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Villages bédouins détruits … tout comme les espoirs d’un accord de paix en Palestine

mercredi 18 décembre 2013 - 06h:15

Jonathan Cook

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Tandis que les Etats-Unis lancent et relancent la navette à la recherche d’une formule de paix qui mettrait fin au conflit israélo-palestinien, un problème supposé réglé depuis des décennies redevient d’une brûlante actualité.

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Le Sheikh Siyakh al-Turi, chef du village al-Araqib dont les Bédouins sont propriétaires légaux depuis l’ère ottomane, démoli, rasé puis reconstruit 62 fois (Elo B)

Le mois dernier, en ce qui fut baptisé le « Jour de la colère », des milliers de Palestiniens sont descendus dans la rue pour protester contre un plan visant à déraciner des dizaines de milliers de Bédouins de leurs terres ancestrales à l’intérieur d’Israël, dans le Néguev.

Les affrontements entre la police israélienne et la nombreuse minorité palestinienne sont les pires qui aient eu lieu depuis le début de la deuxième intifada, il y a 13 ans, la police ayant recours aux matraques, grenades incapacitantes, canons à eau et arrestations musclées pour dissuader de futurs manifestants.

Le gouvernement tient à ce que les Bédouins soient « concentrés » ...

La situation ne peut qu’empirer. Ce « Plan Prawer », bâclé au Parlement, autorisera la destruction de plus de 30 villages bédouins, et relogera les habitants dans des cités défavorisées et surpeuplées. Construites il y a des dizaines d’années, ces réserves urbaines dépérissent au plus bas de l’échelle sociale et économique.

Les dirigeants bédouins, qui ont été ignorés dans l’élaboration du plan, disent qu’ils vont s’y opposer jusqu’à la dernière extrémité. Les villages, traités comme illégaux par l’état, sont les derniers lieux où les Bédouins se cramponnent à leurs terres et à leur vie pastorale.

Mais le gouvernement tient toujours à ce que les Bédouins soient « concentrés » - terme ô combien révélateur utilisé par Benny Begin, un ancien ministre qui a aidé à formuler le plan. A la place des villages, une poignée de villes juives seront construites.
Les enjeux sont élevés, notamment parce que Israël voit cette bataille comme une continuation de la « guerre » de 1948 qui établit un état juif sur les ruines de la Palestine.

Avigdor Lieberman, ministre des Affaires Etrangères, arguait la semaine dernière que la lutte pour le Néguev prouve que « rien n’a changé depuis le temps des tours et des murailles » - une allusion aux avant-postes lourdement fortifiés que les sionistes ont construit en toute agressivité dans les années ’30 en vue d’évincer les Palestiniens de la terre qu’il cultivaient depuis des siècles.

Ces postes avancés sont ensuite devenus les communautés rurales assoiffées de terres qui ont donné à l’état juif son épine dorsale territoriale.

L’idée de M. Lieberman reflète la position du gouvernement :

« Nous luttons pour les terres du peuple juif, contre ceux qui ont l’intention de les voler et de les accaparer »

Le fait que les Bédouins sont catalogués comme « squatteurs » et « intrus » [coupables de violation de propriété] en dit long sur l’intransigeance qui règne dans le conflit. Aussi les Américains n’ont-ils aucune chance d’y mettre un terme aussi longtemps qu’ils rechercheront des solutions qui visent uniquement les injustices entraînées par l’occupation mise en place en 1967.

En réalité, Israël aussi bien que les Palestiniens comprennent que la guerre de 1948 ne s’est jamais vraiment terminée.

Souhad Bishara, une avocate spécialisée dans les questions de droit foncier en Israël, a qualifié le Plan Prawer de « seconde Naqba », se référant aux événements catastrophiques de 1948 qui dépouillèrent les Palestiniens de leur terre natale.

Entre-temps, Israël continue de penser ses 1.500.000 citoyens palestiniens – bien que pacifiques – comme s’ils n’étaient que des étrangers menaçant ses intérêts, tout comme les Palestiniens dans les territoires occupés.

Un des premiers principes du sionisme : la « judaïsation »

Les racines du Plan Prawer sont nourries par un des premiers principes du sionisme : la « judaïsation ». Il y a des villes, partout en Israël, notamment Nazareth Illit, Karmiel et Migdal Haemek, qui ont été fondées au titre de communautés de judaïsation, à proximité des larges populations palestiniennes dans le but officiel de « rendre la terre juive ».

La fausse prémisse de la judaïsation, dans les années précédant la création de l’état, c’est le fantasme que la Palestine était « un pays sans peuple pour un peuple sans pays ». Son sinistre corollaire fut la joyeuse injonction faite aux pionniers sionistes de « faire fleurir le désert » - essentiellement en chassant les Palestiniens.

De nos jours, le terme « judaïsation », avec ses relents déplaisants, a été discrédité au profit du terme « développement ».

Il y a même un ministre pour « développer le Néguev et la Galilée » - les deux régions d’Israël ayant de larges concentrations palestiniennes. Mais les autorités ne s’intéressent qu’au seul développement juif.

La semaine dernière, à la suite des affrontements, le quotidien israélien Haaretz publiait des documents fuités montrant que l’Organisation Sioniste Mondiale – un bras officieux du gouvernement – avait tranquillement relancé le programme de judaïsation de la Galilée.

Afin d’amener 100.000 juifs de plus dans la région, plusieurs nouvelles villes devront être construites, réservées aux juifs, et elles seraient dispersés aussi largement que possible, en infraction au plan directeur même d’Israël, qui exige que la densité des constructions se trouve au sein des communautés existantes afin de protéger la rareté des ressources foncières.

Toute cette générosité envers la population juive d’Israël est aux dépens des citoyens palestiniens du pays. On ne leur a pas autorisé un seul nouveau quartier depuis la fondation d’Israël, il y a plus de six décennies. Et les nouvelles villes juives, comme le dénonçaient les maires arabes la semaine dernière, sont construites intentionnellement de manière à les enclaver.

Israël ne parle jamais d’intégration ni même d’assimilation

Pour les autorités, le renouveau de la judaïsation est destiné à réaffirmer la « souveraineté israélienne » et à « renforcer notre emprise » sur la Galilée, comme si les habitants actuels – des citoyens israéliens qui sont palestiniens – étaient un groupe d’étrangers hostiles. Plus honnêtement, Haaretz a défini cette politique comme étant du « racisme ».

La judaïsation fige le conflit entre Israéliens et Palestiniens en termes de « gagnants-perdants », ce qui le rend insoluble. Considérant ses citoyens palestiniens, Israël ne parle pas d’intégration ni même d’assimilation mais de leur statut durable de « cinquième colonne », de « talon d’Achille » de l’état juif.

C’est parce que, si jamais les principes de justice et d’égalité étaient un jour imposés, les Palestiniens en Israël pourraient servir de porte ouverte par laquelle des millions de Palestiniens en exil pourraient retrouver le chemin de chez eux.

Si la politique de judaïsation était révoquée, la minorité palestinienne pourrait mettre fin au conflit sans violence, simplement en faisant tomber cet échafaudage de lois racistes qui ont bloqué tout retour aux Palestiniens depuis leur expulsion il y a 65 ans.

C’est pour cela que le premier Ministre Benjamin Netanyahou exige que dans les actuelles négociations de paix, les Palestiniens sacralisent le principe de la judaïsation en reconnaissant Israël comme un état juif. C’est également pour cette raison que les pourparlers sont voués à l’échec.

* Jonathan Cook a remporté le prix spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont “Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East” (Pluto Press) et “Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair” (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.

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12 décembre 2013 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinechronicle.com/a...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert


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