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Mythes, mensonges et distorsions sur l’Iran

vendredi 7 juin 2013 - 06h:51

Peter Oborne & David Morrison

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Le chapitre sept de « Une tromperie dangereuse : pourquoi l’Occident a tort sur le nucléaire iranien » de Peter Oborne et David Morrison, considère les faits présents dans le domaine public concernant les préparatifs et la possession d’armes nucléaires par l’Iran, que les grands médias ignorent, et se demande la raison de cette ignorance.

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Le président iranien Mahmoud Ahmadinejad devant la fusée Safir ("Ambassadeur") avant son lancement, au centre spatial de Téhéran, le 17 août 2008. L’Iran a cette année-là lancé avec succès une fusée de fabrication locale et réussi à mettre en orbite un "satellite d’essai". - Photo : Reuters/Fars

À ce point-ci, il peut être utile d’indiquer les faits élémentaires sur les activités nucléaires iraniennes :

. L’Iran n’a pas d’armes nucléaires.

. Depuis 2007, les services de renseignements US pensent que l’Iran n’a pas de programme pour développer des armes nucléaires et ont présenté régulièrement cette opinion en public devant le Congrès des USA.

. L’AIEA n’affirme pas que l’Iran a un programme d’armes nucléaires en cours.

. L’Iran à des installations d’enrichissement d’uranium. Mais, en tant que membre du traité de non-prolifération (TNP), l’Iran a le droit de s’engager dans l’enrichissement d’uranium dans des buts pacifiques. D’autres adhérents au TNP, comme l’Argentine et le Brésil, le font. L’Iran ne viole aucune de ses obligations vis-à-vis du TNP.

. Comme l’exige le TNP, les installations d’enrichissement iraniennes sont ouvertes à l’inspection par l’AIEA, comme le sont ses autres installations nucléaires. Pendant de nombreuses années, l’AIEA à vérifié qu’aucun matériel nucléaire n’a été détourné de ces installations pour de possibles objectifs militaires. L’Iran enrichit l’uranium à 5 % d’U-235, ce qui convient pour les réacteurs nucléaires générateurs d’électricité, et jusqu’à 20 % pour les besoins du réacteur de recherche de Téhéran.

. Tandis que les installations nucléaires iraniennes sont ouvertes aux inspections de l’AIEA, celles d’Israël et de l’Inde (alliés des États-Unis) sont presque entièrement fermées à l’AIEA. Pourtant l’Iran, qui n’a pas d’armes nucléaires, est l’objet de sanctions économiques féroces et de menaces d’action militaire. En revanche, Israël (avec peut-être jusqu’à 400 bombes nucléaires et la capacité de les envoyer partout sur le Moyen-Orient) reçoit plus de 3 milliards de dollars annuels d’aide militaire étasunienne.

Ce sont les faits élémentaires sur les activités nucléaires iraniennes, faits qui sont (si vous les cherchez) dans le domaine public. Pourtant, les grands médias britanniques n’en parlent presque jamais. Si bien que presque tout leurs articles sont trompeurs, et certains sont complètement faux.

Une part significative des médias fait son bonhomme de chemin comme si ces faits n’existaient pas. Elle affirme, par exemple, que l’Iran possède déjà des armes nucléaires ou a un programme actif pour les développer.

La BBC, radio d’État britannique, en a été coupable. Le 15 février 2012, son émission vedette Ten O’Clock News commençait par un reportage sur les capacités nucléaires de l’Iran déclarant que « l’Iran a annoncé de nouveaux développements dans son programme d’armes nucléaires ». Ce reportage tenait pour acquis que l’Iran avait un programme d’armement nucléaire.

Voici un autre exemple. Le Times avait un article le 20 février 2012 intitulé « L’Iran provocateur coupe le pétrole pour la Grande-Bretagne et la France », qui rapportait que « les inspecteurs nucléaires de l’ONU arrivent dans le pays aujourd’hui pour recueillir les preuves d’un programme illicite d’armes atomiques iraniennes ». L’article continuait avec « l’armement atomique de Téhéran », donnant au lecteur la fausse impression que le programme iranien était arrivé à terme.

Si bien que l’article titre du journal du lendemain se lit comme de la propagande plutôt que comme une analyse soutenue par des preuves : « Il ne devrait plus faire de doute que l’Iran essaie de développer une arme nucléaire. Les protestations sur une intention de seule capacité nucléaire civile ont toujours paru creuses venant du quatrième producteur de pétrole du monde, et dernièrement, les porte-paroles iraniens eux-mêmes semblaient incapables d’en parler sans ricaner. »

Voici un troisième exemple, cette fois-ci de Sir Max Hastings, l’influent journaliste et historien militaire. « La question », écrit Sir Max, « de savoir si la marche de l’Iran vers la possession d’armes nucléaires devrait être acceptée avec réticence ou arrêtée de force est une des plus difficiles et les plus diviseuses de notre époque ». Sir Max accepte ici sans question ni examen deux propositions pour lesquelles aucune preuve sérieuse n’existe. Premièrement l’Iran est déterminé à acquérir des armes nucléaires, deuxièmement, le seul moyen de l’empêcher est par la force. L’ignorance de Sir Max qui s’éclate en roue libre sur la très sérieuse question qu’il discute le conduit à écarter légèrement la possibilité d’une résolution pacifique de la querelle sur le nucléaire iranien.

En février 2012, The Economist parlait des « bombes atomiques iraniennes » dans un article sur les réalisations d’Hillary Clinton comme Secrétaire d’État. « Elle n’a peut-être pas amené la paix au Moyen-Orient, traité des bombes atomiques iraniennes ou rétabli des relations permanentes avec la Russie, mais on peut dire que Mrs Clinton a changé le département d’État pour le mieux ». Le fait que ce qui est normalement un magazine si mesuré, sceptique et de référence puisse tranquillement parler de l’Iran comme s’il possédait des armes nucléaires souligne à quel point la culpabilité présumée de l’Iran est incrustée dans le discours public britannique et étasunien.

Cependant, les mensonges ne sont pas le seul problème des comptes-rendus des grands médias. Les commentateurs et les autres omettent souvent les faits élémentaires et ainsi, nourrissent l’impression que les activités nucléaires de l’Iran sont suspectes et qu’il est difficile de concevoir pour elles un autre objectif que le développement d’armes nucléaires.

Il s’ensuit que les inquiétudes sur ces activités, exprimées par l’Occident et par Israël, sont justifiées et, si ces inquiétudes valables ne peuvent être calmées, finalement une action militaire ultime pour détruire les installations nucléaires iraniennes, particulièrement ses installations d’enrichissement d’uranium, serait aussi justifiée.

De cette façon, le discours général des médias a continuellement donné du poids à la proposition de juguler les ambitions nucléaires iraniennes et mis en valeur la cause de sanctions économiques toujours plus dures et, si ça ne suffit pas, celle de l’action militaire. En ceci, les grands médias se comportent comme ils l’ont fait à la veille de l’invasion de l’Irak en 2003 quand, au lieu de s’interroger sur chaque aspect des arguments pour l’action militaire, ils sont devenus des pom-pom girls bellicistes.

Dans le même temps, les mêmes grands médias - si assidus pour présenter les vues américano-israéliennes contre l’Iran – négligent lamentablement de présenter le point de vue iranien. En compensation, nous présentons en annexe les réflexions éloquentes de l’ayatollah Khamenei sur les armes nucléaires à la conférence du mouvement des non-alignés à Téhéran en août 2012.

Les grands médias persistent aussi à présenter l’Iran comme assiégé et isolé. C’est une vision bornée. L’Iran détient actuellement la présidence du Mouvement des non-alignés et 120 Etats sont représentés à cette conférence, 24 par des Présidents, trois par des rois, huit par des Premiers ministres, et 50 par des Ministres des affaires étrangères, malgré les pressions des USA et de ses alliés pour décourager la participation. En tout, plus de 7000 délégués (et le secrétaire général de l’ONU) étaient présents. L’isolement de l’Iran est grandement exagéré.

L’annexe contient aussi le chapitre traitant des questions nucléaires dans la déclaration de Téhéran, qui a été approuvée par la conférence. Elle soutient avec insistance la position iranienne.

Le rapport du directeur général de l’AIEA de novembre 2011

Les grands médias suggèrent souvent que le rapport du directeur général de l’AIEA de novembre 2011 donne des preuves que l’Iran a présentement un programme d’armement nucléaire actif. C’est faux.

Comme tous les autres rapports de l’AIEA sur l’Iran, celui de novembre 2011 donne des informations détaillées sur les activités de ses installations nucléaires. Par exemple, il rapporte les quantités d’uranium enrichi à 5 % et à 20 % sur chaque installation et confirme que l’enrichissement n’a pas eu lieu à un niveau plus élevé et qu’aucun matériel nucléaire n’est inexpliqué. Ce sont des informations factuelles, basée sur les observations réelles des inspecteurs de l’AIEA sur le terrain en Iran.

Le rapport de novembre 2011 contient une annexe de 15 pages intitulée « Possible dimension militaire du programme nucléaire de l’Iran ». L « information » contenue dans cette annexe est d’un caractère bien différent. Elle consiste en allégations – on y trouve 28 fois des mots dérivés du verbe alléguer - fournies à l’AIEA par des parties tierces, dont les USA, se référant pour la plupart à de possibles activités de l’Iran avant 2003. Les services de renseignements US croient que l’Iran avait un programme d’armes à cette période là, qui a stoppé à l’automne de 2003 et n’a jamais redémarré.

La plupart des allégations de l’annexe ont été disponibles pour l’AIEA depuis 2005 et étaient déjà dans le domaine public. Malgré les pressions des USA et de leurs alliés pour les publier, le Directeur général précédent de l’AIEA, le Dr. Mohamed el-Baradei, aurait refusé de le faire, parce que c’étaient des allégations creuses invérifiables par l’AIEA.

Le Dr. el-Baradei a pris sa retraite le 30 novembre 2009. Son successeur est le japonais Yukiya Amano. Les USA ont utilisé leur considérable influence pour le faire élire par le Conseil d’administration de l’AIEA, ce qui s’explique car de l’avis de la mission des USA à l’AIEA, il est « fermement du côté des USA sur toutes les décisions stratégiques clés, depuis les nominations des personnels de haut niveau jusqu’au traitement du programme nucléaire iranien supposé » (voir le câble de Wikileaks daté du 16 octobre 2009).

Il n’est guère surprenant que, contrairement à son prédécesseur, le Directeur général Amano ait accédé aux demandes des USA pour que les allégations fournies par les USA et d’autres parties tierces soient publiées sous le nom de l’AIEA pour leur donner une crédibilité.

L’annexe au rapport de l’AIEA de novembre 2011 ne contient guère de nouveautés - et ne présente pas de preuves que l’Iran a un programme d’armes nucléaires actif aujourd’hui. A l’appui de cette idée, voici les points de vue d’un certain nombre d’experts sur la question :

Joseph Cirincione, qui a fait partie du Comité consultatif de sécurité internationale d’Hillary Clinton (et qui préside le Groupe de désarmement, le fonds Ploughshares) : « J’ai été renseigné sur la plupart de ces trucs il y a plusieurs années au siège de l’AIEA à Vienne. Il y a peu de nouveautés dans le rapport. L’essentiel de cette information est bien connu des experts qui suivent la question ».

Le professeur Paul Pilar, qui a quitté la CIA en 2005 après 28 ans de service, son dernier poste étant officier du Renseignement national pour le Proche-Orient et l’Asie du Sud-est : « Malgré les références dans le déferlement des commentaires du rapport sur de nouvelles données sur tel ou tel aspect du sujet, le rapport ne nous dit rien d’important sur la politique de l’Iran qui n’ait été déjà bien connu ».

Peter Jenkins, qui, comme nous l’avons noté, était l’ambassadeur britannique à l’AIEA de 2001 à 2006 : « l’AIEA dit qu’avant 2003, l’Iran a recherché du savoir-faire nécessaire pour une arme, et que d’autres recherches peuvent avoir eu lieu dans les années suivantes. L’AIEA n’a pas rapporté de preuve de tentatives pour produire des armes nucléaires ni de décision dans ce sens ».

Le Dr. Hans Blix, ancien président de l’AIEA : « l’AIEA n’a pas… conclut que l’Iran fabriquait une arme ou avait pris la décision d’en faire une ».

Le directeur général de l’AIEA Amano a été interviewé dans le programme de la BBC Radio 4 Today le 17 octobre 2012. Interrogé si l’Iran « faisait plus que poursuivre simplement un programme nucléaire pacifique », il répondit : « Nous ne disons pas que l’Iran à des armes nucléaires, nous ne disons pas non plus que l’Iran a pris la décision de fabriquer des armes nucléaires ».

Par conséquent, quoique l’AIEA dise que l’Iran ait pu s’engager dans des activités en liaison avec les armes jusqu’à 2003, il n’affirme pas qu’il a un programme actif d’armes maintenant. Le renseignement étasunien est d’accord et aussi, semble-t-il, le renseignement israélien. En avril 2012, Benny Gantz, chef de l’armée, a dit qu’il ne croyait pas que l’Iran développerait des armes nucléaires, en argumentant que l’Iran « va, pas à pas, au point où il sera capable de décider la fabrication d’une bombe nucléaire. Il n’a pas encore décidé de la dernière étape.… Je ne pense pas [que Khamenei] voudra cette dernière étape ».

Franchir la dernière étape mettrait en jeu l’enrichissement de l’uranium au-dessus de 20 % vers les 90 % ou plus nécessaires pour une arme nucléaire. Comme les usines d’enrichissement iraniennes sont soumises aux inspections de l’AIEA, une telle étape serait rapidement visible pour les inspecteurs de l’AIEA et franchir cette « ligne rouge » causerait très vraisemblablement une action militaire des USA et/ou d’Israël contre l’Iran - et le début d’une confrontation militaire que l’Iran ne peut pas gagner. Il n’est pas vraisemblable que l’Iran aille dans cette voie.

Les leaders iraniens ont nié à plusieurs reprises avoir l’ambition de développer des armements nucléaires. De plus, le dirigeant suprême de l’Iran, l’ayatollah Ali Khamenei, a déclaré que la possession de telles armes est un « grave péché ». Il l’a fait dans un discours aux scientifiques nucléaires le 22 février 2012, disant :

« La nation iranienne n’a jamais visé et ne visera jamais à avoir des armes nucléaires. Il ne fait pas de doute que les décideurs des pays qui s’opposent à nous savent bien que l’Iran ne vise pas à des armes nucléaires parce que la république islamique, logiquement, religieusement et théoriquement, considère que la possession d’armes nucléaires est un grave péché et croit que la prolifération de telles armes est insensée, destructrice et dangereuse. »

Il n’y avait rien de nouveau dans cette déclaration. En 2005, l’ayatollah Khamenei a publié une fatwa - une prescription religieuse - disant que « la production, le stockage et l’utilisation d’armes nucléaires sont interdites sous l’Islam et la république islamique d’Iran n’acquerra jamais ces armes ». Et il a répété ce message ensuite de nombreuses fois.

Bien sûr, il n’est pas impossible pour Khamenei ou pour un futur Guide Suprême d’inverser cette position. Toutefois, comme Flynt and Hillary Mann Leverett le font remarquer, « ceci signifierait devoir expliquer - aux Iraniens et à tout le monde chiite - comment les circonstances stratégiques de l’Iran ont changé à un tel point que la fabrication d’armes nucléaires est devenue à la fois nécessaire et légitime ». Ils continuent :

« Ceci, bien sûr, n’est pas une contrainte absolue sur un programme d’armes iraniennes. Mais ça demanderait au minimum une détérioration largement reconnue et substantielle de l’environnement stratégique de la république islamique - le plus vraisemblablement sous l’effet d’une attaque israélienne et/ou US sur l’Iran. Il est loin d’être certain que Téhéran opterait alors pour l’acquisition d’armes. Mais ceux qui poussent à une action militaire pour bloquer les avancées nucléaires de la république islamique vont dans un sens qui augmenterait le risque d’armement iranien, pas qui le réduirait ».

Ahmadinejad a menacé d’« effacer Israël de la carte »

Une autre idée fausse ordinaire concernant l’Iran est que le président Ahmadinejad aurait menacé d’« effacer Israël de la carte », signifiant que s’il obtenait des armes nucléaires il chercherait à les utiliser contre Israël. Il s’agit d’une fiction, venue d’une mauvaise traduction d’une remarque d’Ahmadinejad dite en Farsi au cours d’un discours le 26 octobre 2005 lors d’une conférence à Téhéran.

Comme le professeur étasunien Juan Cole, parmi d’autres, l’a fait remarquer, la remarque [d’Ahmadinejad] était une citation de l’ayatollah Khomeiny, le père de la république islamique, ayant pour sens que « ce régime d’occupation sur Jérusalem doit s’évanouir de la page du temps » (in rezhim-e eshghalgar-i Qods bayad as safheh-e ruzgar mahv shavad).

Il ne s’agit pas d’une menace de détruire Israël par une action militaire, mais l’expression d’un espoir que le régime israélien actuel s’effondrera comme l’a fait l’Union soviétique. Ce n’est pas une menace de tuer quiconque, encore moins de commettre un génocide contre les juifs vivants en Israël.

Interviewé par Al Jazeera le 16 avril 2012, Dan Meridor, vice-premier ministre et Ministre du renseignement et de l’énergie atomique, a admis que le président Ahmadinejad n’avait pas réellement menacé d’effacer Israël de la carte.

Parlant à l’université Columbia le 24 septembre 2007, le président Ahmadinejad a proposé une solution pour la Palestine basée sur des élections. D’après une traduction du Washington Post, il a dit :

« Ce que nous disons c’est que pour résoudre ce problème vieux de 60 ans, nous devons permettre au peuple palestinien de décider pour lui-même de son avenir. … Nous devons permettre aux Palestiniens juifs, aux Palestiniens musulmans et aux Palestiniens chrétiens de déterminer eux-mêmes leur propre sort par un référendum libre. Quelle que soit leur choix de nation, tout le monde devrait l’accepter et de respecter.… C’est ce que nous, nation iranienne, disons ».

Ceci semble être un soutien à une solution par un seul État, où le gouvernement d’Israël/Palestine serait déterminé par tout le peuple - juifs, musulmans et chrétiens - vivant dans la région. Cette proposition n’est peut-être pas réaliste, mais elle ne met certainement pas en jeu d’« effacer Israël de la carte », au sens d’exterminer les juifs et les autres qui vivent là.

Il faut aussi noter que l’Iran a voté la résolution de l’Assemblée générale de l’ONU A/RES/67/19 du 29 novembre 2012, qui soutenait une solution par deux États en Israël/Palestine, spécifiquement, « un État de Palestine indépendant, souverain, démocratique, contigu et viable vivant côte à côte, en paix et en sécurité avec Israël sur la base des frontières d’avant 1967. » Ce vote est aussi non conforme avec une détermination d’« effacer Israël de la carte ».

La peinture générale de l’Iran comme État agressif est exagérée. En revanche, au siècle dernier, l’Iran a été victime plusieurs fois d’agressions - il a été envahi et occupé par la Grande-Bretagne et par la Russie pendant les première et deuxième guerres mondiales ; son gouvernement démocratiquement élu a été renversé par les USA en 1953 à la demande des Britanniques ; il a été attaqué par l’Irak en 1980, avec un soutien ultérieur significatif de l’Occident, et a souffert de près d’un million de victimes, dont beaucoup touchées par des armes chimiques, avec environ 300 000 tués. Le silence de la communauté internationale sur l’agression irakienne et sur l’utilisation des armes chimiques a été assourdissant.

Comment les politiciens britanniques répandent le mythe des armes nucléaires

Pourtant les leaders politiques britanniques continuent d’exprimer leur discours alarmiste sur les armes nucléaires iraniennes. En janvier 2012, le Secrétaire à la défense britannique Philip Hammond a parlé de la manière dont on pense que l’Iran travaille « à fond » à la construction d’armes nucléaires. Le mois suivant le Secrétaire aux affaires étrangères britannique William Hague a dit au Daily Telegraph que les Iraniens « continuent clairement leur programme d’armes nucléaires ». Ceci mènerait, a prédit Hague, « à la phase de prolifération nucléaire la plus sérieuse depuis que les armes nucléaires ont été inventées ».

Ou écoutez David Cameron parlant au dîner annuel de l’United Jewish Israel Appeal le 15 octobre 2012 :

« Soyons clairs sur les faits. L’Iran bafoue six résolutions des Nations unies. La déclaration du régime que son programme nucléaire à des objectifs purement civils n’est absolument pas crédible.…
L’Iran n’est pas seulement une menace pour Israël. C’est une menace pour le monde. Maintenant, certains disent que rien ne va marcher - et que nous devons apprendre à vivre avec un Iran armé du nucléaire. Je dis que non et que nous ne le devons pas.
Mais en même temps je refuse aussi de céder à ceux qui disent que la politique actuelle est fatalement faussée, et que nous n’avons d’autre choix que l’action militaire. Un règlement négocié reste à portée de l’Iran.…
Nous devons avoir le courage de donner… aux sanctions le temps d’agir. Mais laissez-moi dire aussi ceci. Au long terme, si l’Iran fait le mauvais choix, rien n’est hors de la table. Un Iran armé du nucléaire est une menace pour Israël. Et une menace pour le monde. Et ce pays agira sans relâche pour empêcher que cela ait lieu. »

Notez que le premier ministre n’affirme pas explicitement que l’Iran ait des armes nucléaires ou soit en cours de les élaborer. Néanmoins, il accuse la direction iranienne de mentir quand elle dit que le programme nucléaire a des objectifs purement civils.

Le Premier ministre a promis au début de ses remarques d’être « clair sur les faits ». S’il avait fait, il aurait pu faire un discours sur les lignes suivantes :

« Malgré l’impression donnée par nos médias, je ne pense pas que les activités nucléaires iraniennes soient une menace pour la Grande-Bretagne. Personne, pas même Israël, ne croit que l’Iran a déjà développé une arme nucléaire. Et j’aimerais vous rappeler que, depuis 2007, le renseignement étasunien a jugé que l’Iran n’a même pas de programme pour développer des armes nucléaires. Nous, en Grande-Bretagne, nous ne sommes pas du genre à réinterpréter notre plus proche allié sur cette question.
Bien sûr, nous savons tous que l’Iran a construit des usines d’enrichissement d’uranium. Mais comme signataire du TNP, il a le droit de s’engager dans l’enrichissement d’uranium dans des buts pacifiques, comme d’autres signataires du TNP, l’Argentine ou le Brésil par exemple. Selon le TNP, l’Iran est obligé de laisser ces installations nucléaires et d’autres opérer sous la supervision de l’AIEA. Et il le fait. En plusieurs années d’opérations, l’AIEA n’a jamais manqué de confirmer qu’aucun matériel nucléaire n’a été détourné de ces installations pour des objectifs militaires.
Il y a un certain nombre d’aspects des activités nucléaires iraniennes qui doivent être clarifiées. Mais il y a des bases pour l’espoir que, tant que l’Iran est autorisé à bénéficier de ses droits complets selon le TNP, y compris son droit à l’enrichissement, il sera possible de trouver des arrangements sur place et ceci rassurera la communauté internationale que ces activités sont pour des objectifs pacifiques.
Malheureusement, le gouvernement travailliste a raté une chance de parvenir à un règlement en 2005. À l’époque, les négociateurs iraniens ont offert de prendre des mesures de grande portée pour rassurer le monde extérieur que son enrichissement ne serait pas utilisé pour construire des bombes. Mais le gouvernement travailliste a cédé à l’exigence de l’administration Bush que l’Iran cesse l’enrichissement sur son propre sol - et a fait capoter un accord avec l’Iran à l’époque. Nous ne devrions pas répéter cette erreur.
Un autre point, rarement mentionné mais que je pense être important : le guide suprême iranien, l’ayatollah Khamenei, a déclaré une fatwa - une prescription religieuse - disant que la production, le stockage et l’utilisation d’armes nucléaires sont interdites sous l’Islam et que la république islamique d’Iran n’acquerra jamais ces armes. Je pense que nous devrions prendre au sérieux cette déclaration de l’ayatollah. Il est le guide suprême religieux et politique de l’Iran, et c’est la personne qui prendrait une décision de développer des armes nucléaires. S’il avait l’intention de le faire, il ne serait pas sage de sa part de déclarer à plusieurs reprises que ces armes sont non-islamiques.
J’espère que nous pourrons mettre fin bientôt aux sanctions économiques destructrices contre l’Iran, qui apportent tant de misère aux Iraniens ordinaires. Après tout, le secrétaire d’État des USA a promis dès janvier 2010 d’orienter les sanctions économiques sur « le gouvernement iranien, particulièrement les éléments de la garde révolutionnaire, sans contribuer à la souffrance des [gens] ordinaires, qui méritent mieux que ce qu’ils reçoivent actuellement ». Malheureusement, les Iraniens ordinaires souffrent maintenant. Nous devons garder nos promesses au peuple iranien et mettre fin à cela le plus tôt possible. Finalement, membre fondateur de l’ONU et membre permanent du Conseil de sécurité, le Royaume-Uni est conscient des obligations de tous les membres de l’ONU selon l’article 2.4 de la charte de l’ONU de se retenir de la menace ou de l’usage de la force contre d’autres Etats. Il est temps pour un moratoire sur les menaces de guerre contre l’Iran, qui violent la charte de l’ONU et peuvent même entraver une solution diplomatique pacifique. Permettons à la communauté internationale de se décider à résoudre ses disputes avec l’Iran par des moyens pacifiques comme nous aurions dû le faire en 2005 ».

Alors que se passe t-il en réalité ?

Malheureusement, il semble ne pas y avoir la moindre chance que M. Cameron fasse un discours de ce type. À la place, le Premier ministre semble vouloir faire ce que lui disent les États-Unis, c’est-à-dire appliquer des sanctions de plus en plus dures et peut-être prendre part à une action militaire contre l’Iran.

Qu’est-ce qui explique cette conduire étrange et irrationnelle des dirigeants occidentaux ? La seule explication est que leur antagonisme contre l’Iran ne provient pas seulement d’une conviction que l’Iran développe des armes nucléaires ou pourrait le faire dans le futur.

Un autre motif doit opérer. En vérité, le président George W. Bush l’explicitait clairement dans ses mémoires Decision Points sur sa période au pouvoir, publiées en novembre 2010. Le livre contient un passage révélateur dans lequel le président décrit sa réaction quand l’évaluation du Renseignement national (National Intelligence Estimate) a atterri sur son bureau en novembre 2007. Elle concluait que l’Iran n’avait pas eu de programme d’armes nucléaires actif - une conclusion gênante pour lui, si gênante qu’elle le mit « en colère »…

On aurait pu s’attendre à ce que le président, qui déclarait se vouer à empêcher l’Iran d’acquérir des armes atomiques, ait été ravi de recevoir des renseignements suggérant que son administration avait réussi, que l’Iran avait abandonné un programme actif d’armement dans les trois ans suivant son entrée à la Maison-Blanche. Mais à la place il fut « en colère »… Comme le reconnaît le livre de George W. Bush, l’antagonisme américain contre l’Iran ne vient pas d’une conviction que l’Iran développe un armement nucléaire ou peut le faire dans le futur. Elle vient de la détermination étasunienne d’empêcher l’Iran de devenir une puissance majeure au Moyen-Orient en opposition aux USA. Un changement pour un régime asservi aux USA serait idéal, mais ceci est probablement hors du champ des possibilités.

Pour le moment, le jeu est de garder la pression sur l’Iran par des sanctions économiques féroces et d’autres moyens, laissant ouverte l’option d’une action militaire, justifiée comme une mesure pour empêcher l’Iran de développer des armes nucléaires.

Merci aux auteurs et à l’éditeur pour la permission de mettre en ligne cet extrait des chapitres 7 et 8 de A Dangerous Delusion : Why the West Is Wrong About Nuclear Iran, par Peter Oborne et David Morrison, publié par Elliott & Thompson (avril 2013).

31 mai 2013 - Opendemocracy - Vous pouvez consulter cet article à :
http://opendemocracy.net/peter-obor...
Traduction : JPB - CCIPPP


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