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Les jours du blocus sont comptés - Israël a déjà perdu

vendredi 1er août 2014 - 06h:11

Sunera Thobani

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Dans cette bataille comme dans celles du passé, une victoire israélienne en dirait beaucoup plus sur l’énorme soutien de ses bailleurs de fonds internationaux (y compris le Canada et le Royaume-Uni) que sur l’habileté politique, militaire ou morale d’Israël.

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Soigné à l’hôpital Kamal Adwan de Beit Lahia, un des enfants palestiniens blessés dans une école de l’ONU que les Israéliens ont sciemment bombardée dans le camp de réfugiés de Jabalia, le matin du 30 juillet. (MOHAMMED ABED/AFP/Getty Images)

Israël pourrait remporter sa bataille actuelle à Gaza, mais seulement en tuant encore plus de Palestiniens qu’il maintient captifs dans l’enclave sans moyens de fuir. Bien sûr, Israël est une puissance militaire majeure, c’est la nation la plus militarisée au monde (1). Mais ceci est le résultat du soutien dont il bénéficie de la plus puissante machine de guerre et de propagande qu’ont jamais produite des êtres humains, les États-Unis (2). Israël a été le plus gros récipiendaire d’assistance américaine depuis 1967 – plus de 81,3 milliards de dollars en 50 ans – et il est le premier importateur d’armes US (3).

Toutefois quelle que soit l’issue de cette bataille, Israël a déjà perdu la guerre. Malgré l’occupation et le blocus de Gaza, Israël est resté incapable d’isoler ou de marginaliser – sans parler de détruire – la résistance palestinienne qui est maintenant représentée par le Hamas. L’opération Bordure Protectrice ne va certainement pas y arriver. Bien au contraire. La démonstration quotidienne de la résilience du Hamas et ses capacités de combat de plus en plus sophistiquées laissent peu de doute que l’organisation a émergé comme la faction la plus forte dans la société palestinienne (4).

La récente déclaration signée par des médecins, des universitaires, des enseignants, des juges, des hommes d’affaires, des journalistes, des militants féministes, des défenseurs des droits de l’homme et d’autres éminentes personnalités publiques soutenant la position du Hamas d’un cessez-le-feu inacceptable sans la levée du blocus, démontre l’unité et la détermination des Gazaouis à mettre fin à cette action illégale d’Israël et de l’Égypte une fois pour toutes (5).

Même ses ennemis définissent à présent le Hamas comme comme la première vraie armée palestinienne (6) (*). Avec des manifestations en Cisjordanie et en Israël menaçant de déboucher sur une autre véritable intifada, cette armée palestinienne risque peu d’être mise sur la touche comme collaborationniste.

Ensuite il y a le mouvement BDS, initié par la société civile palestinienne en 2005 et qui a pris très rapidement de l’ampleur. D’abord accusée avec simplisme d’antisémitisme, la campagne BDS gagne chaque jour en soutien public, groupes d’étudiants, syndicats, églises, associations universitaires et professionnelles, artistes, athlètes et consommateurs lambda (7). La force de cette campagne de la société civile a révélé bien avant les dernières atrocités qu’Israël perdait son aptitude à contrôler son image au sein de l’opinion publique (hors Etats-unis s’entend). Israël ne réussit plus à assurer son occupation sur le plan moral simplement en réitérant de façon raciste l’inhumanité palestinienne et la barbarie musulmane.

En effet la réputation d’Israël a tellement dérapé que la semaine dernière les USA et l’Europe ont dû bloquer leurs vols vers TelAviv, signifiant clairement qu’Israël aurait mieux fait de contenir les choses au lieu de laisser s’emballer la spirale hors contrôle (8).

La veille, le Conseil des Droits de l’Homme de l’ONU avait voté pour lancer une nouvelle enquête sur de possibles crimes de guerre d’Israël à Gaza. La réponse d’Israël à ces développement fut de bombarder une école de l’ONU qui servait d’abri à Beit Hanoun, tuant 15 Palestiniens de plus et en blessant 200. Ce n’était pas vraiment le moyen le plus efficace – ni rationnel – de redorer sa réputation publique ou de rassurer ses bailleurs de fonds internationaux. En fait, l’attaque contre l’école a justement révélé combien la stratégie d’Israël est incontrôlée. C’est l’hubris du pouvoir colonial !

Les crimes de guerre israéliens, pour horribles qu’ils soient, n’ont rien de nouveau. La dernière fois, l’ONU avait chargé le juge Goldstone d’enquêter sur la violence dans l’opération Plomb Durci (décembre 2008) qui avait tué 1.417 Palestiniens – dont 926 civils et 437 enfants. Le Rapport Goldstone révéla que les troupes israéliennes avaient bien commis des crimes de guerre (9). Israël dénonça le rapport tandis que ses financiers internationaux regardaient ailleurs, affaiblissant encore les nations Unies et laissant intacte la stratégie israélienne de tuer des civils palestiniens, y compris des enfants. Qui plus est, les pressions israéliennes amenèrent le juge Goldstone par la suite à mettre en doute les révélations du rapport.

Citant une information fournie par les FDI concernant leurs investigations sur ses propres actions, Goldstone se déclara « confiant » qu’Israël « répondrait adéquatement » au cas d’un officier « négligent » dans ce que le Rapport considère comme la plus grave attaque contre des civils : le « meurtre de pas moins de 29 membres de la famille al-Simouni dans leur maison » (10). Critiquant les Nations Unies pour leur »parti-pris contre Israël » et déclarant le Hamas incapable (moralement ? congénitalement ?) d’enquêter sur ses propres « crimes de guerre », le juge Goldstone désavoua les conclusions du Rapport qui portera toujours son nom.

Le bombardement la semaine dernière de l’école ONU utilisée comme refuge pour les Palestiniens fuyant la destruction de leurs maison et de leur quartier prouve combien la confiance du juge Goldstone était bien placée dans les « procédures requises » d’investigation sur « sa méconduite opérationnelle » (11). Le bilan des morts dans l’actuelle offensive sur Gaza dépasse maintenant largement le millier de Palestiniens (majoritairement des civils) et une cinquantaine d’Israéliens (la plupart militaires) (13).

Les partisans d’Israël ne peuvent invoquer leur absence de complicité dans ce massacre de civils. Les autorités israéliennes ont déjà commencé leur campagne de propagande contre la nouvelle enquête de l’ONU qui doit encore débuter, la dénonçant préventivement comme « partiale » et « tribunal fantoche » (14). L’expérience démontre qu’Israël a été capable d’échapper au meurtre (de masse) ; cette fois, il faut que les activistes se préparent à une action internationale concertée qui sera indispensable pour assurer qu’Israël rende des comptes sur ses crimes de guerre.

Il va de soi qu’Israël poursuivra sa politique génocidaire en nous servant ses platitudes islamophobes habituelles, à savoir que les Palestiniens attachent peu de valeur à la vie humaine ; que le Hamas est une organisation terroriste, qui utilise ses propres enfants, familles et communautés comme boucliers humains ; qu’Israël vit chaque jour sous la menace existentielle d’extinction, etc, etc. Et ses appuis politiques, en particulier des USA, du Canada et des médias européens, continueront à aider à colporter le discours colonial raciste, à diaboliser le Hamas et à déshumaniser les Palestiniens. Certains d’entre eux peuvent même se tordre les mains tout en le faisant.

Mais il est évident qu’Israël a été poussé au bord de l’abîme par la force de la résistance palestinienne. L’opération Bordure Protectrice a maintenant poussé Israël dans ses derniers retranchements car il riposte par une stratégie qui est largement contre-productive – quoique meurtrière. Tout ce qu’Israël a encore à offrir, c’est plus de mort, plus de destruction. Cette violence doit être stoppée immédiatement.

La situation est désastreuse pour les Palestiniens, en particulier à Gaza, mais elle est certainement loin d’être désespérée. La colère et la résistance des Gazaouis incite les Palestiniens de Cisjordanie e d’Israël à se soulever à nouveau. Même Mahmoud Abbas a été poussé à exprimer sa solidarité avec la position du Hamas sur le cessez-le-feu. (15)

Les Palestiniens n’ont jamais cessé de démontrer leur détermination à faire cesser l’occupation israélienne de leurs terres. L’inspiration de cette résistance est palpable dans le nombre croissant d’adhérents au mouvement BDS partout dans le monde demandant un embargo sur les armes destinées à Israël (16). Le défi aux activistes internationaux est d’intensifier la pression pour obtenir cet embargo. S’en abstenir alors que l’arsenal militaire d’Israël est de plus en plus important, c’est être complice de son génocide contre les Palestiniens.

Le Moyen-Orient n’est plus ce qu’il était en 1967, ni même en 2008. Les défaites des Etats-Unis en Afghanistan et en Irak ont modifié le climat pour les occupations, invasions et interventions occidentales dans la région, du moins pour le moment, en dépit du régime Sisi en Egypte. Israël semble ne rien avoir appris de ces défaites. Par contre les Palestiniens en ont tiré la leçon ; ils veillent à ce que les jours du blocus soient maintenant comptés.

* (La dernière offensive avait débuté par l’assassinat du commandant militaire du Hamas, Ahmad al-Jaabari. Son successeur est une vieille connaissance, Mohammed Deif, qu’Israël a tenté plusieurs fois de l’assassiner, le blessant grièvement. Il apparaît maintenant qu’il est beaucoup plus compétent que son prédécesseur : le réseau de tunnels, la production de roquettes bien plus efficaces, les combattants mieux entraînés, tout cela atteste un chef plus capable. Ce n’est pas la première fois. Israël a assassiné un chef du Hezbollah, Abbas al-Mussawi, et a eu Hassan Nasrallah, bien plus talentueux.) Uri Avnery - NdT.

Notes :

(1) Lobe, J. ‘Israel Ranked World’s Most Militarized Nation’, Inter Press Service News Agency. November 14, 2012.
(2) Marcus, J. ‘US in major arms deal with Israel’, BBC News Middle East. April 22, 2013.
(3) Hartung, W. and F. Berrigan, ‘Report : U.S. Arms Transfer and Security Assistance to Israel – World Policy Institute – Research Project, World Policy Institute. May 6, 2002.
(4) Eldar, S. ‘Gaza tunnels take IDF by surprise’, Al Monitor. July 20, 2014.
(5) No ceasefire without justice for Gaza’, Electronic Intifada. July 22, 2014.
(6) Eldar, Shlomo. ‘Hamas, the first Palestinian Army’, Al Monitor. July 23, 2014.
(7) See ‘BDS victories’, www.bdsmovement.net
(8) Europe lifts ban on flights to Tel Aviv airport’, BBC News. July 25, 2014.
(9) Ziyaad Lunat and Max Ajl, ‘A glimmer of hope’, Electronic Intifada. November 12, 2009.
(10) Goldstone, R. ‘Reconsidering the Goldstone Report on Israel and war crimes’, The Washington Post. April 1, 2011.
(11) Goldstone, R. ‘Reconsidering the Goldstone Report on Israel and war crimes’, The Washington Post. April 1, 2011.
(12) BBC News Middle East, ‘Hamas-declared ceasefire in Gaza stalls as conflict continues’, BBC. July 27, 2014.
(13) Hamas ‘declares Gaza ceasefire’’, BBC News, July 27, 2014
(14) Ahren, R. ‘Will Goldstone @ be as bad as the first one ?’, The Times of Israel. July 26, 2014.
(15) BBC News Middle East, ‘Gaza conflict : Abbas backs Hamas ceasefire demands’, BBC. July 23, 2014.
(16) Nobel laureates call for arms embargo against Israel’, NSNBC International. July 21, 2014. See also Jivanda, T. ‘45, 000 gather in London to protest Israeli action’, The Independent. July 26, 2014.

* Sunera Thobani est une activiste féministe et anti-impérialiste, actuellement professeur à l’Université de Colombie Britannique au Canada.

28 juillet 2014 - CounterPunch - Vous pouvez consulter cet article à
http://www.counterpunch.org/2014/07...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM


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