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Cisjordanie sous occupation : un Premier ministre palestinien nommé dans l’indifférence générale

vendredi 14 juin 2013 - 07h:09

Linah Alsaafin

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Presque deux mois après la démission de Salam Fayyad, l’ex-premier ministre de l’Autorité Palestinienne, mettant ainsi fin à la relation tendue qui a caractérisé son mandat en Cisjordanie, le président Mahmoud Abbas a désigné le doyen de l’Université An-Najah à Naplouse, Rami Hamdallah âgé de 58 ans, pour le remplacer.

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Le premier ministre palestinien Rami Hamdallah, debout face au président Mahmoud Abbas lors de la cérémonie d’investiture du nouveau gouvernement dans la ville de Ramallah en Cisjordanie, 6 Juin 2013 (photo par Reuters/Mohamad Torokman)

Hamdallah, qui a également assuré la direction de la commission électorale centrale palestinienne, a formé un nouveau gouvernement le mercredi 6 Juin, dans lequel la plupart des ministres ont gardé leurs postes, le remaniement était mineur. Trois nouveaux ministres ont prêté serment, il s’agit des ministres des Finances, des Affaires Sociales, de l’Éducation et de l’Enseignement Supérieure, en plus de 2 vice-premiers ministres.

La nouvelle de la nomination de Hamdallah, de formation britannique, titulaire d’un doctorat en linguistiques appliquées, obtenu à l’université de Lancaster en Angleterre et doyen de l’université An-Najah depuis 1998, a été accueillie avec indifférence par la rue palestinienne.
Abbas - dont le mandat présidentiel légal a expiré en 2009- a choisi Hamdallah sans élections comme a été « remballé » Fayyad, immédiatement après la sanglante division avec Hamas en 2007, qui a causé la mort de centaines de palestiniens des deux bords, aussi bien en Cisjordanie qu’à Gaza.

Lors d’un entretien téléphonique datant du 4 juin, Mohammad Jaradat, un journalist de Ramallah, a déclaré à Al-Monitor être convaincu que Hamdallah ne sera qu’une marionnette de plus entre les mains d’Abbas : « Le premier ministre n’aura d’autre rôle que celui de porte-parole des décisions qui seront directement prises par le bureau du président et certainement pas par le gouvernement », il a ajouté qu’au « final, il fallait juste quelqu’un pour le poste de premier ministre, ni plus, ni moins »
Cette idée est renforcée par ce que l’écrivain palestinien Hassan Asfour raconte dans son article intitulé : le gouvernement palestinien « allégé », dans lequel il appelle Hamdallah « le secrétaire exécutif du président ».

Selon Asfour, « l’ensemble des tâches politiques et sécuritaires seront assurées par le président et son bureau », il ajoute que « depuis que Washington a récemment lié le dossier économique au dossier politique (y compris les négociations) et au bureau présidentiel, le gouvernement n’aura pas son mot à dire sur ces questions ».

Tout ceci laisse penser qu’Abbas a choisi quelqu’un de son cercle de confiance parce qu’il lui était nécessaire de trouver un premier ministre et de ne pas perdre encore plus de crédibilité en tant que président, certainement pas parce qu’il avait besoin d’une claire vision politique.

Issam Abou Bakr, leader local du Parti (de gauche) du Peuple Palestinien, a parlé à Al-Monitor des attentes concernant le nouveau rôle endossé par Hamdallah qui comprend la tâche compliquée et difficile de soulager les palestiniens de la Cisjordanie face à la pire crise financière connue par l’Autorité Palestinienne et résultant des choix néolibéraux de Fayyad.

Selon lui, « La crise politique n’est pas limitée à un unique individu » mais « provient des gouvernements passés en particulier du modèle de construction des institutions d’État qui a lourdement pressuré le peuple palestinien sur le plan économique, en le laissant fortement endetté envers la banque mondiale. Le taux de réussite pour ce gouvernement dépendra de sa gestion des affaires internes principalement sur le plan économique, en baissant les impôts et en réduisant les forts taux de chômage et de pauvreté ».

Abou Bakr reconnaît que la nomination sans élections de Hamdallah se retournera très probablement contre le premier ministre lui-même, un peu comme l’utilisation de Fayyad comme bouc émissaire face au conflit interne et à l’intransigeance de Fatah : « le choix de Rami Hamdallah sans la présence de régulateurs officiels est négatif sachant surtout que le nouveau gouvernement gardera ses ministres actuels ». Il a aussi déclaré que ceci ne fera « qu’augmenter la confusion intérieure de l’arène politique palestinienne, en particulier, avec un gouvernement qui n’est ni national, ni unifié - un tel gouvernement aurait pu mettre fin à la division entre Fatah et Hamas ».

Bien qu’une telle vision soit commune aux analystes politiques et aux politiciens, l’indifférence que montrent les Palestiniens de Cisjordanie face à leur nouveau premier ministre montre bien que « l’arène politique palestinienne » a été réservée au seul cercle de l’Autorité Palestinienne ce qui ne les rend pas très crédibles.

Selon Sharif Soleiman qui travaille dans une organisation des Droits de l’Homme : « Ils savent que les gens sont fatigués, frustrés et incapables de les contester sérieusement », « Personnellement, je ne me soucie pas de Rami Hamdallah. Déjà, je ne sais pas grand chose sur lui. Les politiciens de l’Autorité Palestinienne font de la Politique comme s’il jouaient à un jeu qui leur serait exclusivement réservé, sans réfléchir aux intérêts du peuple ».

Ala Al-Azzeh, spécialiste de l’anthropologie culturelle à l’université de Birzeit, a déclaré à Al-Monitor que l’apathie généralisée chez le peuple palestinien est due à sa désorientation et à son manque de confiance dans les politiciens. Selon lui, « Les gens ont perdu confiance dans le leadership palestinien, ce qui par conséquent les empêche de compter sur le gouvernement pour instaurer un quelconque changement », « les têtes changent mais la politique reste figée et hors de contrôle. Il n’y a rien à espérer [de la part du gouvernement] car il n’y a aucun horizon politique ».

* Linah Alsaafin, diplômée de l’université de Birzeit en Cisjordanie, est née à Cardiff au pays de Galles et a été élevée en Angleterre, aux États-Unis et en Palestine. Jeune palestinienne , elle écrit pour plusieurs médias palestiniens et arabes - Twitter :@LinahAlsaafin

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7 juin 2013 - Al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Fadhma Nsoumer


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