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Des milliers de Gazaouis sans emploi à cause de la pénurie de ciment

mardi 11 mars 2014 - 06h:00

Rasha Abou Jalal

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Ville de Gaza – « Vous devez être présent à la station Bahloul, à l’ouest de Gaza à 22h30 précisément. Ramenez un camion pour transporter la marchandise et n’oubliez pas de venir seul et de vous assurer que personne ne vous suit ! » Telles sont les instructions téléphonique reçues par Qassem de la part de l’un des marchands de la ville de Gaza.

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Le 12 mai 2013, Nord de la Bande de Gaza, une femme palestinienne qui attache un sac de ciment avec une corde dans un chantier. (Photo par REUTERS/Mohammed Salem)

Au premier abord, on penserait que la marchandise en question contiendrait de la drogue ou du hachisch, mais en réalité, le jeune homme de 22 ans ne cherchait qu’à acheter des sacs de ciment pour parachever la construction de son domicile conjugal. Ceci est un exemple parmi tant d’autres qui témoignent de l’ampleur de la souffrance dans laquelle patauge la société Palestinienne en raison de l’aggravation de la crise engendrée par le manque des matériaux de construction.

C’est en octobre 2013 qu’Israël a cessé d’exporter le ciment vers la Bande de Gaza suite de la découverte du tunnel de Ein Hashlosha, construit par le Hamas à l’Est de Khan Younis, au sud de la Bande de Gaza.

Qassem espère désespérément finir la construction de sa maison, autrement c’est son mariage qui risque d’être compromis jusqu’à ce que le ciment soit de nouveau autorisé dans la Bande de Gaza. Il raconte à Al-Monitor : « J’ai cherché le ciment dans tous les magasins, mais en vain. J’étais incapable de trouver le moindre sac. Un des marchands m’a dit qu’il lui restait quelques sacs qu’il vendrait pour 120 shekels ($34), alors que le prix habituel est d’environ 26 shekels ($7.50). »

Il a également indiqué que le marchand a demandé que la livraison soit faite dans la discrétion afin d’éviter d’éventuelles poursuites du gouvernement qui est très à cheval contre les vendeurs qui monopolisent le marché du ciment. Qassem a ajouté que c’est son besoin urgent qui l’a obligé à accepter les conditions du marchand et de maintenir au secret ses prix exorbitants : « Je ne peux qu’acheter à ce prix excessif. Je n’y peux rien et je dois me marier car les fiançailles prolongées dans notre société entrainent en général beaucoup de problèmes et finissent en rupture et par le divorce. »

Un rapport du Centre Palestinien des Droits de l’Homme (PCHR) publié le mois de février dernier a indiqué que les forces de l’occupation israélienne ont, au cours du mois de janvier, autorisé l’importation de quantités extrêmement limitées de matériaux de construction. Il s’agit notamment de 1.406 tonnes de ciment et 9.063 tonnes de gravier, soit des taux respectifs de 6.1% et 9.1% des besoins mensuels de la Bande de Gaza. Toutefois, la liste de ces matériaux n’a pas inclus l’acier destiné à la construction.

Par ailleurs, dans son rapport sur la circulation des biens et des marchandises par les postes frontaliers de Gaza, le PCHR a indiqué que le marché Gazaoui a enregistré une hausse importante des prix de tous les matériaux de construction dont certains restent totalement indisponibles. Le rapport a également souligné que le nombre de camions qui ont eu l’autorisation d’entrer à Gaza depuis janvier dernier représente 7.72% par rapport à ce que la Bande avait l’habitude d’accueillir avant que ne lui soit imposé le siège en juin 2007.

Par conséquent, 30.000 employés se sont retrouvés sans emploi et des centaines de millions de dollars investis dans des projets de construction sont restées bloquées dans des ouvrages inachevés à cause de la crise du ciment. A ce titre, l’économiste Gazaoui Omar Shaaban explique : « Le ciment est un matériau fondamental pour la Bande de Gaza. La pénurie de celui-ci affecte le secteur de la construction mais également tous les secteurs qui reposent fortement sur ce matériau comme le transport, les restaurants et le tourisme. »

Fayed al-Hajjar, travailleur dans la construction qui doit nourrir une famille de huit membres, reste pendant de longues heures devant la télévision à guetter les chaines locales dans l’espoir de tomber sur la nouvelle d’une éventuelle levée de l’interdiction d’importer le ciment et autres matériaux de construction vers la Bande de Gaza.

Hajjar a informé Al-Monitor que son employeur était contraint de licencier 15 autres travailleurs à cause du manque des matières premières nécessaires pour la fabrication des blocs de maçonnerie : « Depuis que je suis au chômage, je suis incapable de subvenir aux besoins de ma famille. Mon ils aîné, Saeed a été contraint de reporter son entrée à l’université parce que je ne peux pas lui assurer toutes les dépenses. En outre, mon fils Motaz qui n’a que 8 ans n’a pas eu la chance de participer à une excursion organisée par son école car je ne suis pas en mesure de lui payer les frais du voyage, sachant qu’il s’agit d’une somme symbolique. »

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A l’instar de la famille Hajjar qui est sur la photo, les familles des travailleurs dans la construction de la ville de Gaza souffrent à cause de la pénurie du ciment engendrée par le blocus israélo-égyptien. (Photo : Rasha Abou Jalal) 28 février 2014

Le père de famille a par ailleurs ajouté que sa misère l’a poussée à emprunter de l’argent à un proche pour acheter la nourriture à sa famille, et que ce sera la dernière fois jusqu’à ce qu’il paie ses anciennes dettes.

Le propriétaire de l’usine Abu Aida pour les Matériaux de Construction, Ashraf Abu Aida a pour sa part licencié 150 employés depuis qu’Israël a interdit l’entrée du ciment à Gaza. Il a souligné que plusieurs de ses machines ont été rouillées à cause de l’arrêt prolongé du travail.

S’adressant à Al-Monitor, Abu Aida a précisé que la crise n’a pas touché les travailleurs de la construction uniquement mais aussi plus de 50 autres professions. Les forgerons, les menuisiers, les plâtriers et les poseurs de carrelage ont eux aussi été négativement affectés par cette crise.

D’après le président de la Fédération Syndicale Générale de Palestine, Sami al-Omsy, ces ouvriers sans emploi augmentent le taux de chômage de la Bande de Gaza à 45%.

Lors d’une manifestation de solidarité organisée par les syndicats le 26 février dernier au niveau du passage frontalier de Rafah, Omsy a souligné au correspondant d’ Al-Monitor présent sur place que le blocus israélien a engendré un niveau de stagnation économique sans précédent. Il a également indiqué que le secteur de la construction était au point mort et que des milliers d’entreprises et d’ateliers industriels sont à présent fermés.

Il a en outre tiré la sonnette d’alarme et averti qu’une crise humanitaire ne saura tarder de s’abattre sur la Bande de Gaza si l’interdiction d’importer le ciment continue. Omsy a tenu à lancer un appel à l’Egypte, l’invitant à contribuer positivement dans le dénouement de cette crise.

De plus, durant la même manifestation de solidarité, Mohamed Fuju, porte-parole du Syndicat des Ingénieurs de Gaza a souligné que près de 30% des sociétés d’engineering dans Gaza ont cessé leurs activités à cause de l’interdiction de faire entrer le ciment dans la Bande. Fuju a également indiqué que le blocus israélien a totalement paralysé le secteur de la construction qui contribue à hauteur de 27% dans le PIB de Gaza.

Abdul-Fattah al-Zeri, directeur général de l’Office de Protection des Consommateurs au sein du Ministère de l’Economie, a déclaré que les autorités de l’occupation avaient l’habitude d’importer seulement 700 tonnes de ciment par jour et ce, avant la découverte du tunnel de contrebande de Ein Hashlosha. Il a précisé que la quantité en question arrivait à peine à satisfaire 20% des besoins des habitants.

Dans un communiqué publié en février sur le site internet du Ministère, Zeri a ajouté que son ministère a ouvert les portes aux citoyens afin qu’ils soumettent des demandes de ciment en fonction de leurs besoins. Il a précisé que le ciment disponible au niveau du ministère a été importé par les tunnels de la frontière égyptienne.

Au sujet de la situation désastreuse dans laquelle gise la Bande, Qassem a commenté : « Alors comme ça, recevoir du ciment requiert désormais un enregistrement et de longues files d’attente ? Dois-je comprendre que pour pouvoir acheter du ciment je dois d’abord justifier mon besoin ? Quelle blague ! »

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* Rasha Abou Jalal est écrivain et journaliste pigiste de Gaz, spécialisée dans les nouvelles politiques, les questions humanitaires et sociales liées à l’actualité.

De la même auteure :

- Gaza : la tempête hivernale a provoqué une catastrophe humanitaire (vidéo) - 22 décembre 2013
- Les cimetières de Gaza entretenus par des enfants - 18 août 2013

3 mars 2014 – Al Monitor – Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/originals/2014/03/cement-blockade-siege-israel-egypt-gaza-construction.html#
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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