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Journal de Syrie : Quitter la Syrie

mercredi 18 septembre 2013 - 10h:28

IRIN

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DAMAS, 17 septembre 2013 (IRIN) - L’auteur de ce récit est un jeune diplômé de l’université de Damas, issu d’une famille aisée appartenant à une minorité religieuse syrienne. Il souhaite conserver l’anonymat pour des raisons de sécurité. Dans cet extrait, il décrit son arrestation et son départ de Syrie.

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J’ai brusquement décidé de quitter la Syrie en voyant l’état de ma mère à ma sortie de détention, après deux mois d’emprisonnement.

J’étais militant politique depuis un certain temps, mais comme j’appartiens à l’une des nombreuses minorités religieuses syriennes, on me laissait tranquille, même si j’étais parfois interrogé par les autorités. Ces dernières ont pris contact avec mon grand-père, un haut dignitaire du régime, pour lui demander de « me recadrer ».

Ce n’est pas allé plus loin - jusqu’à ce jour de juillet 2012 où j’ai été arrêté lors d’une manifestation dans le quartier Ruken Al-Din de la capitale. Les manifestants, qui défilaient en chantant et en récitant des prières, ont été dispersés par des tirs à balles réelles. J’ai passé deux semaines à l’isolement dans un sous-sol. Du fait de ma minorité religieuse, j’étais épargné par les mauvais traitements que d’autres subissaient. Cependant, à la fin de mon séjour au sein de la Sécurité nationale du ministère de l’Intérieur à Kafar Soussé [un quartier de Damas], j’ai reçu un avertissement clair : « Je sais que tu veux aller étudier en Espagne  », m’a dit un fonctionnaire. « Je te conseille de partir maintenant ».

Je n’ai pas vraiment prêté attention à ce qu’il disait jusqu’à ce que je rentre à la maison et que je vois ma mère. Elle n’était plus l’élégante femme à la quarantaine passée que je connaissais. Après deux semaines sans savoir où j’étais, ni combien de temps j’allais être retenu, elle n’était plus que l’ombre d’elle-même. Elle avait les lèvres desséchées, les yeux gonflés d’avoir trop pleuré et sa silhouette déjà élancée avait perdu 15 kilos. J’ai su qu’elle ne survivrait pas à un autre séjour de son fils unique en prison, ou pire, à son assassinat.

J’ai décidé de faire mes bagages sur le champ. Mais je n’étais psychologiquement pas prêt à laisser toute ma vie derrière moi avec si peu de temps pour faire mes adieux. J’étais submergé par l’émotion en voyant mes amis passer un à un la porte du café pour me dire au revoir et me souhaiter bonne chance. Tant d’amitiés, construites au fil des ans, allaient prendre fin.

J’ai passé mes dernières heures à Damas en compagnie d’un ami et de ma sœur pour visiter certains lieux une dernière fois. Notre premier arrêt nous a conduits dans le marché aux épices de la vieille ville de Damas. La nuit, c’est un endroit magique qui exhale des senteurs paradisiaques. On peut y rester des heures, sans dire un mot, en s’imprégnant simplement de l’endroit. Nous avons ensuite assisté au lever du soleil depuis la mosquée des Omeyyades, encore une expérience inoubliable à Damas.

J’ai fait ma valise en emportant des vêtements, des livres et quelques souvenirs. J’ai pris mon dernier café du matin avec mes parents en leur racontant des histoires drôles pour tenter de les faire rire.

Ma mère essayait de garder un air résolu, mais comme nous n’avons pas une relation mère-fils classique, elle et moi - nous sommes plutôt de bons amis - je savais qu’elle ressentait une profonde injustice. Pour elle, j’étais chassé de mon pays. Mais elle n’en a pas dit un mot. Au lieu de cela, elle m’a souhaité bonne chance, m’a dit de faire attention à moi, de revenir dès que possible et m’a ordonné de ne pas m’inquiéter du reste.

J’ai dû me forcer à entrer dans le taxi qui devait m’amener au Liban. Mon départ était désormais plus réel que jamais. Dans une heure, j’aurai quitté la Syrie.

Je suis toujours surpris par la propension des chauffeurs de taxi à bavarder. J’avais besoin d’un peu de calme alors que je jetais un dernier regard sur ma ville. Mais quand nous avons franchi l’autoroute qui sépare Damas de Beyrouth, je lui fus reconnaissant de cette distraction.

Il nous a fallu beaucoup de temps pour passer la frontière, car il y avait énormément de gens ; des familles entières qui avaient pris tout ce qu’elles pouvaient emporter pour plonger dans l’inconnu en n’étant absolument pas préparées. J’ai vu une femme qui portait des chaussures dépareillées. Elle avait dû fuir encore plus précipitamment que moi. J’allais commencer une nouvelle vie de réfugié.



L’auteur continuera de partager régulièrement ses réflexions sur l’évolution de la situation en Syrie.

DAMAS, 17 septembre 2013 - IRIN


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