Australie : un nouveau départ pour une doctorante venue de Gaza
mercredi 23 avril 2014 - 18h:02
Ruth Pollard
C’est un nouveau départ qui a failli ne pas avoir lieu. Lorsque Sameeha Elwan a obtenu en novembre dernier une bourse pour des études doctorales en Australie, son principal souci était de savoir si elle serait jamais autorisée à quitter la bande de Gaza.
- Sameeha Elwan
Avec le passage de la frontière de Rafah vers Égypte aujourd’hui très rarement ouvert et celui d’Erez vers Israël étroitement contrôlé, c’était comme si elle avait reçu un présent dont elle ne pourrait jamais profiter.
Cette jeune femme de 26 ans, écrivain et militante palestinienne, dispose d’une maîtrise en Culture et Différence de l’Université de Durham en Grande-Bretagne. Passer un doctorat était un rêve de longue date. La date d’entrée en vigueur de ce doctorat était le mois d’avril et son visa pour se rendre en Australie n’a été accordé qu’en mars.
Puisque chacune de ses tentatives de quitter Gaza pour démarrer son nouveau cycle d’études à l’Université Murdoch [Perth] à l’ouest de l’Australie était contrecarrée par Israël et par l’Égypte, elle a commencé à le faire savoir, rappelant au monde qu’elle était juste l’un des 1,5 million de Palestiniens piégés dans Gaza.
Son cri pour la liberté - pouvoir sortir de Gaza, zone côtière d’une population dense et qui lutte - était éloquent et puissant. « Depuis que j’ai reçu cette bourse de doctorat, chaque jour [était] un rappel qu’être Palestinien signifiait être piégé dans un cercle d’attente infinie, avoir une obligation constante de prouver votre identité, vos intentions bienveillantes, votre éloignement absolu de ce qui est présenté comme du ’terrorisme’ ... » écrit-elle sur sa page Facebook le 13 avril (*).
Mme Elwan avait réussi, avec son époux Ayman Qwaider, âgé de 29 ans, à s’inscrire pour pouvoir traverser le passage frontalier de Rafah le 15 avril, en concurrence avec des milliers d’autres - patients, étudiants et familles - attendant désespérément de quitter Gaza pour un traitement médical, des études ou pour visiter des parents.
Mais l’Égypte a encore durci sa position contre le gouvernement du Hamas et les Palestiniens en général, et avec l’élection présidentielle égyptienne prévue le mois prochain, il y avait peu de chances que le passage de Rafah soit ouvert.
J’ai rencontré pour la première fois le jeune couple dans la bande de Gaza en janvier de cette année. Ils m’avaient alors accueillie dans leur maison pour le dîner et à travers les expériences de leur familles respectives, l’aggravation de la crise dans Gaza causée par la fermeture quasi totale de ses frontières par Israël et l’Égypte a été mise à nu. Cela ne fait que s’aggraver, disaient-ils.
« Des milliers de voyageurs sont tout aussi coincés que [je le suis] dans la bande de Gaza. Certains sont des étudiants qui sont sur le point de perdre leurs bourses, d’autres sont des patients qui pourraient mourir - l’un d’eux étant effectivement décédé l’autre jour alors qu’il attendait à la frontière - et d’autres encore sont sur le point de perdre leur emploi et leur droit de résidence », expliquait Mme Elwan la semaine dernière, quelques jours avant qu’elle obtienne finalement obtenu la permission de partir.
« Gaza est une véritable prison, sans aucune durée de fixée jusqu’à la liberté ... on attend de nous que nous attendions. Nous sommes impuissants. On exige de nous de voir nos rêves s’évanouir devant nos yeux et de nous taire. »
Elle avait raison, car le passage de Rafah n’a pas été ouvert le 15 avril (il n’a été ouvert que 12 jours jusqu’à présent cette année, a fait savoir le ministère de l’Intérieur de Gaza dans un communiqué).
Une demande faite à Israël de passer par le passage d’Erez puis de se rendre en Jordanie a également été refusée - aucune raison n’ayant été fournie - bien que tous ses papiers étaient en règle, explique-t-elle.
Une campagne organisée de lobbying était à présent en cours, dirigée par Mme Elwan et son mari et soutenue par Gisha, le Centre juridique pour la liberté de mouvement, basé à Tel Aviv. L’ambassade d’Australie en Israël a également mis tout son poids derrière sa demande de pouvoir quitter Gaza via Israël - un officiel déclarant à Fairfax Media que « l’ambassade a soulevé le cas à plusieurs reprises ... pour tenter de le résoudre. »
- Sameeha et Ayman, bloqués dans Gaza, comme les plus de 1,5 million de leurs concitoyens palestiniens - Photo : Ruth Pollard
Des responsables de la Coordination israélienne des activités gouvernementales dans les territoires (COGAT) n’ont pas répondu aux demandes de renseignements faites par Fairfax Media concernant les critères utilisés par Israël pour autoriser ou refuser à des étudiants et à d’autres personnes de quitter Gaza par son passage d’Erez.
Gisha a à nouveau fait un appel de la décision d’Israël devant l’administration de liaison pour Gaza de la COGAT, et alors que le semestre universitaire australien était déjà bien entamé, Mme Elwan a enfin reçu l’appel qu’elle attendait : l’armée israélienne leur permettrait de traverser la frontière le 18 avril.
Ils avaient juste un jour pour faire leurs valises et dire adieu à leurs familles avant de commencer leur long voyage à l’autre bout du monde.
Quelques adieux à leurs amis n’ont pu être faits que par un message sur une page Facebook, et soudainement, ils étaient partis.
Mme Elwan et son mari arriveront à Perth cette semaine, et elle entamera son doctorat en littérature comparée et écriture créative, en considérant l’expérience de femmes blogueuses palestiniennes.
Les choses n’avaient pas à se dérouler de cette façon, a déclaré Shai Grinberg, le porte-parole de Gisha.
« Nous sommes très heureux que Sameeha soit en mesure de préparer son doctorat, mais ... étant donné qu’aucune raison de sécurité n’a été invoquée pour refuser leur départ, nous ne comprenons pas ce qu’Israël pensait gagner en empêchant une jeune femme brillante comme Sameeha de poursuivre ses études. »
« La demande d’intervention de représentants australiens et les obstacles bureaucratiques imposés par l’armée sont à la fois inutiles et contraires aux dispositions consulaires internationalement reconnues et conclues entre les pays. »
Ces exigences sans objet sont « une autre façon de faire en sorte que très peu de gens puissent quitter Gaza », dit-il.
Note :
(*) Sameeha Elwan dispose également d’un blog à : http://sameeha88.wordpress.com/
Consultez également :
La crise en Égypte menace d’étouffer Gaza - 20 janvier 2014
Quitter le ghetto de Gaza et prier dans la mosquée Al-Aqsa - 30 octobre 2013
Un matin de douleur et de deuil - 16 avril 2011
21 avril 2014 - smh.com.au - Vous pouvez consulter cet article à :
http://m.smh.com.au/world/finally-g...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach