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Survivante des bombardements, une mère de sept enfants dénonce les crimes de guerre israéliens

samedi 8 mars 2014 - 07h:07

Nadezhda Kevorkova - RT

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Pour commémorer le cinquième anniversaire de l’Opération Plomb Durci, la campagne militaire israélienne contre la Bande de Gaza, une organisation des femmes palestiniennes a publié un livre qui raconte en détail le deuil de 89 familles palestiniennes ayant perdu des femmes et des enfants durant cette offensive.

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Photo : Reuters/Mohammed Salem

C’est à Ibtisam Saymah, mère fragile de sept enfants et membre de Femmes de Palestine, un groupe des droits de l’homme que revient le plus grand mérite pour la publication de ce livre. Elle a survécu aux bombardements, recueilli des dizaines d’histoires et écrit un livre intitulé Les familles Palestiniennes ciblées par les Sionistes durant la guerre d’Al-Furqan de 2009 [The Zionist Targeting of Palestinian Families during the 2009 Al-Furqan War]. Elle a été plus forte que le cancer qu’elle a eu en raison de l’inhalation des vapeurs de phosphore blanc et d’uranium appauvri que dégageaient les décombres fumants.

Je suis allée à la rencontre de cette mère de famille qui m’a parlé de l’idée du livre : « Au lendemain de la fin de la guerre, nous avons décidé, au sein de [Femmes pour la Palestine] de réaliser un film documentaire sur les familles palestiniennes qui sont ciblées durant la guerre. Lorsque nous avons commencé à interviewer les familles, nous avons constaté que le nombre de ces familles et de leurs martyrs était incommensurable ; c’est alors que nous avons estimé qu’un seul film n’était pas suffisant pour exprimer l’ampleur de la souffrance des Palestiniens au monde entier, jusqu’ici inconscient de ce qui se passe chez nous. J’ai donc pensé qu’il était plus plus ingénieux de rassembler les récits et histoires de chaque famille et de relater chaque moment de la guerre dans un livre. »

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Photo : AFP/Mahmoud Zayyat

Il s’agit donc de la première preuve documentaire du massacre de 22 jours qui a commencé durant les fêtes de Noël, le 27 décembre 2008. Ce qui va suivre est le fruit de 11 mois de travail acharné et le premier rapport en anglais qui détaille les circonstances, les noms et les âges des bébés, des enfants, des adolescents, des femmes et des personnes âgées dont la perte a plongé plus de 89 familles dans le deuil.

Voici quelques récits extraits du livre :

Le premier jour de guerre, Manal Ahmad Daban, 37 ans, a perdu deux de ses filles, Hanan, 15 ans et Jasmin 16 ans, tuées sur le chemin de retour de l’école.

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Ibtisam Saymah. Photo de Nadezhda Kevorkova

Au deuxième jour de la guerre, cinq enfants de la famille Ba’alusha avaient été assassinés. Un missile qui s’est abattu sur une mosquée du camp de réfugiés de Jabalia a tué Tahreer, 18 ans, Ikram, 15 ans, Samar, 13 ans, Dina, 8 ans et Jawaher, 4 ans. Le père de famille, Anwar, 38 ans a été blessé à la tête, leur mère Samira, 35 ans, blessée au visage et leur deux autres filles Samah et Iman, âgées respectivement de 17 et 10 ans ont été blessées aux jambes. Seul Baraa qui avait à peine un mois s’en était sorti sain et sauf.

Le 1er janvier 2009, 16 membres de la famille Rayan ont été tués dans un raid aérien lancé à 14h40 sur la maison familiale située près de la mosquée du camp de réfugiés de Jabalia. Onze des seize tués étaient des enfants âgés entre 1 et 16 ans. Les autres victimes étaient leurs mères et leur père Nizar Rayan, la seule personne ciblée par Israël. Aujourd’hui, il n’y a plus que sa mère et son jeune frère de 22 ans.

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Photo : Reuters/Ammar Awad

Le 3 janvier 2009, 29 membres de la famille Samuni ont été tués par des soldats israéliens dans la communauté de Zaituna. Pendant trois générations, la famille Samuni a entretenu de bonnes relations avec les colons israéliens et aucun membre de cette famille n’a été affilié à quelconque groupe ou parti.

Ils ont été tués à bout portant dans leur maison et dans la cour de la maison pendant qu’ils tentaient de fuir les tirs et d’évacuer les blessés. Ils ont été obligés de se déshabiller et emmenés de force dans des pièces et dans les cours où ils avaient été tués par balles. Tués alors qu’ils étaient sortis des maisons en brandissant un drapeau blanc. Les chars ont ensuite bombardé et mis le feu aux maisons pour ensevelir et effacer les traces de leurs atrocités. Parmi les victimes, il y a avait un bébé qui n’avait pas encore fêté sa première bougie, un autre de deux ans, un enfant de 5 ans, deux autres de 6 ans, un de 9 ans, un de 11 ans, deux de 13 ans, un de 14 ans et une personne âgée de 80 ans.

Ce livre devrait absolument ouvrir les yeux du peuple Américain et Israélien. Le premier parce qu’il ne voit aucun inconvénient à ce que les impôts qu’il paie soient directement destinés à aider Israël, et le second parce qu’il est tenu dans l’ignorance alors que son armée commet les plus abominables des crimes au nom de sa « sécurité ».

Un peuple qui, paradoxalement, éprouve de la fierté et se vante d’être « la seule démocratie au Moyen-Orient » alors qu’il ignore ce que son armée entreprend. L’israélien a accepté le fait que l’information soit classée secrète, que les débats dans les médias soient interdits et que toute personne ne se montrant pas enthousiaste à ce sujet soit appelée antisémite. En conséquent, les israéliens démontrent des opinions axées sur le totalitarisme en soutenant les crimes de guerre perpétrés par leur propre armée, la punition collective des Palestiniens et approuvent les massacres des enfants. Pour rappel, le massacre de 2008 a été approuvé par 94% des citoyens non arabes d’Israël.

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Les survivants de la famille Samuni, derrière eux une affiche de leurs martyrs. Photo : Nadezhda Kevorkova

Selon la propagande israélienne, le nombre des victimes parmi les enfants, les personnes âgées et les femmes a été inventé par les Palestiniens, alors que les frappes menées par les Forces de Défense Israéliennes étaient très précises et ne ciblaient que les terroristes.

Aujourd’hui, ce livre révèle les noms et les circonstances d’une campagne lancée par Israël qui s’est senti « menacé » par des enfants, des femmes et des personnes âgées appartenant à 89 familles Palestiniennes. Ibtisam Saymah avoue avoir commencé à travailler sur son livre dès que la hache de guerre a été enterrée. La démarche s’est avérée un réel défi pour son équipe.

« Il était à la fois difficile et dangereux d’arriver jusqu’à la frontière. Les soldats israéliens n’étaient pas très loin de nous. Ils nous ont interceptés avec nos équipements (caméras et casques). Il faut dire que l’armée israélienne n’avait pas épargné les journalistes pendant cette guerre afin de leur interdire de transmettre la réalité au monde extérieur. Hélas, il y avait beaucoup de martyrs dans les rangs des journalistes. Pendant que nous filmions et interviewions les familles, les avions de guerre israéliens planaient au-dessus de nos têtes. Malgré cela, nous n’avions pas peur car après tout, nous ne sommes pas plus importants et précieux que ceux tombés en martyr pour cette terre, » a souligné Saymah.

La version Arabe du livre a été publiée en 2009, à l’occasion du premier anniversaire des évènements tragiques. Au printemps 2010, lorsque j’ai réussi à me frayer un chemin à l’intérieur d’une Bande de Gaza sous blocus israélien, c’était le premier livre qui parlait de la vie des Palestiniens. Les ruines et les ravages de la guerre m’entouraient de partout et j’ai eu du mal à croire qu’on pouvait réaliser un tel travail de fourmi en rassemblant tous les morceaux et pièces qui constituent à la fin une des histoires les plus déchirantes.

J’ai donc eu la chance de rencontrer l’auteure, Dr Ibtisam Saymah, un personnage atypique et hors du commun. Elle m’a présenté ce livre en m’expliquant combien il était crucial de le traduire en Anglais car c’est dans cette langue que le monde découvrira les secrets et les vérités du massacre de 2008, du siège et des bombardements.

Pour être honnête, l’idée même m’avait parue peu probable. En effet, comment peut-on traduire un livre dans un endroit qui manque des approvisionnements de base comme l’eau, l’électricité et le carburant, qui souffre de pénuries de médicaments, de nourriture et de manière générale, de tous les produits de première nécessité.

En s’associant avec un photographe, un journaliste et un chauffeur de taxi, l’équipe s’est mise en route à travers toutes les villes dévastées de Gaza, défiant la menace constante des chasseurs et des drones israéliens. Maison par maison, tente par tente, hôpital par hôpital, ils firent le tour de la région déchirée par la guerre afin prendre note de tout ce qui se raconte et mémoriser les récits dans un film.

Si vous n’avez jamais été dans la Bande de Gaza, il serait difficile pour vous de comprendre que ce que nous, journalistes, considérons chez nous comme routinier est ici synonyme d’héroïsme.

Prenez n’importe quel truc de base, disons un bloc-notes. Fait de papier gris épais, coupé et relié à la main, les blocs-notes à Gaza ressemblent à un objet préservé du 19ème siècle. En effet, ils ont été faits avec des produits passés en contrebande à travers les tunnels car Israël les considère comme une menace pour sa sécurité. Le même principe s’applique sur les piles, les appareils photo, les vidéos, les stylos, l’essence, l’électricité et l’eau.

Saymah souligne : « Gaza est de plus en plus invivable. Chaque jour, nous nous attendons à une nouvelle guerre. Les avions de guerre israéliens ciblent quotidiennement un immeuble ou un terrain vide ou quelques personnes, surtout pendant la nuit. Ce sont les enfants qui en souffrent le plus. Cette atmosphère effraie la population de Gaza qui, désormais, doit se préparer pour le déclenchement imminent d’une nouvelle guerre. »

Elle a ajouté que la population avait fini par adapter sa vie aux exigences du blocus israélien, néanmoins, depuis que les autorités égyptiennes ont décidé de fermer les tunnels qui avaient l’habitude de fournir les médicaments et la nourriture à la Bande, le siège est devenu plus rude et insupportable.

« Actuellement, c’est tout le monde qui souffre à Gaza, les personnes malades en particulier. Les gens souffrent davantage lorsqu’ils se voient incapables de fournir la nourriture et les médicaments pour leurs enfants. »

Ibtissam et son équipe ont fourni de grands efforts pour enregistrer les noms de ceux qui ont souffert des bombardements. Ce n’est pas aussi simple que cela puisse paraître car souvent, les femmes Musulmanes gardent leur nom de jeune fille. Plusieurs d’entre elles se trouvaient dans différents hôpitaux pour recevoir les soins. Certaines ont eu la chance d’être transférées dans des hôpitaux étrangers, tandis que d’autres ont choisi de se cacher chez des parents.

C’est au milieu des ruines et du blocus que l’équipe a passé plusieurs mois pour analyser les données et entreprendre la constitution d’un catalogue des martyrs de la nation.

Outre son travail sur le livre, Ibtissam est mariée et est mère de sept enfants. Ses parents sont encore en vie. Cela semble incroyable mais elle m’a montré leurs photos. Pendant qu’elle réalisait son travail à la fois laborieux et fatigant, Ibtissam a découvert qu’elle avait le cancer du larynx. Les médecins de Gaza étaient catégoriques : l’uranium appauvri, le phosphore blanc et plusieurs autres armes israéliennes sont les causes principales de cette abominable maladie, et de bien d’autres.

Seulement voilà, Gaza ne dispose pas des équipements nécessaires pour diagnostiquer et traiter ces maladies. Toutefois, Ibtissam a eu la chance de voyager pour se faire soigner dans une clinique à l’étranger, et revenir guérie. Ibtissam ne se séparait jamais de son laptop. Après chaque séance de chimiothérapie, elle allumait son appareil pour poursuivre son travail. Actuellement, elle est en phase de finalisation de son second livre sur la guerre de novembre 2012. Parallèlement, elle mène une étude sur ce que c’est d’être une femme Palestinienne, en retraçant ses histoires depuis 1948.

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* Nadezhda Kevorkova est une correspondante de guerre. Elle a couvert les évènements du printemps Arabes, les conflits militaires et religieux à travers le monde, et le mouvement anti-mondialisation.

17 Février 2014 – Russia Today – Vous pouvez consulter cet article à :
http://rt.com/op-edge/israeli-crime...
Traduction : Info-Palestine.eu - Niha


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