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Et si on parlait des stocks d’armes chimiques en Israël ?

mardi 24 septembre 2013 - 16h:12

Jonathan Cook

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Le plan d’inspection et de destruction des armes chimiques de la Syrie attire l’attention sur les armes de destruction massive (ADM) non déclarées d’Israël.

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Attaque aux armes chimiques (phosphore blanc) sur une école des Nations Unies à Gaza, hiver 2008-2009. La barbarie sioniste a tous les droits, ne connait pas de freins, et bénéficie d’une complicité internationale coupable.

Les responsables israéliens semblent de plus en plus nerveux, craignant que les efforts internationaux pour détruire les armes chimiques syriennes ne servent de prélude à des exigences pour qu’Israël élimine ses propres ADM non déclarées.

Israël maintient ce qu’il appelle « une posture de l’ambiguïté » sur la question de savoir s’il dispose d’armes nucléaire ou chimiques. Mais ce État est très fortement soupçonné de disposer d’un grand arsenal de bombes nucléaires, soustrait à toute surveillance internationale, et il existe de forts soupçons qu’il ait secrètement développé un programme d’armes chimiques.

Ces préoccupations se sont renforcées après la divulgation ce mois-ci d’un rapport confidentiel de la CIA suggérant qu’Israël avait constitué un stock important d’armes chimiques dans les années 1980. Israël a refusé à la fois de signer le Traité de non-prolifération de 1968, portant sur la réglementation des armes nucléaires, et de ratifier la Convention sur les armes chimiques de 1993, laquelle oblige les États à soumettre à une surveillance internationale et à détruire les agents chimiques en leur possession.

Au cours des derniers jours, d’autres pays du Moyen-Orient ont pris une série d’initiatives pour attirer l’attention internationale sur les ADM d’Israël.

Ces efforts ont suivi la ratification de la Convention sur les armes chimiques par Damas la semaine dernière, et l’annonce ce week-end d’un calendrier convenu entre la Russie et les États-Unis pour débarrasser la Syrie de ses stocks de substances chimiques d’ici le milieu de l’année prochaine.

Israël est aujourd’hui l’un des seuls six États qui refusent d’appliquer la Convention, avec dans la liste l’Égypte, le Myanmar, l’Angola, la Corée du Nord et le Sud Soudan. Cela a suscité des inquiétudes qu’Israël ne devienne rapidement un État paria sur la question.

Le journal quotidien Haaretz a rapporté cette semaine que la perspective que des pressions internationales ne s’exercent sur Israël pour connaître la vérité sur ses stocks d’ADM « tenait éveillés toute la nuit pas mal de hauts responsables de la défense israélienne ».

Shlomo Brom , un ancien général israélien et maintenant chercheur à l’Institut d’études de sécurité nationale à l’Université de Tel Aviv, a qualifié « d’imprudente » la politique actuelle d’Israël sur les armes chimiques.

« La réalité au Moyen-Orient a changé depuis qu’Israël a refusé de ratifier la convention. Il n’y a plus aucune bonne raison pour Israël de rester avec la poignée de régimes qui s’opposent à lui. »

Cette semaine, les États arabes ont présenté une résolution devant l’organisme de surveillance nucléaire des Nations Unies, l’Agence internationale de l’énergie atomique, demandant à Israël de placer ses installations nucléaires sous le régime d’inspection de l’AIEA dans le cadre du projet d’instaurer une zone sans armes nucléaires dans la région.

Le Traité de non- prolifération des armes nucléaires, qu’Israël a refusé de signer, a été élaboré en 1968, un an après Israël ait très certainement produit sa première ogive nucléaire.

« Mesures graves »

Un rapport publié ce dimanche par deux experts en prolifération a évalué qu’Israël avait construit un total de 80 bombes nucléaires jusqu’à 2004, année où il a semble-t-il avoir interrompu la production. Le même rapport conclut qu’Israël avait des stocks de matières fissiles suffisamment importants pour doubler le nombre de bombes à court terme.

Les responsables américains se sont cependant opposés aux États arabes à l’AIEA. Joseph Macmanus, le représentant américain à l’agence, a déclaré que la résolution « ne fait pas avancer notre objectif partagé de progrès vers une zone exempte d’ADM au Moyen-Orient. Au lieu de cela, elle sape les efforts d’un dialogue constructif vers cet objectif commun. »

Un plan égyptien préparant le terrain pour l’établissement d’une zone exempte d’armes de destruction massive au Moyen-Orient avait été parrainée par les États-Unis en 2010, malgré l’opposition d’Israël. Cependant, Washington a annoncé l’an dernier qu’il reportait toute action à un date ultérieure. Dans le même temps, dimanche dernier, le ministère iranien des Affaires étrangères a exhorté la communauté internationale à « prendre des mesures sérieuses » pour forcer Israël à ratifier la Convention sur les armes chimiques.

Suite à la ratification de la convention par la Syrie, son ambassadeur à l’ONU, Bachar Jaafari, a déclaré : « le principal danger des armes de destruction massive, c’est l’ arsenal nucléaire israélien », ajoutant qu’Israël possédait des armes chimiques, mais que la plupart des autres États ne sont pas prêts à en parler.

Cela peut encore changer. Les représentants du gouvernement israélien se sont dits inquiets que le secrétaire d’État américain, John Kerry, puisse exiger d’Israël la ratification du traité de non prolifération dans le cadre des efforts américains pour effacer les armes chimiques du Moyen-Orient. « Maintenant, Kerry peut expliquer que les USA ont besoin de l’aide d’Israël avec une ratification du traité interdisant l’utilisation d’armes chimiques », a rapporté le journal Haaretz .

Selon des informations parues dans les médias israéliens, les ambassades israéliennes à l’étranger ont reçu des instructions pour éluder les questions posées par les journalistes et les diplomates et liées aux armes chimiques israéliennes.

Le ministère israélien de la Défense a refusé de faire des commentaires pour Al-Jazeera, renvoyant les questions au bureau du Premier ministre. David Baker, un porte-parole de Netanyahu, a également refusé de répondre, traitant de « spéculations » toutes les interrogations. Il n’a pas voulu dire si le gouvernement israélien avait donné des directives aux responsables politiques.

Dans une déclaration publique inhabituelle, Amir Peretz, ancien ministre de la Défense, a déclaré à Radio Israël cette semaine : « J’espère beaucoup, et je suis certain, que la communauté internationale ne va pas en faire une question centrale et que nous allons maintenir le statu quo ». Contrairement à la Syrie, a-t-il prétendu, Israël était un « régime démocratique et responsable ».

Uri Avnery , un journaliste israélien et ancien homme politique, a déclaré que les Israéliens sont persuadés que leur pays possède secrètement de telles armes. « Le gouvernement israélien a toujours maintenu que Israël était une exception, qu’il s’agissait d’un gouvernement responsable et qu’il n’avait donc pas besoin de se soumettre aux conventions internationales, qu’elles soient nucléaires, biologiques ou chimiques. Les Israéliens croient qu’en raison de l’Holocauste, ils ont droit à une protection supplémentaire, ce qui signifie en pratique l’accès à tout type d’arme. »

Le secret d’Israël est, en partie, motivée par la promesse d’éviter d’embarrasser les États-Unis en déclarant posséder des armes de destruction massive. Washington en effet viole la législation américaine en continuant à verser à Israël des milliards de dollars chaque année, alors qu’Israël possède des armes nucléaires hors de tout traité de non- prolifération.

Une position à courte vue

Le refus d’Israël de ratifier la Convention sur les armes chimiques aux côtés de la Syrie « est une position à courte vue et d’utilité douteuse » , dit un éditorial du Haaretz, ajoutant qu’un changement de politique montrerait qu’Israël était prêt « à faire sa part dans l’effort général pour débarrasser la région des armes de destruction massive ».

Les soupçons qu’Israël puisse dissimuler un programme d’armes chimiques se sont renforcés à la suite d’un récent rapport du magazine américain Foreign Policy, révélant que des satellites espions américains avaient découvert une zone de stockage d’armes chimiques dans le désert du Néguev en Israël pour la première fois en 1982.

Un rapport confidentiel de la CIA de 1983 et divulgué par le même magazine, avait identifié « une probable installation de production et stockage d’agent innervant », près de la ville israélienne de Dimona, elle-même proche du réacteur nucléaire israélien. Le magazine ajoute que les industries chimiques d’Israël sont également soupçonnées d’être impliquées dans la production d’armes.

Selon des communications militaires israéliennes captées et divulguées par l’Agence de sécurité nationale américaine à cette époque, les bombardiers israéliens ont mené des missions simulant des bombardements par armes chimiques dans le Néguev .

Le rapport suggère que « plusieurs indicateurs nous amènent à croire [que les Israéliens] ont à leur disposition au moins des agents neurotoxiques persistants et non persistants, du gaz moutarde et plusieurs agents toxiques de lutte antiémeute, insérés dans des systèmes appropriés de diffusion ».

Bien qu’il ne soit pas possible de savoir si fonctionne encore le site de stockage d’armes chimiques identifié par la CIA au début des années 1980, il y a des indications sérieuses qu’Israël a continué à travailler sur des agents neurotoxiques dans les années qui ont suivi.

Israël est connu pour avoir un institut de recherche biologique à Ness Ziona, à environ 20km au sud de Tel Aviv, qui se présente comme un centre de recherche du gouvernement. Officiellement, l’institut effectue de la recherche pour la médecine et pour la défense, notamment en aidant Israël à se prémunir contre les effets d’une attaque au moyen d’ armes chimiques ou biologiques.

L’institut est cependant soupçonné d’avoir également et secrètement développé des capacités offensives, le plus célèbre de ses agents toxiques ayant été utilisé dans une tentative d’assassinat du dirigeant du Hamas, Khaled Mechaal, en Jordanie en 1997.

Mechaal, à qui des agents du Mossad avait injecté un produit toxique dans une oreille, ne fut sauvé que parce que les deux agents impliqués ont été capturés alors qu’ils étaient encore en Jordanie. Binyamin Netanyahu, le premier ministre israélien de l’époque, avait décidé de remettre un antidote en échange de la libération des deux espions.

Des armes expérimentales

Israël est fortement soupçonné d’avoir utilisé une toxine très difficile à détecter dans la mort encore inexpliquée du dirigeant palestinien Yasser Arafat en 2004.

La connexion entre Israël et les armes chimiques a également fait surface suite à un crash d’un avion israélien près d’Amsterdam en 1992.

Les médias néerlandais avaient rapporté que l’avion d’El Al transportait des quantités importantes d’un composant chimique majeur du gaz sarin, le gaz neurotoxique utilisé près de Damas le dernier mois, le gouvernement syrien ayant été largement accusé d’être responsable de l’attaque. La société américaine qui avait fourni [en 1992] le produit chimique en question, avait déclaré que la livraison devait se faire à l’Institut de recherche biologique à Ness Ziona.

Une série de rapports, dont un de la BBC au début de la deuxième Intifada palestinienne il y a dix ans, a également accusé Israël d’utiliser ce qui semblait être une forme expérimentale de gaz lacrymogène produisant des convulsions graves pour beaucoup de ceux qui l’ont inhalé.

Plus récemment, les attaques répétées d’Israël sur Gaza ont été l’occasion d’utiliser des munitions Dense Inert Metal Explosive ( DIME), un type d’arme expérimentale qui n’est pas encore couvert par les traités internationaux. Son explosion provoque de graves dommages internes aux victimes et laisse des traces de métaux cancérigènes, tels que le tungstène, dans les corps de ceux qui survivent.

En hiver 2008-09 , Israël a été largement condamné pour avoir utilisé du phosphore blanc sur des zones habitées de Gaza. Même si ce gaz est autorisé à être utilisé sur un champ de bataille pour créer un écran de fumée, le phosphore blanc est considéré comme une arme chimique lorsqu’il est utilisé dans des zones où des civils sont présents. Les éléments de cette substance chimique brûlent à travers la chair et les poumons et ils sont particulièrement difficiles à éteindre.

Sous la pression internationale, l’armée israélienne s’est engagée plus tôt cette année à mettre fin à l’utilisation de ce type de produit toxique.

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* Jonathan Cook a remporté le Prix Spécial de journalisme Martha Gellhorn. Ses derniers livres sont Israel and the Clash of Civilisations : Iraq, Iran and the to Remake the Middle East (Pluto Press) et Disappearing Palestine : Israel’s Experiments in Human Despair (Zed Books). Voici l’adresse de son site : http://www.jkcook.net.

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20 septembre 2013 - Al-Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/fe...
Traduction : Info-Palestine.eu - Claude Zurbach


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