16 septembre 2017 - CONNECTEZ-VOUS sur notre nouveau site : CHRONIQUE DE PALESTINE

Vous êtes ici : Accueil > Dossiers > Palestine > Analyses

Les Brigades al-Qassam refusent de désarmer

mardi 6 mai 2014 - 09h:00

Adnan Abu Amer

Imprimer Imprimer la page

Bookmark and Share


L’accord de réconciliation signé le 23 avril dernier par les dirigeants palestiniens n’a pas abordé la question la plus problématique : l’armement des Brigades Izz ad-Din al-Qassam, la branche armée du Hamas. Le Fatah et le Hamas ont pensé qu’il valait mieux passer sur la question et éviter de créer un obstacle à la réconciliation.

JPEG - 99.5 ko
Des combattants des Brigades Izz ad-Din al-Qassam aux funérailles d’un de leurs compagnon, Rami Meshmish, dans la bande de Gaza le 16 avril 2014 - Photo : Reuters/Ibraheem Abu Mustafa

Un facteur qui complique les choses, comme Al-Monitor l’a appris du ministère des Finances dans la bande de Gaza, c’est que quelques 25 000 personnes sont employées dans les services de sécurité du gouvernement du Hamas et que la plupart de ces employés appartiennent aux Brigades al-Qassam. Selon un responsable militaire des Brigades, après la formation du prochain gouvernement, ces personnes ne prendront leurs ordres du directeur actuel au ministère de l’Intérieur, mais directement de la direction militaire des Brigades Izz ad-Din al-Qassam.

Le 29 avril, le ministère des Affaires étrangères du gouvernement du Hamas a publié un communiqué dans lequel il était dit : « L’un des défis posés à la réussite de la réconciliation est que le président Mahmoud Abbas ait déclaré qu’un gouvernement [unifié] impliquait que [toutes les armes devaient être placées sous une autorité unique] et que le Hamas devait déposer les armes. » La déclaration stipulait aussi que demander au Hamas de remettre ses armes était un sujet tabou.

Comme il apparaît donc, le fait que Hamas et le Fatah ont convenu de reporter la discussion sur les armes des Brigades al-Qassam n’implique pas que le Hamas va prendre en considération ce sujet sensible dans les prochains jours. Le Hamas craint que les armes des Brigades ne soient considérées comme illégitimes après la formation du prochain gouvernement, puisque Abbas maintient que toutes les armes qui échappent au contrôle de l’État sont illégitimes, peu importe leur appellation. Cela a incité un des responsables du Hamas, Mahmoud al-Zahar, à affirmer le 29 avril que la réconciliation n’entraînera pas une subordination à Abbas des combattants des Brigades al-Qassam.

Al-Monitor a rencontré un haut responsable du Hamas ayant pris part aux négociations pour la réconciliation. Lorsqu’on l’interroge sur l’avenir des Brigades al-Qassam, il répond : « La dissolution des Brigades est hors de question, et ceux qui le demandent sont en train de rêver. La réconciliation ne se fera pas au détriment des organisations militaires de la résistance, de ce qui représente l’armée nationale de l’État de Palestine. Quiconque parle de désarmement [de la résistance] est en dehors du contexte national, parce que la remise des armes des Brigades al-Qassam est impossible et hors de toute discussion. »

Un dirigeant du Fatah proche de Abbas a déclaré à Al-Monitor : « Certains parlent de dissoudre toutes les milices opérant dans la bande de Gaza, y compris les Brigades al-Qassam , et de voir les Forces nationales de sécurité [services de sécurité de l’Autorité de Ramallah] comme l’armée de tous les Palestiniens. Ce serait semblable à la situation en Cisjordanie, où seules les forces de sécurité affiliées à [l’Autorité] peuvent porter des armes ».

Ce même responsable s’est plaint que le Hamas refuse de parler de cette question. Il a affirmé : « [Le Hamas ] insiste sur le maintien des Brigades Qassam comme force militaire. Il a déclaré à plus d’une occasion qu’il rejetait toute tentative de dissoudre ce groupe ou de l’intégrer dans les services de sécurité de l’AP [Autorité palestinienne]. Le porte-parole d’al-Qassam, Abou Ubaida, a même dit que celui qui pensait à éliminer les Brigades sera lui-même effacer des pages de l’histoire ».

Selon le Fatah , lors des discussions préparatoires à la réconciliation et qui ont commencé fin Février « le Hamas a approuvé que la question des Brigades al-Qassam soient complètement séparée des questions politiques, que leur commandement soit intégré dans le nouveau gouvernement et que la branche armée reste engagée vis-à-vis de la trêve avec Israël, conformément à la politique du président ».

Un dirigeant du Hamas, qui a parlé sous couvert de l’anonymat, a rejeté toutes les déclarations ayant trait à la dissolution des Brigades. Il a déclaré à Al-Monitor : « Cette affirmation ne mérite aucune réponse. Les Brigades al-Qassam ont été créés avant l’AP et elles ont leur propre politique face à Israël, loin de toute tutelle, y compris celle du prochain gouvernement ».

Al-Monitor a visité un certain nombre de sites à Gaza où les Brigades effectuent des manœuvres et exercices militaires 24 heures sur 24. La plupart de ces endroits sont sur ​​des sites al-muharrarat, ou terres « libérées », ce qui pour être précis représente les colonies de peuplement israélien abandonnées en 2005.

Un membre des Brigades posté près d’un avant-poste militaire au sud de Khan Yunis a déclaré à Al -Monitor : « Faire partie de l’appareil sécuritaire de l’AP n’est pas en cours d’examen parce que la fonction principale [des Brigades] est de défendre le peuple palestinien. Les armes de la résistance sont légitimes, et personne ne peut y toucher, même si dans le cadre de la réconciliation. Nous, les Brigades al-Qassam, avons confiance dans les décisions de la direction politique du Hamas, mais cela n’empêche pas que si l’AP veut s’approcher de [nos] armes après la réconciliation, cela aura pour effet de saboter les efforts de réconciliation ».

Après la signature de l’accord de réconciliation, de fortes discussions ont eu lieu dans les rangs du Hamas. Les dirigeants du groupe ont eu de longues réunions avec la base organisationnelle du mouvement pour défendre l’accord. L’objectif était de les convaincre sur la question, parce que certains ont exprimaient de sérieux doutes quant aux chances de succès, tandis que d’autres rejetaient l’ accord de crainte que cela ne se fasse au détriment des armes des Brigades.

Al-Monitor a appris de façon confidentielle que les Brigades al-Qassam auraient dans les prochains jours le dernier mot dans l’application de l’accord de réconciliation, notamment sur le dossier relatif à la sécurité et aux armes dans la bande de Gaza. Certains s’attendent à ce que ce dossier soit contrôlé par les Brigades et au détriment de la direction politique. Celles-ci seront plus radicales dans la préservation du statu-quo et elles ne se lieront pas aisément au Fatah.

Al -Monitor a également appris que les Brigades al-Qassam, qui sont représentées par Marwan Issa dans le bureau politique du Hamas, avaient « opposé leur veto à tout progrès dans la réconciliation si celle-ci consiste à compromettre les armes [d’al-Qassam], en s’appuyant sur leur dure expérience avec l’AP dans les années 1990, quand les Brigades ont été dépouillées de leurs armes et vu des centaines de leurs membres arrêtés. Les Brigades al-Qassam ne toléreront pas une réconciliation qui se ferait au détriment de [leur] armement. »

Interrogé sur la possibilité d’imiter le modèle du Hezbollah au Liban, où ce dernier conserve ses armes aux côtés de celles de l’armée, un responsable d’al-Qassam a expliqué : « Ceux qui discutent de la réconciliation peuvent rechercher une formule qui maintient ce qui a été convenu, aussi longtemps qu’ils ne pas mentionneront pas le désarmement [des Brigades] ou leur intégration dans les services de sécurité [de l’AP]. Sinon, la réconciliation ne marchera pas. Et il existe un consensus au sein du Hamas sur cette question ».

La direction du Hamas a déployé des efforts pour rassurer son aile militaire quant à ses armes, soulignant qu’elles ne seront ni supprimées ni intégrées dans l’appareil sécuritaire palestinien national. En fait, il y unanimité politique et militaire au sein du Hamas pour estimer que la préservation de ces armes est une priorité, mais sans que cela implique un rejet de l’accord de réconciliation. Mais si le Hamas est mis en situation de devoir choisir entre ses armes et la réconciliation, il va certainement choisir ses armes .

JPEG - 4.2 ko

* Adnan Abu Amer est doyen de la Faculté des Arts et responsable de la Section Presse et Information à Al Oumma Open University Education, ainsi que Professeur spécialisé sur l’Histoire de la question palestinienne, la sécurité nationale, les sciences politiques et la civilisation islamique. Il a publié un certain nombre d’ouvrages et d’articles sur l’histoire contemporaine de la Palestine.

Du même auteur :

- La résistance palestinienne teste des missiles anti-aériens contre les avions israéliens - 9 avril 2014
- Ismail Haniyeh, premier ministre du gouvernement Hamas, rencontre l’intelligentsia de Gaza - 24 décembre 2013
- Le mouvement Hamas envisagerait d’aller s’installer à Beyrouth - 10 août 2013
- Marwan Barghouthi : « Le plan de paix arabe nuit à la cause palestinienne » - 12 juin 2013

Lire également : (pour mieux comprendre les réticences des Izz ad-Din al-Qassam...)

- Les flics d’Abbas s’inspirent des méthodes de l’occupant - 23 janvier 2013
- Les flics d’Abbas font des rafles d’opposants en Cisjordanie occupée - 20 septembre 2012
- Pendant « les pourparlers », la collaboration répressive entre Ramallah et Israël continue - 23 mai 2010
- La CIA entraîne les tortionnaires de l’Autorité de Ramallah - 19 décembre 2009
- Torturé à mort par la police de l’Autorité de Ramallah - 17 juin 2009
- L’autorité de Ramallah poursuit son offensive contre la résistance palestinienne - 4 juin 2009
- Cisjordanie : l’autorité de Ramallah fait le travail d’Israël - 31 mai 2009
- Un général américain met sur pied une armée palestinienne - 18 mai 2009
- La torture dans les prisons de l’autorité palestinienne - 12 décembre 2008
- L’autorité palestinienne au doigt et à l’oeil d’Israël - 2 novembre 2008
- Réunion sécuritaire entre Israël et le Fatah : extraits - 17 octobre 2008

2 mai 2014 - Al Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Al-Mukhtar


Les articles publiés ne reflètent pas obligatoirement les opinions du groupe de publication, qui dénie toute responsabilité dans leurs contenus, lesquels n'engagent que leurs auteurs ou leurs traducteurs. Nous sommes attentifs à toute proposition d'ajouts ou de corrections.
Le contenu de ce site peut être librement diffusé aux seules conditions suivantes, impératives : mentionner clairement l'origine des articles, le nom du site www.info-palestine.net, ainsi que celui des traducteurs.