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Gaza : l’armée d’occupation s’est rendue coupable d’exécutions sommaires

vendredi 15 août 2014 - 05h:02

Mohammed Omer

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Les membres d’une famille dans Khouza’a ont révélé qu’un soldat israélien avait abattu un des leurs, alors que celui-ci brandissait un drapeau blanc, voulant négocier la sortie des femmes et des enfants de la maison.

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Raghad Qudeh est devant ce qu’il reste de la maison dans Khuza’a, à l’endroit même où un soldat israélien a abattu son oncle le 25 juillet - Photo : MEE/Mohammed Omer

Khouza’a - Raghad Qudeh avait nulle part où aller, sauf la maison de son oncle, Mohammed Tawfiq Qudeh, 64 ans, qui avait un sous-sol.

Pour deux nuits consécutives, les forces israéliennes ont utilisé toutes sortes d’armes et de missiles pour frapper sa maison. « Ils utilisaient même des pesticides, comme s’ils étaient juste en train de tuer les insectes », a déclaré Raghad.

Puis le vendredi 25 Juillet, à côté de la maison de Raghad, la maison de son voisin, Helmi Abu Rejela, a été touchée et toute sa famille disparut sous les décombres.

Après le bombardement, les soldats israéliens tiraient tout autour de la maison de Raghad. Dans un moment de calme, Raghad et sa famille sont allés se refugier dans la maison de son oncle, à proximité.

Raghad et avec 21 membres de sa famille se sont alors retrouvés dans le sous-sol, dont ses sœurs et sa mère. Personne ne voulait partir. D’autres dans leur quartier avaient tenté de s’échapper à leurs maisons et avaient été blessés ou tués. Certains de ceux à qui des forces spéciales israéliennes avaient intimer l’ordre de partir ont été tués par des tireurs embusqués à l’entrée de la ville, qui est au sud de la bande de Gaza.

« Nous sommes restés cachés jusqu’à vendredi à midi, » raconte Raghad tout en pleurant. « Les bulldozers israéliens sont venus près de la maison de mon oncle, détruisant un côté et les troupes israéliennes ont fait irruption dans la maison. »

Comme un bulldozer commençait à s’attaquer à la maison, toute la famille s’est mise à craindre que tout ne s’effondre. Les soldats sont entrés dans la maison en brisant une porte.

« Nous avions fermé les rideaux, et étions terrifiés quand une balle a frappé la porte, et des voix nous ont crié de sortir, » dit-elle.

« S’il vous plaît, ne tirez pas »

L’oncle de Raghad, Mohammed, a dit à sa famille qu’il allait ouvrir la porte et parler avec les soldats, en leur expliquant qu’il n’y avait que des civils dans la maison.

« Il est allé courageusement à l’extérieur, avec un drapeau blanc, pour parler avec eux en disant : « Je suis un homme pacifique et il n’y a ici que des femmes, des enfants et des personnes âgées ici », raconte Raghad.

Son oncle, Mohammed, qui vivait une partie du temps en Espagne, a montré aux soldats sa carte de résident permanent en Espagne (il a également un permis de séjour) et leur a parlé en anglais, en hébreu, en arabe et espagnol. Il nous avait expliqué que l’utilisation de plusieurs langues permettrait d’éviter toute incompréhension.

Il s’approcha, parlant doucement et poliment dans les quatre langues.

« S’il vous plaît, ne tirez pas, » disait-il.

Soudain, un coup sourd se fit entendre, venu d’un soldat aux yeux bleus, aux cheveux blonds tenant un M-16 dans ses mains tremblantes. Il n’avait guère que 20 ans, dit Raghad.

« J’ai regardé le soldat dans les yeux et ses yeux semblaient humide » », dit-elle.

« Mon père ne faisait que dire : ’S’il vous plaît ne tirez pas sur nous, nous sommes des gens pacifiques’, raconte avec désespoir sa fille Buthina Qudeh, de 35 ans. « Mais le soldat lui a quand même tiré dessus. »

Raghad est encore sous le choc. Elle n’avait jamais imaginé que les troupes israéliennes tueraient un homme désarmé.

« Je comprends qu’ils puissent tuer de près un combattant de la résistance, mais tuer un vieil homme, innocent, qui ne montrait que de la gentillesse ? » demande-t-elle.

Buthina continue : « Habituellement, mon père était un peu plus direct avec les soldats israéliens, leur criant d’arrêter de nous insulter de façon humiliante, mais cette fois, il semblait s’être rendre compte que la prudence était requise pour protéger la vie de la famille qui était avec lui. »

« C’était un meurtre de sang-froid, ils ont tué un être humain, devant nos yeux, sans raison », a déclaré Raghad, un étudiant en langue anglaise.

Helen Hintjens, professeur dans le droits de l’homme et basée à La Haye, a estimé que ce qui s’est passé au cours de la guerre actuelle à Gaza et tel que décrit par Raghad, quand les gens cherchent à s’abriter et sont pourtant attaqués, lui rappelle le génocide rwandais.

« Là également des femmes, des enfants, des personnes âgées et des hommes non-combattants, aucun ne participant à des combats, ont été abattus dans des lieux supposés sûrs, comme des églises, des hôpitaux, des écoles », a déclaré Hintjens. « Cela ressemble fortement à du génocide. Cela ressemble à un autre génocide, dans tous ses aspects. »

« Vos balles nous ont obligés à rester à l’intérieur »

Après que le soldat ait tiré sur son père, poursuit Buthina, les trois soldats ont reculé et jeté des gaz lacrymogènes sur la famille.

Raghad et sa famille ont couru à l’intérieur, car à cause des gaz lacrymogènes, il était difficile de respirer, ou même de voir le corps de Mohammed.

Quelques minutes plus tard, les trois mêmes soldats sont entrés à nouveau dans la maison.

« Pourquoi n’avez-vous pas quitté la maison ? » ont-ils demandé.

« Nous avons essayé », a dit Raghad aux soldats, « mais vous tiriez sur nous, vos balles nous ont forcés à rester à l’intérieur. »

Raghad raconte les événements de ce jour devant la même maison qui était autrefois une petite ferme avec des chèvres, des colombes, des poulets et ses chiens. Tous les animaux de la ferme ont été tués, leurs corps éparpillés au milieu d’une odeur de viande morte, autour de ce qui était autrefois un beau jardin. On ne peut pas dire si cela vient des animaux ou des cadavres humains qui sont à côté.

Raghad explique qu’elle a communiqué en anglais avec le soldat à qui elle disait pourquoi ils n’avaient pas quitté la maison. Mais le soldat qui a assassiné son oncle, Mohammed Qudeh, n’a pas dit un mot. Il avait toujours les mains posées sur son arme, prêt à tirer sur quiconque.

« Je leur ai dit, nous sommes des enfants et des femmes, ma cousine a parlé en hébreu, j’ai parlé en anglais et en bas les enfants hurlaient, en arabe, » raconte-t-elle.

« Après avoir tué mon oncle, ils nous ont dit de partir, » dit-elle encore. Sur les ordres des soldats, Raghad et sa famille ont dû retourner à la maison de ses parents, laissant le corps de son oncle en sang, avec sa bouche ouverte.

Alors que Raghad et sa famille sont retournées dans leur maison, la plupart des membres masculins de la famille, dont le fils de Mohammed Qudeh, Ramadan Mohammed Qudeh, ont été maintenus en arrière.

Pendant plusieurs heures, dit Ramadan, les soldats se sont servis d’eux, lui et d’autres parents, en les déplaçant d’une pièce à l’autre autour de la maison, en les utilisant comme boucliers humains quand ils tiraient par les fenêtres.

À ce moment-là, il n’y avait pas de combattants [de la résistance palestinienne] tirant sur les soldats, mais Ramadan était tout de même très effrayé.

« Nous aurions pu être tués à tout moment, » dit-il.

Sous l’escalier

Comme Raghad et sa famille retournaient vers leur maison, les soldats debout à environ deux mètres ont tiré des balles en direction des pieds des enfants et des femmes, une pratique courante utilisée pour terroriser les civils.

« Nous sommes habitués à ce qu’ils nous bombardent d’en haut, démolissent nos maisons avec des bulldozers, ou tirent obus de chars, mais qu’ils s’introduisent dans votre maison, et vous assassinent en face de votre famille est quelque chose que nous n’avons jamais vu - nous sont de simples gens, qui ne méritent pas cela », dit Raghad.

Il n’y a pas d’humanité en eux, ils sont cruels et sans cœur, » ajoute-t-elle tout en retenant ses larmes pour que sa voix reste forte.

Quand ils sont revenus à la maison de ses parents, da famille s’est cachée sous l’escalier, le seul endroit où ils se sentaient un peu protégés. Raghad a demandé à son père et à tout le monde de prier et de se préparer à mourir sous les balles israéliennes.

Soudain, un bulldozer a fait un trou dans la clôture de la maison et des balles ont été tirées en direction de l’escalier, dit-elle.

Un pistolet a alors été pointé à travers le trou que Raghad avait fait pour essayer de voir ce qui se passait. Un soldat a crié, « Raghad, viens ici ... qui est à l’intérieur ? »

« Ce n’est que ma famille », a-t-elle répondu. Le soldat a exigé qu’ils sortent tous, un par un.

Son père, qui a 60 ans, a été bousculé par les soldats à l’aide de la crosse de leurs fusils. « Je me sentais si triste pour mon père, un vieil homme paisible qui est frappé par eux », dit-elle.

La famille a été ramenée dans la maison où elle se cachait auparavant. Quand Raghad a demandé où était son oncle, les soldats ont dit qu’ils lui avaient donné les premiers soins et qu’il allait bien. « Je me suis sentie soulagée quand ils m’ont dit qu’il était en vie, » dit-elle.

Les enfants hurlaient, demandant de l’eau, mais les deux soldats aux cheveux blonds se fichaient bien de nous et ont refusé de nous laisser utiliser les toilettes ou de boire de l’eau, dit-elle.

« Nous étions sous la menace de leurs armes, incapables de faire quoi que ce soit », dit Raghad.

Seul un soldat druze vint à eux avec une bouteille d’eau. Parlant l’arabe, il leur a dit de se boucher les oreilles à cause des explosions.

Les frères de Raghad ont été menottés, les yeux bandés et ils ont été emmenés vers une destination inconnue. Ils criaient aux soldats : « Nous n’avons rien fait, pour l’amour de Dieu », alors que la fumée sortait des bâtiments à proximité.

Chaque fois que Raghad demandait à un soldat s’ils pouvaient sortir ou simplement utiliser les toilettes, ils répondaient : « Demandez au Hamas. »

Un des soldats portant une kippa bleu foncé demanda à Raghad de dire où étaient les tunnels, en échange de pouvoir partir. Elle lui dit qu’elle ne savait rien au sujet du Hamas.

« Quand les femmes ont finalement été autorisés à utiliser les toilettes, les soldats venaient à l’intérieur des toilettes à nous observaient, » dit-elle.

Les soldats passaient au milieu des enfants avec des chiens, pour leur faire peur. Ils rechargeaient aussi leurs armes, en faisant un bruit semblable à celui que la famille avait entendu lorsque l’oncle Mohammed a été abattu.

« Quelqu’un va venir vous donner des instructions sur ce qu’il faut faire », a dit un soldat à Raghad et à sa famille.

Quelques instants plus tard, le père de Raghad, Ramadan, est venu et leur a dit : « Ils nous ont ordonné de partir par un chemin précis, de ne pas regarder sur les côtés ou de vouloir parler aux soldats. »

« S’il te plaît, reste calme, » dit Ramadan à sa fille, en lui confirmant ensuite que son oncle avait été tué. « Va jusqu’à lui tranquillement et fais-lui tes adieux. »

Un dernier regard et une question

Tous les enfants et les femmes se sont précipités vers le corps qui gisait dans une mare de sang. Certains saisissaient leur oncle et grand-père par sa moustache si grande... Ils avaient quelques secondes pour un dernier regard, certains lui embrassant les mains, d’autres embrassant son front et ses jambes, mais en essayant de ne pas faire de bruit pour que les soldats ne se mettent pas à tirer sur eux.

« Je l’ai embrassé et lui ai dit combien j’étais fière de lui », a déclaré Raghad.

La famille a été autorisée à s’enfuir, mais le corps de Mohammed a été laissé en arrière. Alors que tous étaient partis, elle s’attarda à poser à un des soldats - lequel parlait anglais avec un parfait accent britannique.

« Pourquoi avez-vous tué mon oncle, un homme si pacifique ? » demanda t-elle.

« Et il s’est mis à pleurer, en détournant son visage », ajoute Raghad. Un autre soldat distribuait du chewing-gum aux enfants qui ne pouvaient refuser parce qu’ils avaient faim et soif « et que nos vies étaient encore dans leurs mains des soldats. »

Raghad, son père et sa famille - quatre enfants, 10 femmes et six hommes - ont marché environ 7 km depuis la maison de leur oncle, en croisant plusieurs cadavres alors qu’ils marchaient dans leur ville. Au cours de leur fuite le long des routes défoncées par les bulldozers israéliens, des soldats ont à nouveau tiré sur eux.

« Parfois, les soldats nous menaçaient en disant : « Tu vas mourir en route », dit Buthina.

Les soldats, dit-elle, ont menti à sa famille en disant qu’ils avaient voulu soigner son père. Son corps n’avait pas été déplacé et il était resté exactement au même endroit, dans la même position que lorsqu’il a été tué.

« C’était une exécution de sang-froid de mon père, devant nous. Ce que je suis aujourd’hui, c’est pour beaucoup à lui que je le dois », a déclaré Buthina.

À l’extérieur de la maison, dans ce qui avait été un beau jardin, le corps est resté pendant plusieurs jours, jusqu’à être méconnaissable quand il a été amené à l’hôpital Nasser. Il était gonflé et meurtri, mais en meilleur état que d’autres cadavres dans la bande de Gaza, mangés par les insectes.

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* Mohammed Omer est un journaliste palestino-néerlandais renommé, basé à Gaza.

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10 août 2014 - Middle East Eye - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.middleeasteye.net/news/p...
Traduction : Info-Palestine - Naguib


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