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Quand Israël indemnisait des Allemands pour des terres en Palestine

samedi 8 juin 2013 - 05h:30

Rosemarie M. Esber – E.I

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Il est tragique et paradoxal que les membres des Nations-Unies restent complices du déni des droits humains des Palestiniens.

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Une des colonies allemandes en Palestine qui ont reçu une indemnisation du gouvernement israélien quand leurs colons furent forcés de fuir durant la Nakba.
(photo Bibliothèque du Congrès)




Le mois dernier marquait la 65e année depuis la Nakba – la catastrophe palestinienne de 1948, durant laquelle les forces israéliennes ont expulsé environ 800 000 Palestiniens de leur terre natale et se sont emparées de leurs propriétés. Au total, 536 agglomérations, villes et villages – soit 78 % de la terre de la Palestine historique – ont été pris durant la guerre de 1948.

La Nakba n’est pas cependant qu’un événement historique. Elle est aussi un traumatisme, et qui dure encore.

Les droits humains des Palestiniens sont agressés quotidiennement ; les Palestiniens vivent toujours sous occupation ou sont exclus de leur patrie. Pendant ce temps, la confiscation de la terre et de l’eau par Israël se poursuit – en particulier en Cisjordanie et dans le désert du Naqab (Néguev).

Les Palestiniens à travers le monde restent exclus et non indemnisés, malgré qu’Israël ait été admis aux Nations-Unies en 1949 parce qu’il avait déclaré sa volonté de se conformer à la Résolution 194, appelant au rapatriement des réfugiés palestiniens et à leur indemnisation.

Ce que l’on sait un peu moins, cependant, c’est que quatre communautés en Palestine ont perçu une indemnisation, soigneusement évaluée et fixée internationalement, pour leurs pertes. Les quatre villages – Sarona, Wilhelma, Betlehem (pas le Bethléhem bien connu) et Waldheim – appartenaient à un groupe chrétien allemand appelé les Templiers.

Un modèle pour les colons

Sarona près de Jaffa est l’une des premières colonies agricoles de la période récente en Palestine (1871) et elle était un modèle pour les colons juifs. Whihelma (1902), près de Lydda, Betlehem (1906) et Waldheim (1907), dans la Haute Galilée, étaient des colonies agricoles prospères tenues par des Allemands.

Les Templiers avaient conservé leur citoyenneté allemande en Palestine. Même s’ils ont installé une antenne du parti nazi en Palestine en 1933, seuls 17 % des Templiers étaient des sympathisants nazis, d’après l’universitaire israélien Yossi Ben Artzi. Pourtant, la plupart des hommes valides chez les Templiers eurent à combattre dans l’armée allemande en 1939.

Durant la Deuxième Guerre mondiale, le gouvernement du Mandat britannique a interné les ressortissants allemands dans leurs villages ruraux. Certaines des familles de Templiers ont été depuis expulsées et internées en Australie. D’autres ont fait partie des trois échanges (accord Grande-Bretagne/Allemagne en 1944 – ndt) de prisonniers entre des Allemands de Palestine (en territoire « britannique » – ndt) et principalement des juifs néerlandais du camp de concentration de Bergen-Belsen.

Après la guerre, l’armée britannique a gardé les quatre villages de Templiers pour protéger les Allemands des extrémistes juifs. Mais, en avril 1948, une attaque sioniste a tué au moins deux personnes à Waldheim, ce qui a provoqué la fuite de nombreux Templiers. (Ce type d’attaques et de meurtres pour terroriser les villageois et les obliger à partir avait été perpétré contre des centaines de villages arabes palestiniens par les forces sionistes durant la guerre de 1948).

Les sorts divergent

Les Templiers déplacés sont restés à Chypre jusqu’à ce qu’ils soient admis en Australie dont ils sont devenus des citoyens (voir Suzanne D. Rutland : Buying out of the Matter’ : Australia’s Role in Restitution for Templer Property in Israel - Journal of Israeli History : Politics, Society, Culture, 24:1, 2005, pp 135-154).

C’est là où le sort des réfugiés palestiniens et celui des Templiers réfugiés allemands divergent. Les gouvernements d’Australie et d’Allemagne de l’Ouest ont œuvré de concert pendant dix ans avant que l’État d’Israël accepte, en 1952, de verser un dédommagement aux réfugiés allemands pour leurs quatre villages ruraux, de même que pour les avoirs urbains des Templiers à Acre, Haifa, Jaffa et Jérusalem. C’est un économiste éminent en agriculture, de l’université de Stanford, qui a évalué les avoirs des Templiers, incluant tous les biens immobiliers, les maisons et constructions agricoles, les vergers, forêts et vignes, allant jusqu’aux poulaillers et porcheries.

En 1962 – dix ans plus tard –, le gouvernement d’Israël a payé 54 millions de marks allemands à l’Allemagne de l’Ouest pour les « propriétés allemandes laïques en Israël » appartenant à des Templiers déplacés et dépossédés, dont une partie a été transférée au Commonwealth d’Australie (voir Australian Treaty Series 1966 No 3).

Une campagne énergique

Comment les Templiers allemands ont-ils pu obtenir une indemnisation de l’État d’Israël pour leur propriété expropriée en Palestine ?

Les gouvernements australiens et allemands ont monté une campagne diplomatique internationale, énergique et déterminée, pour assurer une indemnisation par Israël des actifs des Templiers. Les autorités australiennes se sont montrées persévérantes et convaincantes. Elles avaient besoin de l’apport des capitaux de la restitution pour aider à la réinstallation des réfugiés.

L’Australie a également assumé son obligation de protéger les droits de propriété de ses nouveaux citoyens. De leur côté, les Templiers se sont mis vivement en avant en documentant, présentant des preuves dans les instances internationales, et exigeant et revendiquant avec insistance leurs droits devant les gouvernements australiens, allemands et israéliens.

Les Templiers ont fait pression sur leurs gouvernements, se manifestant dans les conférences internationales pour appuyer leur cause, ils ont plaidé pour eux-mêmes.

Contrairement aux Templiers, les Palestiniens de la diaspora qui avait une autre nationalité n’ont pas réussi à obtenir une indemnisation ni une restitution de leurs propriétés dans ce qui est devenu Israël aujourd’hui. En 1949, l’éducateur Khalil Totah a fait appel à plusieurs reprises au Département d’État des États-Unis pour qu’il l’aide à obtenir une indemnisation pour son orangeraie et ses terres dans la Palestine historique. «  En tant que citoyen états-unien résident aux États-Unis » écrit-il, « à qui dois-je m’adresser pour obtenir réparation, sinon à vous ? ».

Aucune archive publique n’existe du gouvernement américain montrant qu’il a tenté d’obtenir une indemnisation pour les propriétés ou les biens de citoyens américains, de Totah ou d’autres, saisis par Israël durant la guerre de 1948 ou après.

Il est tragique et paradoxal que les membres des Nations-Unies restent complices du déni des droits humains des Palestiniens. Alors même que certains États ont fait des pressions diplomatiques importantes pour obtenir une indemnisation pour les communautés de colons européens déplacés en Palestine, parmi lesquelles une petite, mais significative, minorité avait sympathisé et même combattu avec l’Allemagne nazie, les pressions diplomatiques n’ont pas été utilisées quand il a s’agit des droits des Palestiniens, originaires du pays, à l’indemnisation et à la restitution de la Nakba, des droits garantis pas la loi internationale.



* Rosemarie M. Esber est l’auteur de Under the Cover of War : The Zionist Expulsion of the Palestinians . Elle est chercheur indépendante et consultante en développement international, basée à Washington DC.

Washington, DC, le 5 juin 2013 - The Electronic Infifada - Traduction : Info-Palestine - JPP


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