayman Kafarna, le cousin d’Iskandar dont la maison a également été détruite a confié : « Les avions ont largué des barils d’explosifs sur nos maisons. C’est la première fois de ma vie que je les vois. Avant, je ne les connaissais qu’à travers les nouvelles qui nous parvenaient de la Syrie. »

Contenant des tonnes d’explosifs, ces barils sont capables de détruire des quartiers complets. Par les gestes de sa main Ayman poursuit : « Sur la Rue Abu Awda, j’ai vu environ quatre cratères. Dans chaque trou, il y avait le baril d’explosifs qui a donné lieu à ces énormes destructions. »

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Consultez le diaporama des maisons détruites dans Gaza en cliquant ici

La famille Kafarna a découvert que la maison a été bombardée durant la première trêve qui a commencé le 5 août et n’a duré que trois jours. Aida, l’épouse d’Iskandar, a informé Al-Monitor : « Lorsque nous sommes retournés ici à la suite du premier cessez-le-feu de 12 heures, la maison était toujours debout et c’est ce qui a pu nous consoler. Cependant, lorsque nous sommes revenus après, tout a disparu et la maison a été détruite. »

Et d’ajouter : « A ce moment-là, je n’ai pas pu entrer dans le quartier sans couvrir mon visage et mon nez à cause de la puanteur qui se dégageait des corps en décomposition. Actuellement, nous nous sommes réfugiés avec nos enfants dans une école. Nous n’avons que les vêtements qui sont sur nous et nous avons malheureusement contracté bon nombres de maladies et d’infections depuis que nous sommes ici. »

D’après Iskandar et son cousin, les corps de 11 personnes en uniforme, portés généralement par les combattants de la résistance, ont été ensevelis sous les décombres de leurs maisons. Ils ont été retirés sous le contrôle des autorités locales.

Avec l’intensification des bombardements israéliens, les membres de la famille Kafarna ont fui leurs maisons durant la deuxième semaine de la guerre, soit le 16 juillet. Ils ont laissé leurs maisons vides et fermées et se sont dirigés vers une école de l’UNRWA. Toutefois, l’école a été bombardée par les chars israéliens le 24 juillet, obligeant la famille de partir à Beit Hanoun.

Contrairement aux femmes assises sur les seuils de leurs maisons détruites, les hommes se sont allongés sous des tentes faites de couvertures, en face des ruines comme s’ils étaient en train d’attendre de retourner chez eux.

En quittant la région de Beit Hanoun, je suis montée dans la voiture qui assure mes déplacements. Nous sommes descendus le long de la ligne Est pour atteindre le quartier Shaaf, situé à la frontière Est avec Israël. Ici, l’impact de la destruction n’a pas besoin d’être montré du doigt, il saute directement aux yeux avec ses immeubles et ses usines incendiés, à l’instar de l’usine de jus Al-Wadiah.

La voiture est finalement arrivée devant l’hôpital Al-Wafa qui n’est autre que trois immenses amas de décombres. La seule chose qui émerge des ruines est l’insigne marquant le nom de l’hôpital. Alors que quelques employés tentaient de sauver les appareils spécialisés utilisés pour le traitement des personnes à besoins spécifiques, deux gardiens de l’hôpital préparent un thé sur un feu allumé avec le bois des arbres qui composaient le jardin de l’hôpital avant sa destruction.

L’un des gardiens, Abu Salam Mushtahi, raconte à Al-Monitor : « Malgré les menaces de l’armée israélienne de bombarder l’hôpital, tout le personnel travaillant ici a décidé de rester jusqu’à la seconde semaine de la guerre. Nous n’avons pas quitté les lieux jusqu’à ce qu’ils ont commencé à bombarder le tout nouveau bâtiment qui est le troisième bâtiment de l’hôpital. » Il a indiqué qu’à ce moment, des étrangers étaient présents ; ils avaient tenu à rester en signe de solidarité, néanmoins, ils n’ont pas pu supporter l’intensité des bombardements et ont fini par partir. »

Il ajoute : « Au beau milieu des bombardements, nous avons transporté les personnes âgées et les malades en utilisant les couvertures. Ils étaient environ 100 au total. Nous les avons déplacés à l’aide de deux ambulances et d’une voiture personnelle appartenant à l’hôpital. Nous avons effectué environ dix va-et-vient jusqu’à ce que tout le monde fût en sécurité au sein du Centre Médical Sahaba. »

Les immeubles résidentiels qui entourent l’hôpital semblent être sur le point de s’effondrer en raison des bombardements de chars successifs. L’un des résidents, Omar al-Khaisi, ainsi que ses deux cousins, sont retournés dans leurs maisons incendiées. « Nous passerons la nuit ici s’ils ne reprennent pas les bombardements. Et si la guerre est finie, nous retournerons chez nous et nous planterons des tentes à la place de nos maisons détruites, » déclare-t-il à Al-Monitor.

Il a poursuivi : « Je suis venu aujourd’hui pour récupérer quelques vêtements pour ma famille déplacée et qui se réfugie actuellement dans des écoles. Je voudrais également prendre nos albums photo. Hélas, je remarque que tout a été brûlé par les obus. »

Non loin de là, sur la frontière et derrière l’hôpital dans le quartier Shaaf, les maisons ressemblent à des structures grises qui auraient au hasard été rongées par une armée de souris, et pourtant, ce sont les obus des chars israéliens qui ont causé tout cela.

Les propriétaires de ces maisons sont retournés en masse pour vérifier et inspecter les lieux. Certains d’entre eux ont planté des tentes en face de leurs immeubles détruits, tandis que d’autres se sont assis sur les canapés et les chaises qu’ils ont trouvés à l’intérieur des pièces, désormais exposées au public. Certaines chambres révèlent les secrets des maisons où l’on peut clairement voir des dessins de cœurs et de Mickey Mouse sur les murs intérieurs.

Al-Monitor s’est entretenu avec Fatima Afaneh qui s’était adossée à un mur. Elle avoue : « Aujourd’hui, nous avons non seulement découvert l’étendue et l’ampleur de la destruction, mais nous avons également trouvé ce que les soldats israéliens ont laissé derrière eux. Ils ont déféqué dans le sac de farine que j’utilisais pour cuisiner pour ma famille. Ils ont également mangé et laissé des emballages vides, avec des inscriptions en hébreu. »

Il est vrai que tout le monde ici était coopératif avec la presse et les visiteurs, néanmoins, ils ne parvenaient pas à cacher la confusion et la stupeur qui se dessinaient sur leurs visages. Chacun voulait savoir où reconstruire sa maison, et pour l’instant, il s’agit de la question la plus importante pour ces habitants désemparés.

« La maison est aussi chère que l’âme, » soupire Dalal alors que les larmes inondent son visage.

* Asma al-Ghoul est journaliste et écrivain, du camp de réfugiés de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza.

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14 août 2014 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article en anglais à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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