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Le mouvement de boycott a donné du pouvoir aux Palestiniens, dit un cofondateur de la plateforme du BDS

vendredi 21 mars 2014 - 22h:14

Adri Nieuwhof

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Le mouvement palestinien boycott, désinvestissement et sanctions (BDS) a créé récemment une attention internationale - et une opposition - sans précédent, y compris venant de dirigeants US, européens et Israéliens. Combien d’entre vous connaissent ses origines ?

J’ai rencontré Adnane Ramadan, un des cofondateurs du mouvement, à Beit Sahour, près de Bethléem en Cisjordanie occupée, en 2005, l’année où l’appel palestinien pour le BDS a été lancé.

Ramadan est né et a grandi dans le camp de réfugiés de Deisheh à Bethléem. Après qu’il reçut son diplôme de l’Université de Bethléem, il a travaillé à l’unité de recherche de l’agence de Beit Sahour de la YMCA.

J’ai interviewé Adnane par Skype pour avoir ses opinions sur la façon dont le mouvement s’est développé près de neuf ans plus tard.

Il a aussi parlé de l’histoire du BDS, en soulignant un point important et souvent négligé : le mouvement a été conçu et fondé par des Palestiniens, en Palestine.

Maintenant, dit-il, il donne des résultats bien au-delà des attentes initiales.

Adri Nieuwhof : Quelles raisons principales vous ont aidé à concevoir et à lancer l’appel BDS ?

Adnane Ramadan : Nous nous sommes rencontrés quand vous organisiez un atelier pour le Plaidoyer pour une Initiative de la Palestine Occupée et des Hauts du Golan (OPGAI) où nous avons discuté de l’appel pour le BDS.

À l’époque, je coordonnais ce réseau et je coordonnais le Plaidoyer pour une Initiative Conjointe de la YMCA et de la YWCA. De là je suis un cofondateur de la campagne BDS et j’ai servi au secrétariat de la campagne pendant plusieurs années.

C’était juste un an après l’avis consultatif de la Cour internationale de justice sur la construction par Israël du mur d’apartheid en Cisjordanie occupée.

Il y avait beaucoup de discussions parmi les organisations de la société civile et d’autres dans la société palestinienne sur le moyen de donner aux mouvements de solidarité un outil solide avec une vision claire basée sur une analyse profonde du conflit entre la Palestine et les Israéliens. Nous trouvions très inspiratrice l’expérience de l’Afrique du Sud.

Il y avait aussi l’idée de suivre cette expérience du peuple sud-africain. Particulièrement parce qu’à cette époque-là les gouvernements étaient très loin de mettre la moindre pression sur Israël.

Nous avons décidé de nous adresser aux organisations de la société civile du monde entier avec un appel et une stratégie unifiés. Nous avons demandé à une organisation internationale de donateurs de soutenir un atelier avec des gens d’Afrique du Sud et du mouvement international de solidarité avec l’Afrique du Sud. Alors nous vous avons invité ainsi que Bangani Ngeleza d’Afrique du Sud à venir à Beit Sahour.

L’issue de notre atelier a été d’envoyer l’appel pour le BDS. Nous nous sommes coordonnés avec les réseaux palestiniens pour envoyer ensemble l’appel avec le Réseau des ONG palestiniennes (PNGO), Ittijah — coordination des organisations de la société civile palestinienne en Palestine historique, la Campagne palestinienne pour le boycott académique et culturel d’Israël, OPGAI et Stop the Wall.

L’appel a été signé ensuite par différentes organisations, principalement des organisations de base palestiniennes du Liban, de Syrie, de Cisjordanie, de Gaza et de nombreuses sections de la communauté palestinienne.

AN : Quelles étaient vos attentes ? Ont-elles été atteintes ?

AR : Notre attente était qu’il y aurait au moins un appel unifié de la communauté palestinienne. Beaucoup de nos amis et des gens qui sympathisaient avec nous ou qui étaient convaincus de nos droits étaient désorientés par les nombreux appels venant de différentes parties de notre communauté.

En unifiant nos attentes comme Palestiniens nous donnions quelque chose de clair aux mouvements de solidarité internationale. Certains dirent que l’appel était très extrême parce que beaucoup de groupes refuseraient de décrire Israël comme un système raciste ou discriminatoire, ou de le comparer à l’Afrique du Sud - alors qu’en Palestine les faits sur le terrain vont au-delà de cela.

Alors nous avons décidé d’avancer, et nous avons obtenu un grand soutien - plus de 170 organisations palestiniennes ont signé l’appel. Le mouvement BDS est maintenant le premier réseau en Palestine.

Le succès de l’appel au niveau international fut au-delà de nos attentes, particulièrement après la guerre contre Gaza en 2008-2009. De bien des façons, c’est un outil pour que les gens participent. Il donne l’occasion d’expliquer et de révéler la vérité sur ce qui a lieu.

En 2005, il y avait une grande confusion, causée par nous les Palestiniens, sur la façon de présenter notre cause à la communauté internationale. En envoyant un appel basé sur le droit international, les résolutions de l’ONU et une analyse de la situation, c’était un moyen de revenir aux racines du conflit.

La campagne BDS pouvait ouvrir des possibilités pour un changement politique, pas seulement un moyen d’exprimer la solidarité et d’exercer une pression sur les décideurs politiques. Elle ouvrait la possibilité d’un changement dans les rapports de puissance entre la Palestine et Israël, et aussi au niveau interne.

AN : Pouvez vous expliquer comment ceci a fonctionné ?

AR : Le processus et l’approche politique officiels étaient principalement par les négociations. Israël utilisait les négociations pour dire qu’il y a un État palestinien, un système politique et une économie palestiniennes.

Tout est là et c’est leur problème s’ils échouent à développer le système. En même temps, ils vendaient l’idée que le peuple palestinien est une menace pour la société israélienne, pour l’État. La raison de toutes leurs mesures était la « sécurité ». Les négociations étaient une sorte de parapluie pour légitimer la propagande pour ces sortes d’idées.

L’autre voix n’était pas écoutée, la voix du peuple palestinien qui vit dans cette situation compliquée, qui souffre et perd chaque jour. L’appel BDS envoyait cette voix alternative avec une analyse alternative et montrait Israël tel qu’il est. Pas un État démocratique comme il dit.

L’appel BDS créait un nouveau discours politique parce qu’il ne faisait pas partie du système politique national ou des factions politiques.

Les organisations de la société civile impliquées dans l’appel opéraient dans de nombreux secteurs, ils avaient des partenaires et des amis dans le monde entier. Il y avait plus de crédibilité pour un tel appel parce qu’il venait des organisations de base qui connaissent leurs partenaires.

L’appel pour le BDS ouvrait aussi une nouvelle façon de penser au sein de la communauté palestinienne. Il montrait qu’il y avait de nouveaux moyens non-violents de lutter pouvant avoir un impact sérieux.

La violence était une des questions les plus importantes discutées au niveau international, parce qu’Israël réussissait à vendre l’idée que la lutte palestinienne est violente. L’appel BDS pouvait montrer une image différente des Palestiniens.

AN : Diriez-vous que l’appel BDS a donner du pouvoir aux Palestiniens ?

AR : Certainement. Quand nous parlions de la situation à des amis et partenaires internationaux, ils demandaient « qu’attendez-vous de nous exactement » ? Ils me disaient qu’ils recevaient des Palestiniens des appels et des demandes contradictoires. En général, d’avoir cet appel solide est clairement défini nous a renforcé.

Ensuite, comme Palestiniens impliqués dans le BDS, ceci nous donne la chance de penser et d’agir différemment entre nous-mêmes. L’expérience du travail du BDS a été positive en créant le secrétariat et en ayant des communications quotidiennes du groupe dirigeant, pas par proximité physique mais par d’autres moyens.

Il y avait beaucoup de sensibilité sur comment nous dirigerions ça ; est-ce qu’on retomberait dans les influences individuelles ou sur les préoccupations politiques des différents groupes ?

Le travail du BDS a donné un nouveau modèle de prise de décision collective, de traitement des questions avec un esprit ouvert, de chance donnée à des idées créatrices. Le BDS a permis pour la première fois aux Palestiniens de présenter leurs leaders. Avant cela il n’y avait que des partis politiques.

AN : Certains disent que la campagne BDS devrait se focaliser sur les colonies. Quelle est votre réponse ?

AR : Parler de boycott des colonies, c’est revenir à la confusion. Pour nous Palestiniens, Israël est unique. Il n’y a pas un État pour les colons et un État pour les autres. Le système politique, le système sécuritaire, le système économique, tout est unique.

Tout est relié et représente la même politique et mentalité. Revenons à la source principale du conflit : le mouvement sioniste veut montrer que c’est une terre sans peuple pour un peuple sans terre, en niant l’existence des Palestiniens et leurs droits.

Ils amènent des gens du monde entier s’ils sont juifs et les installent ici.

Quand nous parlons de boycotter Israël, nous parlons de boycotter un système de pouvoir, une façon de penser et de se comporter, qui nie l’existence du peuple palestinien et ses droits.

Malheureusement, l’Autorité palestinienne (AP) - sur la base de ses accords et de sa mentalité - a appelé à un boycott des seuls produits les colonies.

Ceci peut créer quelques petits problèmes pour quelques petites industries ici et là. Ça ne donne pas de chance à de vraies solutions politiques et à un changement à l’intérieur de la communauté israélienne.

L’AP a essayé par ce moyen de contenir l’ensemble de la campagne BDS et de s’en attribuer les succès. Son approche a créé pas mal d’obstacles dans divers pays. Il y a eu pas mal de confrontations entre les militants du BDS et les gens qui représentent la politique officielle de l’AP.

Pour moi, l’appel de la société civile palestinienne est clairement sur le boycott d’Israël et sur l’appel à des sanctions contre Israël. Mais chacun peut décider - sur la base de son analyse, des circonstances et quelquefois des lois - sur comment répondre à l’appel.

Par exemple, les gens en Hollande peuvent vouloir se focaliser sur un boycott des produits les colonies. L’important est qu’ils répondent à notre appel.

AN : Quand n’y a-t-il plus besoin du mouvement BDS ? Quand avez-vous fini votre boulot ?

AR : Il n’y aura plus besoin du BDS quand nous serons parvenus à nos demandes, qui sont la fin de l’occupation, le retour des réfugiés palestiniens sur leur terre et l’égalité pour les personnes vivant en Israël et en Palestine.

Le BDS est important parce que les murs sont fermés aux autres approches. Le changement qui a lieu au sein de la communauté israélienne est très sérieux et dangereux, reflétant une mentalité raciste et discriminatoire : prendre les terres des palestiniens ou les tuer ou les envoyer dans d’autres pays.

Ceci provient quotidiennement de la direction politique et du gouvernement d’Israël. Nous voyons les faits sur le terrain, comment des cercles de colonies entourent les zones habitées de Palestine, nous voyons la pression politique et économique sur les Palestiniens pour qu’ils quittent cette terre, pour les rendre désespérés, pour les rendre très faibles.

Israël vise à prendre leurs ressources, pas seulement la terre mais aussi l’eau et les autres ressources et pour contrôler tous les aspects de leur vie.

C’est une partie d’un programme global et les négociations en font partie. La nécessité de l’appel pour le BDS devient de plus en plus importante. Avec le BDS nous voyons des résultats. Nous avons besoin de plus de résultats. Ceci nous donnera plus d’encouragement.

* Adri Nieuwhof est avocate, conseiller et défenseur des droits de l’homme, travaillant en Suisse.

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20 mars 2014 - The Electronic Intifada - Vous pouvez consulter cet article à :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : CCIPPP - JPB


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