Le Hamas craint que l’occupant n’envoie ses dirigeants en déportation
mardi 24 juin 2014 - 15h:15
Adnan Abu Amer
Il était clair que I’accusation israélienne d’une implication du mouvement Hamas dans la disparition des trois colons à Hébron le 12 juin, ouvrirait une nouvelle page dans le conflit entre les deux camps, même si le Hamas n’a jamais revendiqué la moindre responsabilité dans l’enlèvement présumé.
- Le premier dirigeant du Hamas Khaled Mechaal (à droite) prie avec les hauts responsables du Hamas et du Fatah dans la ville de Gaza le 9 décembre 2012 - Photo : Reuters/Ahmed Jadallah
Les Israéliens ont proféré des menaces contre le Hamas et ont commencé une campagne d’arrestations, kidnappant en Cisjordanie plus de 200 membres de l’organisation, de différents échelons. Parmi les personnes enlevées figurent des membres du Conseil législatif palestinien, d’anciens ministres, des professeurs d’université ainsi que des militants de terrain et plus de 50 anciens prisonniers palestiniens qui avaient été récemment libérés dans un échange de prisonniers avec le soldat israélien Gilad Shalit.
Parmi eux se trouvent les anciens ministres Wasfi Kabaha et Khaled Abu Arfa, les députés Ahmed al-Haj Ali, Hosni al-Borini, Abdul Rahman Zaidan, Fadl Hamdan, Mohammad Tawtah et Ibrahim Abu Salem, ainsi que de nombreux étudiants et militants. L’armée israélienne a publié une vidéo montrant le kidnapping de Sheikh Hassan Youssef, un dirigeant important du Hamas.
Pour sa part, le Hamas a « mis en garde contre cette campagne qui a franchi toutes les lignes rouges. Cela ne peut être toléré et aura de graves conséquences et sans limites dans le temps ».
Un responsable du Hamas en Cisjordanie qui n’a pas encore été arrêté, a déclaré à Al-Monitor dans un entretien téléphonique : « l’arrestation par Israël de dirigeants du Hamas est inutile au niveau de la sécurité et ne fournira aucun indice pouvant conduire Israël jusqu’aux auteurs de l’opération d’Hébron. L’objectif principal [de l’action d’Israël] est de frapper le Hamas et d’envoyer un message de dissuasion en déstabilisant la structure du mouvement et en coupant la communication entre les éléments du Hamas dans les villes de Cisjordanie ».
Le même responsable a ajouté qu’Israël visait le Hamas pour des raisons internes. « Ce qui est important dans la campagne contre le Hamas est qu’Israël veut faire plaisir à ses citoyens en colère contre [le gouvernement israélien] qui n’a pas été en mesure de protéger les trois colons. Donc l’armée essaie de retourner la situation en envoyant un message au Hamas pour signifier que [l’enlèvement présumé] est un fardeau sur [le Hamas] et pas un succès, malgré le fait que le mouvement n’a pas revendiqué formellement la responsabilité de l’opération, » a encore déclaré le responsable.
Mais Israël est allé plus loin dans son attaque contre le Hamas et a évoqué la possibilité d’expulser un certain nombre de personnalités du Hamas de Cisjordanie vers la bande de Gaza.
Cela a incité le Hamas « à prévenir Israël contre toute expulsion de membres du Hamas vers Gaza, menaçant « de s’opposer à toute décision de ce type par des mesures plus radicales sur le terrain. »
Dans une interview avec Al-Monitor, un responsable politique du Hamas dans Gaza a exprimé sa préoccupation au sujet d’un scénario israélien qui pourrait se produire dans les prochains jours et selon lequel « l’armée israélienne expulserait de force des dizaines de dirigeants du Hamas de Cisjordanie vers la bande de Gaza via le passage d’Erez à la frontière avec Israël, puis les laisserait dans la bande de Gaza et bouclerait la frontière ».
Ce n’est pas la première fois qu’Israël tente d’user de la déportation contre le Hamas comme moyen de le frapper, nous dit ce responsable.
« Il est vrai que le Hamas a déjoué le processus d’expulsion au sud du Liban en 1992, quand Israël a exilé plus de 400 dirigeants [du Hamas] là-bas. La plupart ont pu retourner dans les territoires occupés. Mais les conditions sont différentes aujourd’hui parce que Gaza et la Cisjordanie sont une seule entité politique. Il serait difficile de forcer Israël à faire revenir les dirigeants de Cisjordanie dans leurs foyers, ce qui signifie transformer Gaza, aux yeux du monde, en une zone hostile car hébergeant des personnalités qui sont accusés de lutter contre Israël », déclare encore le même dirigeant.
Selon son analyse, la déportation de personnalités du Hamas de Cisjordanie pourrait créer un vide politique dans le mouvement. « L’incidence la plus négative, c’est que les déportations videraient la Cisjordanie de ses dirigeants politiques. Nous craignons qu’une telle initiative ne vide [la Cisjordanie] de direction politique pour un certain temps. Israël tente d’utiliser l’opération d’Hébron pour mettre en œuvre un plan visant à liquider le mouvement [Hamas] en Cisjordanie. Ce serait une décision très dure contre le Hamas, car elle laisserait des dizaines de milliers de membres sans références politiques et sans organisation. »
Le Hamas est également préoccupé de ce que Israël peut réagir en menant une campagne militaire de grande envergure contre le Hamas, allant jusqu’à l’assassinat de dirigeants.
Al-Monitor a pu avoir accès à un rapport d’évaluation de la position du Hamas préparé au cours des dernières jours. Ce rapport déclare : « Le mouvement est convaincu qu’il y a un consensus israélien que des mesures punitives à l’encontre [du Hamas] en Cisjordanie vont au-delà de l’enlèvement d’Hébron, car l’armée mène une opération militaire de grande envergure pour frapper l’organisation et sa présence politique dans son ensemble sous couvert d’essayer de trouver les auteurs de la capture [des colons]. Israël a l’intention d’exploiter cette opportunité militaire ainsi que l’atmosphère au niveau international aussi longtemps que nécessaire, en menant des opérations de ratissage précises sur une longue période et finalement supprimant les bases du Hamas ».
La réponse du Hamas à la campagne israélienne ne s’est pas limitée à des déclarations. L’organisation a également tenu une conférence de presse à Gaza le 17 Juin, qui a été suivie par Al-Monitor. Un certain nombre de bras armés étaient présents à la conférence, dont les Brigades Izz ad-Din al-Qassam, qui ont menacé Israël en disant qu’elles « ne resteront pas inactives face aux violations israéliennes en Cisjordanie. »
Selon le rapport d’évaluation qu’Al-Monitor a obtenu, le débat qui prévaut au sein du Hamas « ne prend pas en compte le lancement d’une confrontation militaire avec Israël à ce stade, du moins pas dans la bande de Gaza, afin de ne pas donner [à Israël] l’occasion d’exporter vers Gaza son échec en matière de sécurité et son fiasco militaire dans l’opération d’Hébron, à moins que la confrontation ne nous soit imposée par l’assassinat d’un haut responsable. »
Le mouvement du Jihad islamique a également déclaré qu’ « il allait réagir en pleine force à toute attaque israélienne contre les Palestiniens en Cisjordanie et qu’il ne resterait pas à l’écart du cycle de représailles et de confrontations, puisque Israël trouve dans l’opération d’Hébron une justification pour une escalade dans ses agressions contre le peuple palestinien. »
Un fait intéressant est que la situation sur le terrain dans la bande de Gaza connaît une relance des lancements réciproques de fusées entre Israël et les groupes armés, un certain nombre de roquettes tombant sur les villes du sud d’Israël tandis que l’aviation israélienne bombarde plusieurs cibles dans la bande de Gaza.
L’atmosphère qui règne dans le Hamas dans la bande de Gaza, selon ce que ce responsable a déclaré à Al-Monitor, est de « ne pas répondre fortement à la campagne d’Israël contre [le Hamas] en Cisjordanie et d’absorber la colère [israélienne] après avoir perdu trois colons. Toute réponse de Gaza qui dépasserait quelques roquettes inefficaces peut entraîner le Hamas dans une confrontation majeure avec Israël. Le Hamas tente de rallier l’opinion publique derrière lui et derrière les forces armées qui ont exprimé leur désir de rejoindre [le Hamas] dans toute future confrontation avec Israël, soulignant que Gaza ressemble à des sables mouvants. Chaque heure, se produit quelque chose de nouveau ».
* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.
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20 juin 2014 - Al Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar