Une voix à Gaza : « ce n’est pas une opération militaire mais une agression brutale »
vendredi 11 juillet 2014 - 05h:53
Dr Mona El-Farra
Le deuxième jour de l’offensive israélienne contre Gaza a fait 24 morts. Gaza est coupé du monde depuis des années mais grâce à l’internet quelques témoignages filtrent au-dehors. Voici le cri de détresse de la doctoresse palestinienne Mona El-Farra.
- Gaza, 9 juillet 2014 - Un tout petit garçon, tué dans un bombardement israélien, dans les bras de son père - Photo : UPI/Ashraf Amra
Tandis que l’armée israélienne poursuivait l’offensive contre Gaza depuis la mer, depuis les airs et via l’artillerie, des centaines de milliers d’enfants palestiniens n’ont pas pu trouver le sommeil sous les toits de tôle, se cramponnant à leurs parents, pleurant, morts de peur. Le bombardement de la nuit dernière (la nuit de lundi) a fait trembler la terre et a été ressenti dans toute la bande de Gaza.
A Gaza, nous n’avons pas de caves où nous abriter.
A Gaza, c’est sur notre situation économique désastreuse que tombent les bombes. Le blocus israélien a fait monter le chômage à 40 %.
C’est le Ramadan, il est donc encore plus difficile de trouver l’alimentation de base. Et des milliers de fonctionnaires ne parviennent pas à aller à la banque pour y retirer leur salaire de leur compte.
Je sais qu’il y a des frictions entre Fatah et Hamas, mais le résultat est la souffrance et les bombes qui continuent de nous tomber dessus.
A Gaza, le sentiment d’insécurité étend son ombre sur toute la population et l’opération militaire se poursuit tout simplement. Il y a des menaces d’extension les prochains jours et on n’entend pas parler de cessez-le-feu.
Peu de temps avant les attaques, les autorités locales avaient averti la population de ne plus se baigner dans la Méditerranée (seul loisir pour 1,7 million de personnes). La mer autour de Gaza est polluée par l’eau des égouts et les eaux usées qui sont rejetées dans la mer sans traitement, faute de carburant.
A Gaza, 990 % de toutes les eaux sont non-potables.
Via la Middle East Children’s Alliance (MECA), l’organisation pour laquelle je travaille, nous essayons de fournir des installations d’épuration d’eau aux écoles et aux crèches et de donner ainsi de l’eau propre à 50.000 enfants. Même pendant les vacances d’été la communauté locale a pu faire appel à l’eau, malheureusement les bombardements rendent dangereux les trajets vers les écoles. A Gaza, les parents doivent donc choisir entre la soif et la mise en danger de leur propre vie.
- Le Dr Mona El-Farra tout comme le Dr norvégien Mads Gilbert ont constaté qu’Israël utilisait des bombes au phosphore blanc causant des brulûres extrêmement graves et ce depuis 2006 au Liban et à Gaza, bien que son utilisation soit réprouvée par le protocole III additionnel à la Convention de l’ONU.
Nous continuons nos activités éducatives et récréatives, bien conscients du peu de possibilités récréatives existant pour les enfants. Or ces prochains jours il sera encore plus important de trouver une diversion pour détourner l’attention des enfants des bombardements nocturnes.
« Laissez les enfants jouer et guérir » est un programme permanent et je crains que n’ayons besoin d’encore plus d’activités psycho-sociales, comme nous en avons organisé en 2009 et en 2012 [les précédents embrasements].
Tout en aidant les enfants, nous aidons aussi les mères en les initiant à la formation psycho-sociale sur les traumatismes et sur la façon de s’y prendre avec les enfants et la famille en ces temps de crise.
Différents centres de santé signalent qu’ils ont besoin de plus de matériel de secours, qui dès avant les bombardements manquait cruellement en raison de la fermeture des frontières et du siège israélien.
Juste avant le début des attaques, nous avons pu envoyer des aides d’urgence médicales à la Croix Rouge, mais nos besoins sont beaucoup plus importants.
Notre équipe, tout comme beaucoup d’organisations humanitaires et sanitaires, se trouve dans une situation très difficile. Nous sommes en pleine insécurité physique et nous ne pouvons pas dormir. Mais nous travaillons dur pour aider les gens en ces temps difficiles.
Les rues de Gaza sont vides, il y a peu de voitures et Israël poursuit son expédition punitive collective en anéantissant des maisons sous les bombes. Ces attaques aériennes touchent la majorité de la population, qui vit dans ces zones densément peuplées. Tandis que les missiles touchent leur objectif, les civils paient un lourd tribut. Il y a beaucoup de victimes et leur nombre augmente à chaque heure.
A Gaza ceci n’est pas une guerre et pas même pas une opération militaire. C’est juste une punition collective et une attaque brutale contre tout le peuple palestinien.
* Mona El-Farra est membre de l’ Union of Health Work Committees et directrice des Projets Gaza de l’ONG Middle East Children’s Alliance (MECA). Son blog : « From Gaza, with Love »
9 juillet 2014 -dewereldmorgen - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.dewereldmorgen.be/artike...
Traduction : Info-Palestine.eu - AMM