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Vers une guerre Hezbollah/Palestiniens au Liban ?

dimanche 19 janvier 2014 - 07h:34

Franklin Lamb

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Il semble que la direction du régime sioniste qui occupe toujours la Palestine, six décennies après la Nakba de 1948, se frotte les mains devant la montée actuelle des tensions entre la résistance palestinienne et son rejeton historique - à certains égards - le Hezbollah.

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Créé en 1948 pour accueillir 10.000 personnes, le camp de Ain el-Helweh (Sidon) est maintenant le plus grand camp de réfugiés palestiniens au Liban avec 80.000 personnes, plus 2.400 familles palestiniennes et syriennes arrivées ces 6 derniers mois. (Aurélie Lachant/MSF)


Camp de Ain el-Helweh, Liban
– De Tel Aviv à Amman, Riyad, les royaumes du Golfe, en passant par Washington et plus loin, les forces alliées contre [l’axe] Téhéran-Damas-Hezbollah-Résistance palestinienne travaillent déjà sur un nouveau projet en espérant les détruire tous les quatre.

Ce ne sera pas aisé, mais ce serait un élément-clé pour les forces anti-résistance qui recherchent toujours un changement de régime en Syrie. Même si certains de ces gouvernements ont réduit publiquement leur objectif central - le changement de régime. Ces mêmes gouvernements semblent avoir pour fantasme qu’en renforçant l’armée libanaise avec trois millions de dollars engagés par Riyad, leurs troupes vont affronter le Hezbollah dans le cadre d’un projet de longue haleine, dans le style « battez-les ou saignez-les ».

Patrick Cockburn écrivait il y a peu dans The Independant et CounterPunch une formule résumant bien la situation : « La propagande de haine anti-chiite diffusée par des personnages religieux financés par (ou basés en) Arabie saoudite et aux Emirats du Golfe, fournit les ingrédients pour une guerre civile sectaire engloutissant tout le monde musulman.

La pression exercée sur les Palestiniens et le Hezbollah afin qu’ils s’affrontent a augmenté ces deux derniers mois dans les camps du Liban et en particulier ceux des centres de pouvoir local sunnite et chrétien. Tout cela s’ajoute au soutien durable à divers groupes « milices du mois » qui terrorisent la population de la République arabe syrienne, tout en enfermant sans nourriture ni soins médicaux les 17.000 réfugiés palestiniens restant (sur une population de 250.000 en mars 2011) au camp de Yarmouk à Damas.

Ce n’est pas pour dire qu’il n’existe pas de tensions durables et parfois de longue durée entre un petit pourcentage des Palestiniens au Liban et certains du Hezbollah et ses alliés : le Mouvement AMAL et le Courant Patriotique Libre (CPL), la milice de Michel Aoun. C’est ce dernier qui est parmi les plus anti-Palestiniens des seigneurs de guerre chrétiens : certains du Hezbollah et des factions palestiniennes les accusent nommément de faire pression pour empêcher le droit au travail et à l’acquisition foncière pour les Palestiniens du Liban. Quant à AMAL, la milice chiite solidaire du Hezbollah, elle est censée avoir tué plus de Palestiniens au Liban pendant les massacres de 1985-88 dans les camps (il serait mal venu d’appeler cela des « guerres », puisque les camps étaient fondamentalement sans défense) que ne l’ont fait les sionistes durant les 60 dernières années.

Aujourd’hui, beaucoup de Palestiniens sont ulcérés devant les affiches du leader de longue date d’AMAL placardées à l’extérieur de Shatila et d’autres camps, alors qu’il est universellement méprisé par les Palestiniens au Liban pour avoir donné l’ordre de massacrer tant d’entre eux.

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Affiche à Beyrouth : Nabih Berri (Amal), Michel Aoun (CPL) et Hassan Nasrallah (Hezbollah).

Les tentatives de retirer des camps palestiniens ces affiches-portraits considérées comme une provocation par d’aucuns, comportent le risque d’une confrontation avec sa milice armée qui occupe des parties de Shatila. Les populations sunnites et chiites dans les camps coexistent largement, en une juxtaposition tendue mais généralement pacifique avec les réfugiés de Syrie. Mais la qualité des relations n’est plus celle qui prévalait avant la crise syrienne et l’implication là-bas du Hezbollah.

« Le Hezbollah n’a pas fait grand-chose pour les Palestiniens réfugiés des camps »

Le Hezbollah a aussi plusieurs raisons de s’interroger sur le soutien palestinien au Front de la résistance nationale libanaise (FRNL) que mène le « Parti de Dieu ». Il serait prouvé que des Palestiniens soutiennent individuellement des milices et des partis politiques anti-Hezbollah au Liban, et des responsables du camp admettent que certains Palestiniens individuellement vont régulièrement en Syrie pour lutter contre le régime Assad.

Ceux qui sont proches du Hezbollah prétendent que beaucoup de Palestiniens n’apprécient pas que l’organisation soit le principal supporter de la cause du Retour en Palestine et manquent de gratitude envers le Hezbollah. Leurs objecteurs rétorquent que hélas le Hezbollah n’a pas fait grand-chose pour les Palestiniens vivant dans les camps et qu’il a jusqu’à présent refusé de se servir de son pouvoir politique pour contraindre le Liban à se conformer au droit international et à leur garantir les droits civiques fondamentaux, y compris le droit de travailler et de devenir propriétaires d’une maison.

Dans ce contexte, le dirigeant du Front Al-Nusra, Abou Mohammed al-Jawlani, dit que l’organisation liée à Al-Qaïda est active sur le sol libanais afin d’aider les sunnites, y compris les Palestiniens, à affronter « l’injustice » du Hezbollah chiite. « Les sunnites au Liban demandent que les moudjahidins interviennent pour abolir l’injustice dont ils souffrent entre les mains du Hezbollah et de milices similaires », a dit Jawlani récemment dans une interview à Al-Jazeera.

Les zones peuplées de chiites au Liban ont été la cible d’attaques terroristes depuis que le Hezbollah a déclaré, en mai dernier, qu’il luttait aux côtés du régime syrien. Trois voitures piégées ont visé le sud de Beyrouth ces derniers mois tandis qu’un certain nombre d’attaques IED [engins explosifs improvisés] ont eu lieu dans la vallée de la Bekaa libanaise.

Le 8 janvier dernier, Sheikh Jamal Khattab, chef du Mouvement jihadiste islamique dans les camps de Ain al-Helweh, a exprimé sa crainte d’une possible confrontation armée sectaire entre Hezbollah et réfugiés palestiniens au Liban si le parti ne corrigeait pas sa politique intérieure et en Syrie. Sheikh Khattab a déclaré au Beyrouth Daily Star que tout combat entre Palestiniens et Hezbollah serait plus grave que les trois années de violences entre les milices AMAL et les Palestiniens dans les années ’80, connues sous le nom de « guerre des camps » (en fait : massacres).

Ce conflit où des forces majoritairement chiites ont attaqué des sunnites ne fut pas considéré comme particulièrement sectaire et le Hezbollah contribua à y mettre fin et à protéger la population civile palestinienne, presque entièrement sunnite. Aujourd’hui ce serait une guerre sunnites-contre-chiites avec des conséquences régionales et internationales, vu les changements radicaux des relations sectaires depuis l’invasion de l’Irak en 2003.

A Ain al-Helweh et dans d’autres camps, on est en train d’exposer un peu partout des photos d’hommes locaux tués en combattant aux côtés des rebelles syriens ou contre des troupes US en Irak. Des sources de la sécurité libanaise prétendent que des groupes islamiques palestiniens à Ain al-Helweh, en particulier Usbat al-Ansar, Jund al-Sham, Fatah al-Islam, d’autres groupes salafistes et des partisans du fugitif controversé Sheikh Ahmad al-Assir ont tous finalisé leurs préparatifs pour défendre Sidon contre toute attaque de « brigades de la résistance », alliés bien organisés et entraînés du Hezbollah.

Des rumeurs circulent sur le financement de ces groupes par certains des 6 pays du Conseil de coopération du Golfe (CGC) et par certains partis libanais pro-occidentaux de l’Alliance du 14 mars. Ces groupes et certains de leurs bailleurs de fonds estiment que le Liban est mûr pour une guerre élargie contre les « infidèles chiites » et ont des plans pour l’introduire ici. Plusieurs groupes actuellement en lutte en Syrie disent vouloir une guerre au sens large « contre les infidèles chiites » et promettent d’exporter la guerre chiites-sunnites ici.

Soupçons contre les Palestiniens

Le Comité de suivi palestinien, l’OLP, le Fatah et les Forces de sécurité nationales palestiniennes ont tous vigoureusement condamné comme infondées et irresponsables les accusations à l’encontre du camp de réfugiés de Ain el-Hilweh après l’assassinat de l’ex-ministre des Finances et ancien conseiller du Premier Ministre Saad Hariri, Mohammed Shatah.

Par ailleurs le harcèlement contre des passants près du camp de Ain el Helweh évoque l’emprise serrée que l’armée continue de maintenir sur Nahr al Bared, près de Tripoli dans le nord du Liban. Ayant interrogé des résidents de Ain el-Helweh, il est clair qu’il y a là des partisans de l’État islamique d’Irak et du Levant (ISIS), du front al-Nusra, d’Al-aïda et des brigades Abdullah Azzam notamment. Mais on trouve les mêmes dans tout le Liban, en particulier dans les zones sunnites.

Les autorités disent qu’elles ne peuvent empêcher personne de rejoindre les combattants en Syrie, mais que tous les groupes palestiniens au Liban, en Syrie et ailleurs ont toujours maintenu leur politique de non-ingérence dans la crise syrienne. Cependant certains Palestiniens factieux ou résidents islamiques du camp critiquent le soutien armé du Hezbollah au président syrien Assad.

Certains groupes pro-Hezbollah ainsi que beaucoup de citoyens libanais, quant à eux, soupçonnent les Palestiniens d’être impliqués dans les récents attentats terroristes à Dahiyeh et le récent bombardement de l’ambassade iranienne. En fait, l’un des deux kamikaze qui ont attaqué l’ambassade d’Iran le 17 novembre 2013 était un Palestinien nommé Mouin Abou Dahr. Sa mère est chiite et son père sunnite. Ces jours-ci Ain al-Hilweh est aussi sous les projecteurs en raison de l’arrestation de Majid al-Majid, le chef des brigades Abdullah Azzam inféodées à Al- Qaïda. Majid aurait vécu à Ain al-Hilweh depuis 2012.

Israël et ses nouveaux et anciens alliés recherchent une guerre sunnites-chiites et le plus tôt sera le mieux. Ils favorisent également la continuation de la crise syrienne car ils considèrent que le Hezbollah dilapide certains de ses meilleurs combattants et commandants ainsi que leurs stocks d’armement. Les diplomates occidentaux ont parlé des espoirs israélo-étatsuniens que la Syrie devienne le talon d’Achille du Hezbollah et le Vietnam de l’Iran. Entre-temps les médias israéliens ont commenté les opinions de certains responsables qui affirment que le Hezbollah a tourné son attention vers la Syrie et s’est détourné du front méridional avec la Palestine occupée.

L’avenir nous le dira

Le Hezbollah pour sa part maintient qu’en défendant le Liban et en combattant les « terroristes takferis » [apostats], il n’utilise que 5 % de sa capacité de confrontation avec Israël. Une source proche de la Résistance rapporte que « le Hezbollah est autosuffisant en matière de missiles, d’armes stratégiques et non-stratégiques. Toutes ces armes abondent. Tout équipement supplémentaire constituera un facteur négatif parce que non nécessaire. Toutes les armes fabriquées en Iran ou que possèdent la Syrie sont également disponibles pour le Hezbollah. Les forces terrestres et les forces spéciales combattant en Syrie ont acquis une grande expérience de la pratique et du renseignement ainsi qu’une force de manœuvre sur le terrain. Cette expérience sera utile quand la guerre contre Israël reprendra ».

Les sunnites et les chiites tout comme les Palestiniens et le Hezbollah ont besoin les uns des autres pour bien des raisons, notamment pour affronter l’islamophobie croissante, la propagande de haine anti-arabe et l’aggravation de l’occupation et de l’apartheid en Palestine.

Tous doivent travailler pour réduire leurs différends publics et privés tout en œuvrant à neutraliser les provocateurs tant sunnites que chiites, qu’il soient de l’intérieur, régionaux ou internationaux, et qui cherchent à les affaiblir par une violence fratricide et sectaire.

* Franklin Lamb Professeur de droit et ancien Conseiller juridique auprès du Congrès US, il est actuellement chercheur à l’Université de Beyrouth. Il dirige « Americans Concerned for Middle East Peace », Beyrouth-Washington, est membre de la Fondation Sabra Shatila, et volontaire dans la campagne pour les droits civils palestiniens. Il est l’auteur de The Price We Pay : A Quarter-Century of Israel’s Use of American Weapons Against Civilians in Lebanon. Son dernier ouvrage : The Case for Palestinian Civil Rights in Lebanon. Il peut être joint c/o fplamb@gmail.com. Son site : http://www.eurasiareview.com/author....

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11 janvier 2014 - CounterPunch - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.counterpunch.org/2014/01...
Traduction : Info-Palestine - AMM


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