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A Tel Aviv, le Festival de cinéma « Nakba » ranime la mémoire de 1948 en Israël

jeudi 5 décembre 2013 - 07h:32

Alex Shams

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Le tout premier Festival de films sur la Nakba et le Retour s’est déroulé du 28 au 30 novembre à Tel Aviv et Jaffa, rappelant au public que le traumatisme de 1948, au cœur du conflit israélo-palestinien, ne peut être ni ignoré ni oublié.
Le Festival, qui présentait une douzaine de films évoquant le souvenir du nettoyage ethnique, du point de vue palestinien, israélien et international, a eu un impact puissant et important sur la rhétorique publique israélienne.

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TEL AVIV, Israel (Ma’an) – Zochrot (« Mémoire ») est une organisation israélienne qui œuvre depuis plusieurs années à garder vivante la mémoire du nettoyage ethnique qui a eu lieu en Israël en 1948, et le Festival est le premier du genre à se centrer explicitement sur ce thème. Le public israélien a rempli la Cinémathèque de Tel Aviv et le Théâtre de Jaffa pour voir des films approchant le sujet de la Nakba sous une large variété de perspectives.

Pendant la Guerre de 1948, les milices sionistes ont perpétré le nettoyage ethnique de 530 villages palestiniens comptant 750.000 habitants, pour faire place à la création d’un état à majorité juive. La majorité des Palestiniens se remémorent la Nakba comme l’exemple paradigmatique de leur dépossession par l’Etat d’Israël et comme un moment central dans l’histoire de la spoliation et de l’exil.

Le nettoyage ethnique de 1948 : un oubli structurel

Mais il est surprenant de constater que les principaux mouvements de l’aile gauche israélienne mentionnent rarement 1948. La plupart des organisations « pro-paix » de l’éventail politique israélien, considèrent l’occupation de la Cisjordanie et de Gaza en 1967 comme la racine du conflit israélo-palestinien, tandis que 1948 est relégué dans les annales de l’histoire ancienne.

Pour ces groupes militants, 1967 doit être renversé et l’occupation doit cesser, parce que ces événements ont transformé la nature de l’état israélien, d’une société intrinsèquement pacifique à une puissance occupante militarisée, en pleine déroute morale. 1967 marque le moment où Israël a commencé à perdre son autorité morale dans cette perspective. 1948 est rarement sur leur écran radar, et le droit au retour des réfugiés et de leurs descendants dans leurs maisons, aujourd’hui en Israël, est facilement oublié dans cette histoire .

La plus grande partie du mouvement pacifiste israélien est construit sur cet oubli collectif et structurel du nettoyage ethnique de 1948 et sur une réticence à reconnaître que la nature coloniale d’Israël n’a pas commencé en 1967. Cet effacement de mémoire trahit aussi leur échec à coopérer significativement avec les priorités et les préoccupations palestiniennes, qui positionnent généralement la dispersion des trois quarts de la nation palestinienne loin de leur pays natal en 1948 comme le point nodal de leur lutte et le cœur des restitutions et des réparations.

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Des réfugiés palestiniens traversent la Galilée en octobre-novembre 1948 (Fred Csasznik)

La Nakba : « un processus incroyablement violent et terrifiant »

L’échec de la gauche à débattre de la Nakba et de la question du retour met en lumière l’importance du Festival pour ranimer cette mémoire au sein du public israélien. Les films présentés au Festival frappent au cœur de cet oubli structurel de l’état israélien et du public sioniste : ils montrent que ces événements n’ont jamais été oubliés et qu’ils ne peuvent l’être si l’on est en quête d’une solution juste.

Comme l’explique le programme du Festival, « l’idée de partition et de séparation entre juifs et arabes dans la Palestine historique est une étape majeure dans le conflit et le déracinement de centaines de milliers de Palestiniens. Le Festival se veut un défi créatif au concept de partition et il suggère de nouvelles voies vers une vie juste et équitable pour tous les habitants de ce pays actuellement divisé et pour les réfugiés ».

Le Festival a démarré avec le film documentaire "On the Side of the Road," de Lia Tarachansky qui s’essaie à interviewer des vétérans israéliens de la Guerre de 1948. La réalisatrice incorpore sa propre expérience d’immigrante juive ukrainienne élevée dans une colonie israélienne, s’obligeant à reconnaître sa propre complicité avec le projet colonial sioniste.

Comme elle l’expliquait dans un entretien de la mi-novembre : « Le film est spécifiquement centré sur la violence psychologique contre l’idée de poser des questions. Il débute et finit le Jour de l’Indépendance israélienne, sur une année » - l’année où passa à la Knesset une loi interdisant de commémorer la Nakba - témoignages de soldats auteurs d’atrocités à l’encontre de villageois palestiniens entretissés avec les révélations personnelles de Tarachansky sur l’histoire de son pays et son chemin actuel.

Le climax du film est cette scène où la police israélienne encercle des membres de Zochrot et les empêche de prononcer à voix haute les noms des villages détruits en 1948 afin de préserver la « sécurité », puissant rappel du danger que constitue la simple mémoire de 1948 pour beaucoup de citoyens israéliens.

« Ils tentent par la force de faire taire ces militants parce qu’en Israël on ne peut pas parler de 1948, et certainement pas le Jour de l’Indépendance. C’est pour cela que le Festival Nakba est si important. Pour les Israéliens, rompre avec l’idéologie de 1948 et explorer la Nakba, c’est un processus incroyablement violent, explique Tarachansky. Cf http://972mag.com/film-review-a-doc...

Ranimer la mémoire de la Nakba pendant la mobilisation anti-Prawer

D’autres films présentés explorent les perspectives de réfugiés palestiniens au Liban, de juifs américains ainsi que de vieux survivants palestiniens des massacres de 1948.

Certains films se concentrent sur l’aspect spatial de l’effacement israélien de la mémoire. Par exemple, “Planting Resistance to the Jewish National Fund,” examine la politique du Fonds National Juif : planter des forêts sur les ruines de villages palestiniens. Beaucoup de ces villages ont été intentionnellement détruits par les Forces de Défense Israéliennes des années, voire des décennies, après la guerre, afin d’éliminer toute possibilité de retour des réfugiés : c’est ce que révèle le film à travers une combinaison de visites sur le terrain et de films d’archives.

Aujourd’hui, la plupart de ces terres ont été transformées en forêts de pins non indigènes. Des panneaux signalent des ruines antiques ou romaines, tout en ignorant ostensiblement les vestiges de la plus récente présence palestinienne. Bande-annonce : http://vimeo.com/65278501

L’organisation du Festival n’a pas été sans controverses. Avant l’ouverture, Ayelet Shaked, présidente du parti Foyer Juif avait imploré le maire de Tel Aviv de fermer le Festival en raison de sa nature « anti-sioniste », mais la municipalité n’a pas répondu.
Quelques rares protestataires drapés dans des drapeaux israéliens ont traîné par moments devant l’entrée, mais en général le Festival n’a pas été confronté à des menaces actives.

Le samedi soir à Jaffa le Festival présentait la première de « When I Saw You », qui raconte l’histoire de Palestiniens contraints de fuir en Jordanie en 1967, la détresse et la résistance d’une famille devenue réfugiée en 24 heures.

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Palestiniens fuyant vers la Jordanie en 1967 (UNRWA)

L’accent mis sur les réfugiés de 1967 pour terminer le Festival devait servir à rappeler que la Nakba est un processus de spoliation entamé en 1948 mais toujours en cours aujourd’hui dans la Palestine historique.

Et en effet, des spectateurs du Festival ont quitté le Théâtre de Jaffa pour rejoindre de grandes manifestations contre le Plan Prawer qui, si Israël le mettait en œuvre, entraînerait le déplacement de dizaines de milliers de bédouins.

Le climax du Festival à ce moment de protestation nationale et globale a rappelé à tous que la menace de spoliation et d’exil poursuit encore les Palestiniens en plein XXIème siècle.

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* Alex Shams est un jeune journaliste diplômé du Center for Middle Eastern Studies à l’Université Harvard

2 décembre 2013 - Ma’an News Agency - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.maannews.net/eng/ViewDet...
Traduction : Info-Palestine.eu - Marie Meert


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