Le Hamas et le Hezbollah tentent une réconciliation
mardi 18 juin 2013 - 15h:52
Hazem Balousha - al-Monitor
Le conflit en Syrie a soumis à rude épreuve la relation entre le mouvement sunnite palestinien du Hamas et l’organisation chiite libanaise du Hezbollah, transformant une « relation privilégiée » entre alliés en une « querelle » après que le Hamas ait pris position contre le gouvernement syrien du président Bachar al-Assad et que le Hezbollah se soit impliqué militairement dans le soutien au régime..
- Des partisans du mouvement Hezbollah font flotter des drapeaux de leur organisation et des drapeaux palestiniens lors d’une manifestation à Beyrouth contre l’attaque israélienne sur Gaza, le 17 Novembre 2012 - Photo : AFP/Bilal Hussein
Des sources palestiniennes bien informées, qui se sont exprimées sous couvert d’anonymat, ont révélé à Al-Monitor que des membres du Hezbollah avaient demandé à des membres du Hamas installés dans la banlieue sud de Beyrouth de quitter la région, à la suite de la bataille pour Qusair en Syrie. Le Parti de Dieu est persuadé que des Palestiniens du Hamas ont participé aux combats contre les forces du régime syrien.
Une de ces sources a déclaré à Al-Monitor le 10 Juin : « à la suite de cette tension, les dirigeants du Hamas au Liban ont contacté les dirigeants du Hezbollah et une réunion d’urgence a eu lieu entre les deux organisations. Le Hamas a fermement démenti que des combattants palestiniens affiliés au mouvement aient pu participer à des combats en Syrie ». En outre, la même source explique : « après des contacts de haut niveau qui ont impliqués des hommes politiques libanais, les deux parties ont convenu que le Hezbollah revenait sur son exigence que le Hamas quitte la banlieue sud de Beyrouth, un bastion du Hezbollah. La plupart des dirigeants du Hamas vivent dans cette zone, et c’est là aussi qu’est installée la principale représentation du mouvement ».
Le 11 Juin, le quotidien libanais Al-Akhbar, proche du Hezbollah, a publié une note intitulée : Il est interdit de critiquer le Hamas. Selon cette note, « le Hezbollah a émis une circulaire interne demandant aux responsables du parti de s’abstenir de commenter ou de faire la moindre critique envers le Mouvement de la résistance islamique [Hamas]. »
Le quotidien koweïtien Al-Seyassah avait publié un article le 10 juin citant des sources anonymes qui affirmaient que la sécurité générale libanaise avait cessé de délivrer des visas aux membres du Hamas, à la demande du Hezbollah. Alors que le Hamas niait ces informations, la Direction générale de la Sûreté générale libanaise publiait un communiqué le même jour confirmant ce gel de la délivrance des visas.
La Sûreté générale libanaise a fait savoir que le gel était une réponse à un « processus présumé de contrefaçon mené par des éléments palestiniens ; ceux-ci se servaient de visas avec des numéros et des dates falsifiés et attribués à des cadres du Hamas, avec la volonté d’entrer au Liban. Cette tentative a été découverte par l’appareil général de la sécurité à l’aéroport international Rafic Hariri ». La même déclaration nous apprend également que « les organismes impliqués dans la Direction Générale de la Sûreté générale ont lancé une enquête sur cette affaire, et ils prendront la décision appropriée à la lumière des résultats des enquêtes et après que l’affaire ait été renvoyée devant le tribunal compétent. »
Alors que l’Iran, la Syrie, le Hezbollah et le Hamas avaient constitué depuis de nombreuses années une alliance solide, avec l’évolution de la crise syrienne, les dirigeants du Hamas ont repris à leur compte la posture anti-Assad des Frères musulmans, ont quitté leur siège de Damas et se sont alliés avec le Qatar, principal soutien de l’opposition syrienne. Les récentes révolutions au Moyen-Orient et la montée en force des islamistes ont également contribué à remodeler la carte politique et ont entrâiné des changements dans les alliances. Ceci a en partie accéléré le départ du Hamas de Syrie, ses dirigeants allant s’installer en Égypte ainsi qu’au Qatar, le mouvement s’affranchissant de sa dépendance financière et militaire vis-à-vis de l’Iran.
Raafat Murra, un responsable politique du Hamas qui vit dans la banlieue du sud de Beyrouth, a confirmé à Al-Monitor dans une conversation téléphonique le 11 juin : « le sectarisme [montant], notamment entre sunnites et chiites, a affecté la relation entre le Hamas et le Hezbollah. » Selon lui, « la relation entre le Hamas et le Hezbollah est différente de la façon dont elle est dépeinte dans les médias. Oui, il y a des tensions, mais cela est un effet de l’atmosphère régionale très tendue et des nouvelles circonstances qui ont déboussolé la plupart des forces politiques ».
Il a nié catégoriquement que des Palestiniens se battaient en Syrie, soulignant que les dirigeants de toutes les factions palestiniennes, à l’exception du Front Populaire pour la Libération de la Palestine-Commandement général, ont quitté la Syrie pour éviter toute implication dans le conflit.
Sheikh Yusuf al-Qaradawi, chef spirituel du mouvement des Frères musulmans dont le Hamas fait partie, a qualifié le Hezbollah de « parti de Satan. » Dans un sermon du vendredi à Doha le 31 mai, il a affirmé qu’il n’y avait pas de place dans ce parti pour « le bien, la religion ou Dieu » puisque le Hezbollah « se bat pour la tyrannie » en Syrie.
Salah Bardawil, le porte-parole officiel du Hamas à Gaza, a déclaré dans un communiqué publié par le quotidien Asharq al-Awsat (Londres) : « Nous connaissions le Hezbollah comme un parti qui a lutté contre Israël, mais aujourd’hui il a commis une grave erreur en intervenant dans le crise syrienne. Cela conduit à une baisse, et plus tard à l’effondrement total, du soutien au Hezbollah ». Il a souligné : « l’intervention du Hezbollah [en Syrie] était une énorme erreur, et il aurait été mieux pour eux de ne pas s’impliquer dans ce conflit. [Cette implication] lui fera perdre son soutien populaire, et les gens maintenant doutent qu’il soit un parti de résistance ».
A Khan Younis, la police du Hamas a dispersé en mai dernier par la force une manifestation qui s’était tenue en solidarité avec le régime de Président Assad après un raid aérien israélien sur la Syrie. La manifestation était organisée par le Front Populaire pour la Libération de la Palestine, et les participants brandissaient des portraits du secrétaire général du Hezbollah Hassan Nasrallah, et des banderoles critiquant les déclarations de Sheikh Yusuf al-Qaradawi sur la Syrie.
Le quotidien Al-Quds al-Arabi (publié à Londres) a laissé entendre dans un article daté du 4 juin : « les brigades al-Qassam, l’aile militaire du Hamas, ont décidé de maintenir leur alliance avec le Hezbollah et l’Iran, comme un des moyens de libérer la Palestine de l’occupation israélienne par la force des armes, après que l’argent arabe ait échoué à faire libérer un seul pouce des territoires arabes occupés. » Les dirigeants du Hamas à différents niveaux, ainsi que le porte-parole du mouvement pour les médias, ont toujours nié les informations selon lesquelles des membres du Hamas se battaient en Syrie contre le régime d’Assad et contre le Hezbollah. Ils ont également nié l’existence d’un différend entre les membres du mouvement à Gaza et ceux de l’étranger ou entre ses ailes politiques et militaires concernant les positions du Hamas sur la Syrie et l’Iran.
Avant de se rendre au Caire pour une réunion de la direction du Hamas, Ismail Haniyeh, Premier ministre du Hamas et responsable adjoint du bureau politique, a déclaré dans une homélie le vendredi 14 juin à Rafah, au sud de Gaza : « il n’y a pas de conflits au sein du Hamas, malgré les affirmations de la presse et de tous les mal-intentionnés qui ternissent continuellement l’image du Hamas et de la résistance ».
* Hazem Balousha est un journaliste palestinien basé à Gaza. Sur Twitter : @iHaZeMi
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17 juin 2013 - al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - al-Mukhtar