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L’Autorité de Ramallah est incapable de s’opposer à la colonisation israélienne de la vallée du Jourdain

mercredi 15 mai 2013 - 05h:30

Lina Alsaafin

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Composée des 30% de la Cisjordanie, de la vallée du Jourdain est depuis longtemps la cible de démolitions, de colonisation et de déplacement forcé dans ce qui semble être un effort couronné de succès du gouvernement israélien pour changer la carte politique et la géographie du territoire. Avant la guerre de 1967, la vallée appartenait aux gouvernorats de cinq villes de Cisjordanie : Tubas, Naplouse, Jérusalem, Bethléem et Hébron.

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Des maisons préfabriquées dans la colonie juive de Maskiot , le 18 mai 2009 - Photo : Reuters/Baz Ratner

Abdelrahim Bishara est un homme âgé de 58 ans et qui vit dans une communauté palestinienne du nom de Al Hadidiya, dans la vallée du Jourdain. Sa propriété a été détruite sept fois, la première démolition ayant eu lieu durant l’hiver glacial de janvier 2001.

« L’armée israélienne voulait me déporter à un autre endroit appelé Atuf, mais j’ai refusé. Si vous êtes d’accord pour vous déplacer une seule fois, vous ne cesserez jamais d’être chassé d’un endroit à l’autre », explique Bishara, également connu sous le nom d’Abou Saqr.

La vallée du Jourdain, selon Abou Saqr, est devenue depuis 1967, une cible pour le nettoyage ethnique, surtout après la naissance de partis révolutionnaires palestiniens. Les Bédouins et les bergers guidaient les fedayins – les combattants de la liberté - de l’autre côté du Jourdain, ce qui eut pour conséquence que les autorités israéliennes ont fait passer les Bédouins et les bergers dvant des tribunaux militaires, et leur ont aussi imposé de lourdes amendes allant de 10 à 1000 dinars jordaniens (14 à 1400 dollars US) afin de les dissuader, et les « urbaniser » après la destruction des moyens nécessaires à leur façon de vivre.

Les politiques israéliennes ont évolué pour inclure la poursuite des troupeaux des Bédouins, soit en les tuant masse, soit en les « arrêtant ». Chaque tête de bétail coûte 10 dinars par jour dans ce qui est une prison pour animaux, appelée la carateen, et les Bédouins sont alors eux-mêmes responsables de fournir la nourriture à leur bétail emprisonné. Le gouvernement israélien a ensuite mis au point une loi qui lui permet de confisquer une terre qui n’a pas été cultivée pendant une période de temps donnée, et comme les Bédouins se déplacent d’un endroit à l’autre deux fois par an, en été et en hiver, beaucoup de terrains ont été volés de cette manière.

Puis, en décembre 1987, la première Intifada a éclaté. La vallée du Jourdain a été oubliée un certain temps, alors que l’armée israélienne concentrait sa répression en Cisjordanie et dans la bande de Gaza. Mais avec l’arrivée des Accords d’Oslo en 1993, les négociateurs inexpérimentés et mal préparés de l’OLP (Organisation de Libération de la Palestine) et le gouvernement israélien ont décidé de classer l’ensemble de la vallée du Jourdain, à l’exception de la ville de Jéricho et du village d’al-Auja, comme zone C, ce qui revenait à céder à Israël les pleins pouvoirs civils et militaires sur le terrain.

« Oslo a été un gigantesque désastre pour les Palestiniens », dit Abou Saqr. « Cela a été signé dans le sens des intérêts à long terme des négociateurs, pour qu’ils puissent percevoir des salaires mensuels, avec comme condition à remplir de détruire la vie des Palestiniens dans les zones abandonnées à Israël ».

L’année dernière, Salam Fayyad alors Premier ministre, a rencontré Abou Saqr et, selon les villageois, il a promis d’alléger les souffrances des Bédouins. Selon Abou Saqr, ce n’était qu’un discours creux.

« L’AP est chargée de la sécurité d’Israël », dit-il. « Il y a cinq barrages militaires dans la vallée du Jourdain. À l’un des barrages, le convoi de Fayyad a été remplacé par une escorte de l’armée israélienne. Quand il est arrivé ici, je l’ai salué en disant : « Bienvenue, Monsieur le Premier ministre d’Israël ! »

Mohammed Jalayta, le maire de Jéricho, a déclaré à Al-Monitor que le fait d’avoir placé la vallée du Jourdain en zone C était censé être un accord temporaire entre le gouvernement israélien et l’Autorité palestinienne (AP) qui se mettait alors en place.

« Il était convenu dans les accords d’Oslo, que la vallée du Jourdain serait à nouveau placée sous le contrôle de l’Autorité palestinienne après un certain temps », déclare Jalayta. « L’Autorité palestinienne avait fait des plans pour élargir sa présence dans la vallée du Jourdain afin de reprendre le contrôle du territoire. »

Mais Israël imposa rapidement des faits accomplis sur le terrain. Le problème maintenant est de traiter la présence israélienne comme une réalité, et non comme une simple querelle pour savoir qui a autorité sur quoi.

« Le contrôle israélien de la vallée du Jourdain n’est pas pour des raisons de sécurité, comme prétendu, » dit Iqab Daraghmeh, maire de Tubas. « C’est avant tout pour des raisons économiques, en plus d’utiliser notre terre comme plus grand terrain d’entraînement pour son armée en Palestine », poursuit-il.

« Ce qui a été convenu à Oslo a produit des résultats que nous n’attendions pas, » déclare-t-il à Al-Monitor. « Comment peut-on parler d’un État palestinien quand plus de la moitié de la Cisjordanie est dans la zone C ? Bien sûr, il y a une communication constante entre nous et les dirigeants de l’AP, mais nous sommes obligés de faire face à une réalité que nous n’imaginions pas. »

« Ce qui est fait dans la vallée du Jourdain est qualifié comme dcrime de guerre », déclare Jamal Juma, directrice de la campagne Stop The Wall [Arrêtez le Mur], pointant du doigt les expulsions temporaires de communautés bédouines entières pour que l’armée israélienne utilise leurs terres comme zones d’entraînement et de tirs. « Les Palestiniens attendaient que l’Autorité palestinienne utilise son statut rehaussé lors du vote de l’Assemblée générale des Nations Unies, pour envoyer Israël devant la Cour internationale de Justice [CIJ], mais nombreux sont ceux qui ont interprété la visite de Barack Obama en mars comme une occasion pour mettre la pression sur Mahmoud Abbas [président de l’Autorité palestinienne] afin qu’il y renonce ».

Ignorant la pléthore de violations israéliennes, Abbas a déclaré aux médias qu’il n’aurait recours à la Cour Internationale de Justice uniquement si Israël décidait d’aller de l’avant dans la colonisation de la zone E-1, ce qui alors couperait définitivement la Cisjordanie de Jérusalem.

« La proposition de la Ligue arabe d’un échange de terres est très dangereux », poursuit Juma, « parce qu’elle annule le fait qu’il y a une occupation, et traite plutôt la colonisation et l’occupation comme un conflit sur la terre. »

Avec 36 colonies israéliennes (avec une population d’environ 9 000 habitants) et 60 000 Palestiniens dans la vallée du Jourdain, le système d’apartheid non seulement régit la propriété sur la terre, mais comme Al-Monitor l’a signalé, également tous les aspects ayant trait à l’eau et à l’éducation.

Autrefois avec des sources naturelles abondantes, l’eau s’est raréfiée après qu’Israël ait creusé des puits pour alimenter ses colonies. Les colons bénéficient d’une remise de 75% sur leurs factures d’eau, alors que les Palestiniens sont obligés d’acheter l’eau des réservoirs à des prix élevés.

Israël interdit la construction de tout type de structure, y compris des écoles, dans la zone C. Mais au lieu de contester cette politique, le sous-secrétaire du ministère de l’Éducation à l’Autorité palestinienne, Jihad Zakarneh, suggère que des autobus transportent les enfants vers les institutions les plus proches. Un voyage qui prend plusieurs heures...

« Au moment où les enfants arrivent à l’école ils sont endormis, car il a fallu les réveiller avant l’aube, » raille Abou Saqr.

« De nombreux pays dans le monde ont subi l’occupation et la colonisation, mais ce qui nous particularise, c’est d’avoir des dirigeants qui sont des traîtres. Ce que je demande au peuple palestinien, c’est de ne pas garder la tête baissée face à eux. Nous devrions lutter contre une seule occupation, et non pas deux. »

Abou Saqr a trois épouses et 25 enfants au total.

« Qui d’autre va protéger ma terre, sinon mes enfants ? » demande-t-il. « Comme on ne peut pas compter sur l’Autorité palestinienne, je pousse ma petite tribu à résister à Israël. »

* Linah Alsaafin, diplômée de l’université de Birzeit en Cisjordanie, est née à Cardiff au pays de Galles et a été élevée en Angleterre, aux États-Unis et en Palestine. Jeune palestinienne de 21 ans, elle écrit pour plusieurs médias palestiniens et arabes.
Son site : http://lifeonbirzeitcampus.blogspot.fr/

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13 mai 2013 - al-Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.al-monitor.com/pulse/ori...
Traduction : Info-Palestine.eu - Naguib


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