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La sagesse du consensus : le boycott d’Israël, ça marche

mercredi 26 juin 2013 - 07h:55

Larry Derfner - +972

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Le seul moyen d’arrêter son expansion, c’est de mettre fin à l’occupation, affirment de plus en plus de voix éminentes (dont aucune, soit dit en passant, ne soutient le boycott).

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Le boycott a un impact, et il s’amplifie. Le catalyseur de cette préoccupation croissante a été la décision de Stephen Hawking, début mai, de boycotter la Conférence présidentielle de la semaine dernière à Jérusalem.




En lisant mon courrier numérique, je vois que beaucoup de celles et ceux qui disent s’opposer à l’occupation s’opposent en même temps au boycott contre Israël, et pas seulement pour des raisons d’éthique, mais aussi pour des raisons pratiques. Il ne marche pas, disent-ils, il ne convaincra personne, il va avoir un effet boomerang en rendant Israël encore plus intransigeant. J’ai exposé mes arguments contre les objections éthiques au boycott (ici, ici, et ici), mais maintenant, je veux donner la parole à des intervenants bien plus importants encore – dont tous s’opposent à l’occupation et, explicitement ou implicitement, également au boycott - qui ont voulu prévenir ces derniers temps que le monde est en train progressivement de tourner le dos à Israël, et que la seule façon pour lui d’éviter un isolement possible est de libérer les Palestiniens. En d’autres termes, ce qu’ils disent c’est que le boycott a un impact, et qu’il s’amplifie. Le catalyseur de cette préoccupation croissante a été la décision de Stephen Hawking, début mai, de boycotter la Conférence présidentielle de la semaine dernière à Jérusalem. (1)

Thomas Friedman, du New York Times, probablement le plus connu au monde des chroniqueurs en Affaires étrangères, a écrit le 4 juin que le mouvement BDS « est en train de faire monter le sentiment puissant dans l’opinion internationale, spécialement en Europe et sur les campus universitaires, qu’Israël est un État paria en raison de son occupation de la Cisjordanie  ». La raison numéro un pour laquelle Israël doit mettre fin à l’occupation, d’après Friedman, c’est « d’inverser la tendance à la délégitimation internationale qui menace Israël. »

Vendredi, Nahum Barnea, du Yedioth Ahronoth, le journaliste de la presse écrite israélienne le plus influent, écrit que le service d’ambulance Magen David Adom (le MDA), la branche nationale de la Croix-Rouge, fait l’objet de pressions de la part des branches états-unienne, britannique, française, néerlandaise et norvégienne pour qu’elle quitte la Cisjordanie, où elle s’occupe des colonies juives. (Et c’était avant qu’un porte-parole du MDA ne twitte une plaisanterie anti-arabe particulièrement sordide (2)). Ils veulent que le MDA cède l’ensemble du territoire aux ambulances du Croissant-Rouge palestinien, qui dessert les zones palestiniennes. Ze’ev Elkin, ministre israélien des Affaires étrangères, d’extrême droite, a déclaré qu’il n’obtempérerait pas et que peu lui importe si la Croix-Rouge vire le MDA de ses rangs. Barnea écrit :

« Elkin vit dans un monde imaginaire… Il choisit de ne pas voir le mouvement grandissant pour le boycott d’Israël dans les universités, l’annulation par Stephen Hawkin de son apparition à la Conférence présidentielle suite à des pressions de boycotteurs d’Israël, les usines qui se retirent de Cisjordanie parce qu’elles se trouvent incapables d’exporter depuis ce territoire. »

La semaine dernière, Itamar Rabinovich, ancien président de l’université de Tel Aviv, et ambassadeur d’Israël aux États-Unis sous Rabin, aurait répété quasiment à la Conférence du Président ce qu’il avait déclaré le mois dernier au Forward :

« Rabinovich… a qualifié le mouvement de boycott universitaire de "processus progressif" qui a "gagné en volume". Il a fait remarquer que le retrait de Hawking et l’attention qu’il a attirée devaient être considérés comme "faisant franchir un nouveau niveau" aux tentatives d’isoler le travail universitaire israélien…

« Pour Rabinovich, la décision de Hawking ne fait que donner un coup de fouet au mouvement BDS, elle n’en change pas les règles. L’impact des sentiments anti-Israël dans le monde universitaire est déjà visible, dit-il, il pourrait s’amplifier dans l’avenir. En sciences humaines et sociales, selon lui, "si vous voulez être invité à une conférence importante ou prendre un congé sabbatique dans une université de premier plan, il vaut mieux être politiquement correct sur les questions relatives à Israël, sinon vous n’avez aucune chance".

« Dans le domaine scientifique, dit Rabinovich, une telle pression n’est pas encore notable mais elle pourrait apparaître dans les années à venir, ce qui rend plus difficile pour les scientifiques israéliens de percevoir des subventions de recherche ou de trouver des collègues avec lesquels travailler sur des projets communs soutenus par des fonds binationaux. »

Toujours la semaine dernière, Haaretz rapporte qu’un groupe d’hommes d’affaires israéliens de premier plan (3), conduit par le patriarche Yossi Vardi, entrepreneur en technologie de pointe, a prévenu Netanyahu en face-à-face que le statu quo avec les Palestiniens avait provoqué un refroidissement mondial envers le pays, sur le plan économique.

« "Nous venons du terrain, et nous sentons la pression" a dit l’un. "Si nous ne faisons pas de progrès vers une solution à deux États, il y aura des développements négatifs pour l’économie israélienne. Nous en avons déjà remarqué les premiers signes. L’avenir de l’économie israélienne va se trouver en danger".

Un homme d’affaire qui a participé à la rencontre a déclaré à Haaretz que l’absence d’avancée vers une solution à deux États pourrait conduire Israël sur une pente dangereuse vers un État binational qui serait soit non juif, soit non démocratique.

« "Le monde n’acceptera pas cela" dit-il. "Les investissements étrangers ne viendront pas dans un tel État. Personne n’achètera les produits d’un tel État" ».

Et maintenant, dans le Haaretz d’aujourd’hui, le rédacteur en chef du journal, Aluf Benn, - du centre gauche et dont l’orientation politique ne doit pas être confondue avec celle de Gideon Levy ou Amira Hass – écrit que la peur de l’isolement est l’une des raisons pour laquelle Netanyahu a tant raconté n’importe quoi sur son engagement pour une solution à deux États.

« Netanyahu s’inquiète de l’amplification du boycott international contre Israël. La plupart des Israéliens ne le ressentent pas encore, mais le Premier ministre est sous pression. Il entend les avertissements de la communauté des affaires sur les dégâts dont l’impasse diplomatique est à l’origine, et il affirme que les appels aux boycotts constituent la forme contemporaine d’un antisémitisme classique. S’il pensait que ce n’était qu’un bruit inoffensif, il ignorerait ou minimiserait le problème. Mais Netanyahu craint qu’on se rappelle dans l’histoire que c’est lorsqu’il dirigeait Israël qu’Israël s’est éloigné de la famille des nations. »

Ceci est un point très révélateur pour ceux qui disent que le boycott est inefficace : si c’était le cas, pourquoi les dirigeants d’Israël et leurs partisans se mettent à crier au meurtre à son sujet ? Paraissent-ils autant préoccupés par quelque autre défi au statu quo ? À huis clos, ils se moquent de la mission de paix de Kerry ; ils ne se moquent pas de Stephen ni du BDS, pas vrai ?



Note de la traduction :

(1) - Lire : Stephen Hawking rejoint le boycott universitaire d’Israël - Réactions - Mattew Kalman – The Guardian
(2) - - Combien faut-il de temps à une femme arabe pour descendre les ordures ? - neuf mois - (source : +972)
(3) - En français sur Info-Palestine



Larry Derfner a été chroniqueur et éditorialiste au Jerusalem Post, de même que correspondant en Israël pour les US News and World Report, pendant de nombreuses années. Il a écrit des articles de fond pour le Sunday Times de Londres durant la deuxième Intifada et il écrit pour les publications juives américaines depuis 1990.

Politiquement, il se décrit comme un sioniste ultralibéral ; comme le journaliste Bradley Burston (israélien, chroniqueur à Haaretz) le dit : il est « probablement à l’extrême gauche comme un centriste peut l’être ». Il est né à New York, a grandi à Los Angeles et est venu en Israël en 1985.

+972

Du même auteur :

- L’autre là, c’est un terroriste - The Jerusalem Post
- Génocide des Arméniens : entre juifs de pouvoir et juifs de vérité - The Jerusalem Post

24 juin 2013 - +972 - traduction : Info-Palestine/JPP


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