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Ramzy Baroud en visite à Lausanne - Impressions

dimanche 15 décembre 2013 - 06h:33

Aman

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Lausanne, 6 décembre 2013 - Une belle soirée aujourd’hui : j’ai eu l’occasion d’assister à la conférence donnée par Ramzy Baroud, le journaliste palestino-américain, écrivain et militant des droits de l’homme d’origine gazaouie, dont je suis en train de lire le livre, « Résistant en Palestine – une histoire vraie de Gaza ».

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Ramzy Baroud - Photo : B. Cope

Un communicateur doué, pourtant un homme très humble à la voix douce, M. Baroud est accompagné dans sa tournée de l’Europe francophone (ce bout de la Suisse plus la Belgique, le Luxembourg et la France), par le traducteur de ses livres, M. Claude Zurbach.

Je note vite quelques points que je préfère ne pas oublier :

- En tant que militants solidaires de la Palestine, il est très important d’aller au-delà des stéréotypes habituels (« partisans nobles », « le peuple le plus opprimé », « victimes de crise humanitaire ») et faire la connaissance du peuple et de son histoire individuelle – si on veut avoir une quelconque chance de lui fournir le genre de soutien dont ils ont besoin

- Il a parlé de son père et comment sa vie et sa personnalité se trouvaient reflétées dans celles de Gaza : son père a vécu et s’est battu pour la liberté – comme Gaza, son père est mort en exil de son village bien-aimé – tout comme autant de réfugiés et descendants de réfugiés des 513 villages de la Palestine historique, son père était complexe – et Gaza peut des fois s’avérer très étrange.

- Son père se croyait communiste, mais Ramzy Baroud n’y croit pas trop. Il (donc, son père) priait cinq fois par jour et parlait du prolétariat et de « modes de production » - tandis que Gaza n’a point de production. Modes ! S’il voyait une manifestation Fatah passer dans la rue, il s’enroulait dans le keffiyeh noir-et-blanc du Fatah et les rejoignait. Si le PFLP organisait une contre-manif, il changeait de keffiyeh pour le rejoindre, eux. Et en 2006, il a voté pour le Hamas. C’est cette complexité et cette incohérence apparente qu’il nous faut assimiler et comprendre et M Ramzy considère son travail comme un moyen de donner la voix à ces Palestiniens individuels, sinon anonymes, qui ont fait l’histoire de son peuple, une plateforme d’où l’on pourrait les entendre et qui rend difficile la besogne des grands médias qui essayent de les assimiler tous aux stéréotypes les plus commodes.

- On ne peut pas nier les divisions chez les Palestiniens, tout autant que le fait que leur cas n’est pas unique parmi les mouvements de libération : même la puissante résistance à l’apartheid en Afrique du Sud avait sa part de divisions qui se sont même manifestées en assassinats entre factions rivales. Mais une fois que Mandela est sorti de la prison, une décision a été prise d’enterrer tout ça, de se réunir et de projeter l’image d’un front uni – pour pouvoir mieux négocier avec le régime d’apartheid et dans l’espoir d’une prophétie auto-réalisatrice. Il nous a rappelés que l’Accord de la Mecque entre le Fatah et le Hamas a été coulé par la menace de Condoleeza Rice à Mahmoud Abbas que cela signifierait la fin de l’aide financière dont se goinfre l’Autorité Palestinienne (dominée par le Fatah) – et non pas par une quelconque impossibilité imaginée de la part des Palestiniens de collaborer ensemble dans leur intérêt national clair et net.

- Il y a eu une discussion sur l’absurdité des demandes de négociations de la part de l’AP avec Israël, dont elle dépend. Baroud a déclaré, très net, qu’étant lui-même palestinien, il n’avait aucune raison de se gêner de critiquer les différents dirigeants palestiniens et les cliques palestiniennes. Et même si on pourrait demander jusqu’où le Hamas a suivi ou continue à suivre l’agenda iranien au lieu de servir les intérêts du peuple palestinien, il n’y a tout simplement pas de comparaison avec la collaboration et complicité totale de l’AP, éhontée et corrompue, menée par le Fatah avec l’occupation. Il a cité le cas récent du manque de carburants à Gaza : le Hamas a demandé de l’aide à Abbas, et l’AP a répondu en doublant le prix du carburant qu’elle fournit à Gaza !

- Le siège israélien de Gaza devrait, en fait, s’appeler le siège israélo-égyptien de Gaza, pour reconnaître le fait que le siège ne pourrait jamais marcher sans la complicité criminelle des dirigeants égyptiens en conformité avec les Accords de Camp David. Ce n’est pas pour dire que le peuple égyptien, au moins ceux qui ne sont pas convaincus par la propagande sioniste et les intérêts sectoriels étroits (tels les médias, les politiciens et l’armée) ne sont pas solidaires de Gaza, ou ne soutiennent pas les Palestiniens. La preuve est la courte période « lune de miel » après la première vague de la révolution égyptienne quand tout une marrée de militants égyptiens et de personnel médical s’est dépêchée d’entrer dans Gaza pour leur prêter main forte. Mais maintenant, avec le général el-Sisi au pouvoir, l’armée égyptienne renforce encore mieux le blocus de Gaza.

- Le vrai problème va au-delà de « Hamas vs. Fatah », même au-delà des stratégies d’Israël. Il repose dans le soutien continu et incontesté à Israël de la part des États-Unis, de l’UE et de leurs alliées. Et c’est ici que les militants solidaires devraient agir et demander, pour que la campagne BDS ait effet, un boycott moral d’Israël – ville par ville, village par village, commune par commune. Les gens ici – et on y compte – doivent se réveiller à leur collaboration avec Israël, leur culpabilité dans les crimes commis par le régime d’occupation et doivent décider qu’en tant qu’êtres moraux, ils ne veulent plus rien avoir à faire avec ce régime. A son avis, l’Autorité Palestinienne ne pourrait même pas survivre quelques jours sans les subventions massives de l’UE. Et si l’AP se fond…

- En lien avec ceci, quand quelqu’un a demandé si on pourrait espérer voir les Palestiniens de la Cisjordanie se révolter, il a mis en garde contre les jugements faciles et la tentation de prédire le comportement très complexe des collectivités : une situation semblable existait en 1987 quand beaucoup de Palestiniens travaillaient en Israël et dans les pays du Golfe, et renvoyaient plein d’argent que les gens utilisaient pour rebâtir leurs maisons et s’acheter des téléviseurs et des magnétophones. La plupart des observateurs pensaient, « ça y est, les Palestiniens sont contents d’avoir ces objets, c’est la fin de la résistance ! » Et puis éclate la magnifique première Intifada !

La traduction en français du dernier livre de M. Baroud est disponible aux Éditions Demi-Lune sous le titre « Résistant en Palestine - une vraie histoire de Gaza ».

La conférence a été organisée, rien de plus naturel, par le Collectif Urgence Palestine – Vaud.

12 décembre 2013 - Communiqué par l’auteur


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