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Délégitimer Israël ?

mardi 21 janvier 2014 - 07h:36

Andrew Levine

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Maintenant que les sabres américains et européens sont rangés, l’armement nucléaire iranien ne semble plus constituer une « menace existentielle ». Nous pouvons remercier la diplomatie russe et iranienne.

Bien sûr, le bruit des sabres israéliens ne s’est pas calmé. La menace portant sur l’existence d’Israël continue à plus ou moins rassembler les citoyens juifs d’Israël ainsi que leurs supporteurs. La bombe iranienne est particulièrement utile, car en étant imaginaire, elle est sans danger tout en restant efficace.

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Commémoration de la Nakba, 15 mai 2011 - Les violences et tortures délibérées pratiquées par les troupes israéliennes d’occupation contre les Palestiniens, sont non seulement tolérées, mais elles ont été de tout temps pratiquées, encouragées et institutionnalisées - Photo : Stoptheviolence.eu

La menace pour l’existence d’Israël fonctionne de façon magique sur l’opinion publique en Occident. Cette menace facilite le soutien diplomatique, militaire et économique à Israël par les gouvernements occidentaux, en particulier le gouvernement des États-Unis d’Amérique.

Bien sûr, ces gouvernements sont enclins à le faire de toute manière, que ce soit pour des raisons politiques ou géostratégiques ; mais l’aide est indispensable et les israéliens ne prendront pas de risque.

Cette menace qui planerait sur Israël permet aussi de garder les dons en provenance de sources juives et chrétiennes évangéliques.

En effet, la grande peur qui règne dans les rangs sionistes est qu’avec la disparition du spectre de la bombe iranienne, ou de son équivalent fonctionnel, la « diaspora » juive ne s’éloigne et que les protestants dispensionalistes [courant théologique basé sur l’attente de l’apocalypse] deviennent moins fervents à dépenser leur temps et leur argent pour hâter la fin des temps, lorsque les juifs qui n’accepteront pas le Christ seront jetés en enfer pour toute l’éternité.

L’amoindrissement de la menace iranienne n’est pas le seul sujet de préoccupation des dirigeants israéliens. Il y a aussi le fait indéniable que la campagne du mouvement BDS de Boycott, Désinvestissement et Sanctions gagne en force aux États-unis. Ce mouvement a encore un long chemin à parcourir mais il est déjà allé assez loin pour inquiéter.

Cependant, tout n’est pas perdu. Le Congrès américain est encore dans la poche d’Israël et le président est toujours faible. « C’est la queue qui fait bouger le chien. »

D’autre part, le programme nucléaire iranien a été gelé et non arrêté. Il peut toujours reprendre. De nombreux pions serviles du Congrès travaillent activement pour l’y pousser.

La perspective reste risquée et Tel Aviv est réticent à juste attendre et espérer. Les Israéliens ne reconnaissent pas la trêve et ont de fait, déployé leur plan B. Comme on peut s’y attendre, ce plan a été accepté avec enthousiasme par ceux qui suivent le leadership israélien.

Le plan B est une stratégie hybride : elle réunit la menace existentielle fabriquée de toutes pièces et une ruse aussi ancienne que familière : vilipender les critiques d’Israël. Déclarer ces critiques antisémites alors qu’elles ne le sont clairement pas, était une méthode efficace dans le passé et elle le reste sans aucun doute, mais le subterfuge souffre de la surexploitation.

Dans son lycée de la banlieue de Philadelphie, Binyamin Netanyahu a du apprendre de son professeur d’histoire que le plus grand président des États-Unis d’Amérique pensait qu’on pouvait effectivement tromper quelques personnes, tout le temps. Mais Honest Abe a oublié de souligner que si vous continuez à tromper de la même manière, encore et encore, le filon des cibles susceptibles d’y croire pourrait s’affaiblir. Netanyahu et ses co-penseurs le découvrent aujourd’hui à leurs dépens.
Il en va de même de leurs âneries à propos de la « haine de soi des juifs ». Qu’est ce qui peut être plus lassant ? Ou encore plus faux ?

Ceci est particulièrement évident maintenant que le mouvement BDS prend de l’ampleur. Aux USA et ailleurs, des juifs progressistes qui ont l’amour de soi ouvrent la voie.

Le mot d’ordre est que la diffamation est insuffisante ; les critiques d’Israël doivent être alors transformées en menaces pour l’existence, un équivalent fonctionnel de la bombe imaginaire iranienne.

Il est important de transmettre efficacement le message. Ainsi, la ligne de conduite actuelle est que certaines critiques d’Israël, celles du mouvement BDS par exemple, ont pour but de « délégitimer » Israël.

Ils ne le réalisent pas encore – certains d’entre eux peuvent même se croire les amis d’Israël – mais « objectivement » (terme qu’adoraient les Staliniens) ce sont les ennemis mortels de l’État juif. Ce n’est pas difficile à vendre, malgré le fait que textuellement, l’affirmation reste confuse et fortement trompeuse. C’est en réalité le but.

* * * *

Les sionistes ont raison de craindre la bombe iranienne, mais pas pour ce qu’ils prétendent. La vérité est que ceci ne met pas en péril la population israélienne mais plutôt la capacité de l’État d’Israël à persécuter et opprimer comme il lui plaît. Leurs raisons de craindre BDS et tout autre mouvement de solidarité sont plus complexes.

Avant l’accord intérimaire du 24 Novembre ayant conduit à un arrêt temporaire – ou peut-être définitif – du programme nucléaire iranien, l’Iran aurait pu développer sa capacité en armements nucléaires au cours des prochaines années. Si le gouvernement iranien l’avait voulu, il aurait pu concocter une arme nucléaire.

La prolifération nucléaire est toujours un problème inquiétant mais ce cas est moins effrayant que la plupart des autres, sauf pour le noyau dur sioniste. Pour le reste d’entre nous, une bombe iranienne ne serait pas une si mauvaise chose. Elle permettra de dissuader Israël de continuer ses agissements envers ses voisins et envers les palestiniens. Cette bombe fonctionnerait comme dans le cas de la puissance nucléaire soviétique qui a permis d’empêcher les USA d’essayer de prendre ouvertement l’Europe de l’Est.

Puisqu’une guerre nucléaire entre Israël et l’Iran résulterait en l’anéantissement des deux protagonistes, elle ne pourra certainement pas constituer une menace physique pour l’existence des peuples vivant actuellement en Israël. L’Iran est peut-être dirigé par des théocrates mais ils ne sont pas suicidaires. Pas plus que ne l’est le peuple iranien.

A cet égard, il y a plus de raisons de s’inquiéter de l’utilisation par l’État d’Israël de ce qu’il appelle l’option Samson, pour faire pleuvoir sur lui et sur son ennemi la mort et la destruction ; si comme le Samson de la bible, il n’aurait plus d’autre alternative que de se rendre.

D’autre part, le mouvement BDS pourra vraiment conduire à des changements qui menaceraient l’État israélien, non pas en le délégitimant mais en changeant profondément sa nature.

Cependant, il serait prématuré à ce stade de croire qu’une telle chose se profile à l’horizon. Les partisans de BDS tout comme les critiques d’Israël constituent un groupe hétéroclite. Leurs buts sont loin d’être bien affirmés.

Certains ne veulent que la fin des décennies d’occupation israélienne de la minuscule portion de la Palestine sous mandat qui est encore officiellement appelée Palestine. D’autres veulent qu’Israël soit un État de citoyens, pas un État confessionnel ou ethnique. D’autres soutiennent la solution à deux États ; d’autres enfin, sont en faveur d’un État bi ou multinational.

Pour tous, le dénominateur commun est moral. Tous ceux qui sont impliqués sont mus par la conscience que les Palestiniens souffrent d’une grave injustice. BDS est un mouvement de solidarité, aligné sur la cause palestinienne. Peut-on vraiment dire que ceci implique de « délégitimer » Israël ? On peut rapidement répondre par la négative. Le mouvement BDS est un coup de fouet moral qui influence l’opinion mondiale. Rien d’autre.

Les mouvements de solidarité ne présentent aucune menace. Même si leurs objectifs sont limpides et leur étendue dépasse ou rivalise avec tout ce que le monde peut connaître, leur efficacité reste limitée.
Pour cette raison, si la Palestine arrive à un accord, ce sera grâce aux efforts palestiniens. Ce fut le cas pour les sud-africains ; c’est toujours la seule voie. Les mouvements de solidarité peuvent aider mais au final, il ne s’agit que d’un soutien moral.

Certes, le rôle des USA dans le maintien de la dominance israélienne et donc la subordination des palestiniens, est historiquement sans précédent. Orienter l’opinion publique américaine vers une direction moins unilatérale serait alors plus qu’utile.

Mais il reste que BDS et tous les mouvements y ressemblant ne peuvent pas faire plus. Seuls les Palestiniens peuvent apporter plus de justice à leur situation. S’ils réussissent, leurs efforts conduiront effectivement à un changement de régime dans l’État israélien.

Les néoconservateurs et les interventionnistes libéraux on fait du « changement de régime » un euphémisme pour les manœuvres impérialistes. Ils ont, avec les dirigeants politiques qui les suivent, terni le concept.

Mais quand la justice exige que les arrangements institutionnels fondamentaux soient remplacés, il n’y a pas de meilleur façon pour décrire ce qui doit être fait. Il est plus que temps de revenir au « changement de régime ».

Est ce que le changement de régime est nécessaire pour que la justice triomphe dans ce qui était la Palestine sous mandat ? Il n’y a pas encore de consensus à ce propos, même pas au sein de mouvements de solidarité tels que BDS. Cependant, la possibilité ne peut être exclue, le statu quo est trop terrible pour écarter d’emblée les solutions radicales.

Pourtant, brouiller cette perspective afin de mieux la faire capoter, est le but de la prétendue « délégitimation ». Peu importe si l’idée ne s’applique pas strictement. Ce faux-fuyant peut être un moyen d’étouffer la possibilité d’un débat sérieux, aussi efficace que sa suppression pure et simple.
Dans ce cas, les sensibilités des concernés rendent les discussions franches et honnêtes sur les questions morales et politiques, particulièrement difficiles. Il importe peu que ces sensibilités soient parfois tendues.

En effet, ce leurre peut être plus qu’un handicap dans de telles circonstances. Comme les mouvements de solidarité avec les Palestiniens tels que BDS prennent forme aux USA et dans d’autres pays occidentaux, il est ainsi urgent de dissiper toute confusion.

La légitimité politique n’était qu’une question philosophique. Cette question reste toujours un problème fondamental de la philosophie. La plupart des autres questions ont été discutées depuis les temps immémoriaux, car elles sont intrinsèquement déconcertantes et éludent les solutions que tout un chacun peut admettre. Elles semblent ainsi présenter un aspect intemporel. Le libre arbitre en est un exemple, ou l’existence de Dieu ou encore la nature du Bien.

Les relations d’autorité ont également existé dans les sociétés humaines depuis les temps préhistoriques. Mais leurs formes et limites ont sensiblement varié et radicalement changé au cours du temps.

Lorsque les relations d’autorité sont en transition ou bien fluctuent, il y a un intérêt considérable à justifier comment certaines personnes peuvent légitimement en commander d’autres. En des temps moins troubles, l’intérêt diminue généralement.

Cependant, les structures institutionnelles fondamentales changent rarement de façon radicale même sur une longue période de temps.

Les ambiguïtés que les relations d’autorité créent aujourd’hui sont ainsi quasiment identiques à celles soulevées par les philosophes, à l’aube de l’ère moderne.

Elles ont émergé suite à deux transformations historiques en cours dans le monde occidental à cette époque : la dissolution des sociétés féodales basées sur des relations d’allégeance et de solidarité sociale, et le développement d’une forme étatique des organisations politiques.

Grâce aux anciens, les individus et leurs intérêts sont devenus le point de départ des idées portant sur la justification des arrangements institutionnels fondamentaux. Grâce à ces derniers, les caractéristiques diffuses des relations d’autorité dans les sociétés traditionnelles ont cédé la place aux structures politiques qui concentrent l’autorité en un point central, l’État.

Il y a près de cent ans, Max Weber a défini l’État comme étant une une organisation institutionnelle qui détient et exerce un monopole par le moyen d’une violence « légitime ». Comment des États ainsi conçus peuvent être justifiés ? Voilà sur quoi porte la question philosophique de la légitimité politique.
La méthode habituelle pour traiter cette question est de la soutenir ou d’assumer certain standard lequel lorsqu’il est satisfait, justifie l’exercice légal de la force coercitive par les agents de l’État et par personne d’autre.

Le standard peut être exigeant. Ainsi, selon Jean-Jacques Rousseau (1712-1778), la légitimité politique impliquerait que les États imposent, de plein droit, la soumission ; seulement si les individus, quand ils sont commandés, continuent quelque part de n’obéir qu’à eux-mêmes.

Ou bien, il peut être facilement satisfait. Selon Thomas Hobbes (1588-1679) il serait simplement question de pouvoir assurer l’ordre civil.

D’après le premier point de vue, il n’existe pas véritablement d’État qui satisfasse l’idéal ; selon le dernier, tous les États existant le font.

Les philosophes politiques libéraux, depuis John Locke (1632-1704) et jusqu’à John Rawls (1921-2002), défendent des positions moins extrêmes. Dans l’ensemble, ils tendent cependant à être plus d’accord avec Hobbes qu’avec Rousseau. Les États actuels ne sont pas à la hauteur à bien des égards, mais leur légitimité fondamentale n’est jamais sérieusement mise en doute.

Les arguments de ces philosophes et des autres à propos de la légitimité politique sont complexes, subtiles et incompatibles sur de nombreux plans. A partir de là, il est clair que l’affirmation selon laquelle les critiques d’Israël cherchent à délégitimer l’État israélien ne peut être soutenue, pas si la légitimité politique est comprise de façon traditionnelle.

Cependant, le temps où les philosophes monopolisaient les discussions sur la légitimité politique est révolu. Il y a environ un siècle, les approches philosophiques ont coexisté et les ententes étaient axées sur les causes au lieu des raisons en faisant appel aux sciences sociales et la psychologie au lieu de la philosophie morale.

L’existence de Dieu est une autre question philosophique vénérable qu’on peut approcher de cette façon : on peut se demander s’il existe des raisons rationnelles et incontestables de croire en Dieu, ou
si on peut chercher à savoir pourquoi des personnes y croient (ou pas) réellement.

Bien sûr, les raisons peuvent aussi être les causes ; quelqu’un qui pense qu’il y a des raisons de croire en Dieu pourrait croire pour ces raisons. Cependant, c’est rarement - voire jamais - le cas, et ce n’est pas seulement parce que les raisons incontestables ne sont pas vérifiables.

Les raisons non - ou extra - rationnelles pour croire dans la légitimité des relations d’autorité sont à l’évidence plus difficiles à vaincre que celles qui prédisposent les gens à croire en Dieu.

Indépendamment de ce que pensent les gens des considérations philosophiques à propos de la légitimité politique, certaines personnes de tout temps, et probablement tout le monde quelques fois, croient -ou agissent comme s’il croyaient- que les relations d’autorité qui existent sont justifiées.

Les vrais anarchistes mis à part, nous sommes tous plus susceptibles d’obéir aux ordres provenant de la police que ceux des civils, et ce n’est pas parce que nous craignons la force répressive de l’État.

Tenir compte de tels phénomènes - et plus généralement du comportement politique dans le monde réel - est l’affaire des sciences sociales non des philosophes.

Ceux qui parlent aujourd’hui de la légitimité des nations en se référant à la politique internationale ou mondiale font un grand écart. Toutefois, leur approche s’accorde plus avec les sciences sociales qu’avec la philosophie.

Il pourrait en être autrement. Quand les institutions d’État ont vu le jour, la politique concernait principalement la coordination des comportements des individus dans des territoires définis géographiquement. C’est ce qui a conduit aux ambiguïtés auxquelles les théories philosophiques de la légitimité politique ont voulu répondre.

Même avec ces questions non encore résolues, la structure d’État de l’organisation politique a été effectivement prise en charge lorsque la formation de l’État a eu lieu dans les régions les plus développées d’Europe, en Amérique, en Australie et en Nouvelle Zélande.

Ce sont des acquis du 20ème siècle : avec la naissance de nouveaux États sur les anciennes terres des empires d’Eurasie après la première guerre mondiale, puis ceux « taillés » dans les colonies outre-mer de l’Europe impériale après la seconde guerre mondiale.

Les vieilles questions restent philosophiquement prolifiques mais leur poids sur la réalité politique est aujourd’hui infime, au mieux.

En même temps, de nouveaux modes de construction de l’État ont soulevé de nouvelles questions et incertitudes touchant plus directement le sujet de l’actualité politique.

Ces ambiguïtés semblent motiver des réflexions philosophiques aussi originales et importantes que celles qui accompagnaient l’avènement de l’État-nation, des siècles plus tôt. Mais, soit elles ne sont pas sensibles au traitement philosophique ou bien les penseurs ne sont pas à la hauteur de la tâche.

Quelle que soit la raison, les réflexions philosophiques sur la légitimité politique restent concentrées sur les problèmes qui ont engagé les philosophes au 17ème et 18ème siècles, alors que les problèmes relatifs aux nouveaux États et aux questions inter-États qu’ils soulèvent, relèvent essentiellement de la compétence des politologues et des juristes internationaux.

Ainsi de l’avis général, les États sont légitimes quand la communauté internationale ou une part importante de cette communauté, déclarent qu’ils le sont.

C’est comme de dire que Dieu existe si les gens croient en Dieu. C’est difficilement acceptable d’un point de vue philosophique, mais les choses sont ainsi.

Israël est ainsi devenu aussi légitime que peut l’être un État ; quand les autres pays, les USA, et en premier lieu, l’Union soviétique lui ont accordé leur reconnaissance diplomatique. Les autres États leur ont ensuite emboîté le pas et Israël fut accueilli au sein des Nations-Unis.

Il existe encore des États, principalement dans le monde musulman qui, jusqu’à ce jour, refusent de reconnaître Israël. Sur le plan diplomatique, ils sont dans le déni tout comme l’étaient les américains lorsqu’ils refusaient de reconnaître la république populaire de Chine et ce pendant près de 30 ans après la révolution chinoise.

Parce que la Grande-Bretagne a gouverné la Palestine sous un mandat hérité de la ligue des nation, l’assemblée générale des Nations-Unies devrait accepter sa partition ? Le véritable accord est vite devenu caduque par les événements lorsque Israël et les États arabes qui l’entourent sont entrés en guerre, mais l’approbation des Nation-Unies, et son acceptation subséquente des frontières établies à la fin des hostilités, reconnaissent à Israël une légitimité internationale comme à n’importe quel autre État dans le monde.

Les quatre décennies d’occupation par Israël, de la partie de la Palestine sous mandat qui n’était pas sous son contrôle après 1948 soulèvent de sérieux problèmes politiques et légaux. Ses colonies et annexions dans les territoires palestiniens sont particulièrement problématiques.

Mais bien que beaucoup de monde s’oppose à ce que cette occupation se poursuive, personne ne propose de révoquer la légitimité d’Israël. Il n’est même pas possible de voir comme ce serait réalisable sur un plan légal ou de pratique politique.

Bien sûr, si Israël est littéralement « rayé de la carte » - par une arme nucléaire ou suite à une guerre traditionnelle – il cessera alors d’exister. Dans ce cas, il ne pourra pas exister légitimement car il aura cessé complètement d’exister. Mais il n’aura pas été « délégitimé » (sauf indirectement).

De telles choses n’arrivent cependant pas dans le monde réel, et il est inconcevable qu’Israël, un État possédant l’armement nucléaire - jusqu’aux dents - fasse une exception à la règle.

La légitimation existe ; la dé-légitimation ne peut pas se produire.

Ainsi, de nouveaux États sont typiquement créés par séparation d’États qui existent déjà. Le Sud Soudan est un exemple tout récent ; il faisait partie du Soudan.

Au moment de la scission, la légitimité de l’État soudanais n’a pas été mise en cause. Il a été réduit car la majorité a fait sécession, et parce que les séparatistes ont été reconnus sur le plan international.

Ce fut le cas de l’ex-Union Soviétique, lorsqu’il y a eu rupture entre les différentes composantes, l’Union Soviétique a cessé d’exister. Mais elle n’a pas été délégitimée à proprement parler, c’est par sa dissolution qu’elle a cessé d’exister.

Il y a de pires façons de disparaître, pour les États. Théoriquement (du moins), ils peuvent décliner à un tel point qu’ils ne sont plus capables d’établir l’ordre dans les territoires qu’ils dirigent nommément. C’est ainsi qu’ils deviennent des États manqués.

Incontestablement, ces États ratés ne respectent même pas le critère de Hobbes concernant la légitimité politique. On peut dire que ce sont des États qui se sont délégitimés eux-mêmes. C’est la seule façon d’imaginer qu’un État encore présent, puisse cesser d’exister, car il n’est plus légitime.
Cependant, dans le monde réel, ceci n’est jamais arrivé de façon définitive ou irrémédiable, ni en Somalie, ni dans ce qu’on appelle les zones tribales en Afghanistan, ni nulle part ailleurs. Le risque pour qu’Israël, une démocratie de type Herrenvolk qui fonctionne bien, devienne le premier exemple, est nul.

La seule façon pour qu’un État disparaisse réellement de la « carte » est que ceux qui le composent déclarent leur indépendance et se reconstituent en États indépendants et légitimes de plein droit.
Encore une fois, c’est ce qui s’est passé pour l’ex-Union Soviétique et l’ex-Yougoslavie.

La légitimité de ces anciens États n’a jamais été mise en cause. Ce qui s’est plutôt passé c’est juste que de nouveaux États ont gagné la reconnaissance internationale qui implique la légitimité.

De façon similaire, la révolution américaine a conduit à la légitimation des États-Unis d’Amérique,
mais n’a pas délégitimé le régime colonial qui l’a précédé. Ils ont connu une profonde transformation, une réorganisation structurale ; mais il n’y a eu nullement ce qui ressemblerait à une dé-légitimation.

De même, la révolution française et les révolutions qui l’ont suivie n’ont pas délégitimé les nations où elles ont eu lieu ; elles ont remplacé les anciens régimes par de nouveaux. Ce qui est tout autre chose.

Nier ou occulter cette distinction ne sert qu’à dissimuler la différence entre changer les choses pour le meilleur et laisser la place à un nihilisme hostile et irrationnel.

C’est ce qu’Israël veut faire croire au monde à propos de l’Iran avec sa bombe non-existante et à propos des campagnes BDS de solidarité.

Souvent, les mouvements de solidarité font face à des forces qui soutiennent les changements de régime. Ce fut clairement le cas des mouvements qui ont soutenu les combats anticolonialistes après la seconde guerre mondiale et qui ont aussi soutenu les efforts populaires pour renverser les dictatures fascistes ou autoritaires (quasi-fascistes) en Espagne, en Grèce, au Chili, au Portugal, en Argentine et ailleurs dans le monde.

Dans un registre différent, ce fut égalent l’objectif des groupes d’émigrés dans les pays occidentaux qui faisaient face aux mouvements d’indépendance ethniques ou nationalistes en Europe de l’Est et dans l’ex-Union Soviétique.

Le combat sud-africain anti-apartheid portait aussi sur le changement de régime.

Parce que les forces combattant l’apartheid ont clairement défini leurs objectifs, les mouvements de solidarité qui les soutenaient ont emboîté le pas.

Comme vous pouvez l’observer, ce n’est pas le cas au sein du mouvement BDS. Un grand nombre de ses supporteurs sont plus intéressés par le changement politique que par le changement de régime.
Cependant, certains d’entre eux envisagent un État dans les frontières actuelles d’Israël ou dans l’ensemble de la Palestine sous mandat, dont la distribution est très différente de l’actuelle situation.

La langue hébraïque continuera d’exister ainsi que les traditions culturelles distinctes comme il est admis sous les conditions politiques actuelles. Mais, il s’agira d’un État pour des citoyens et non un État confessionnel ou ethnique. Ceci conduira effectivement à un changement de régime ; la démocratie Herrenvolk deviendra une démocratie tout court.

Le changement sera radical en comparaison par exemple au cas de l’Afrique du Sud. Les juifs israéliens n’auront pas à changer grand chose. Mais leur État ne sera plus un État juif.
Peut-on alors parler de menace sur l’existence ? Si la réponse est positive alors la menace est inoffensive.

Le changement de régime menace l’existence de l’idée sioniste ou plutôt de la compréhension prédominante de cette idée, et non pas les réalisations culturelles positives connues sous le règne de cette idéologie, il ne menace sûrement pas l’existence physique des peuples vivant en Israël.

* Andrew Levine est chercheur à l’Institut des Études Politiques, auteur des récents « the american ideology (Routledge) » et « political key words (Blackwell) » ainsi que de nombreux autres livres et articles dans le domaine de la philosophie politique.
Son dernier livre est « In Bad Faith : What’s Wrong With the Opium of the People ». Il était professeur de philosophie à l’université de Wisconsin-Madison et professeur chercheur (philosophie) à l’université de Mayland-College Park. Il a contribué à « Hopeless : Barack Obama and the Politics of Illusion » (AK Press).

3 janvier 2014 - CounterPunch - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.counterpunch.org/2014/01...
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