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Les forces d’occupation kidnappent un citoyen étasunien, âgé de 14 ans

samedi 20 avril 2013 - 07h:46

Lina Alsaafin

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Ramallah, territoires palestiniens occupés – Avril 2011, dans une des salles d’audience militaires israéliennes de la prison Ofer, trois garçons portant l’uniforme brun du Shabas (service de la prison israélienne) sont assis les pieds entravés, leurs yeux vont de leur juge vers leurs avocats et leurs familles.

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Les troupes israéliennes d’occupation répriment toujours avec une extrême brutalité, les manifestations qui ont lieu devant la prison d’Ofer, en Palestine occupée - Photo : EPA

Le plus jeune est Mohamed Khalq, il a 14 ans. C’est un garçon de petite taille, maigre avec une tache de naissance brun-clair sous l’œil droit, il souffre d’un souffle au cœur depuis sa naissance. Mohamed a été arrêté vendredi 5 Avril, chez lui, à Silwad, un village près de Ramallah, lors d’un raid à deux heures du matin. Huit soldats lourdement armés ont fait irruption dans la modeste maison, réveillant les parents et leurs 6 enfants - le plus jeune a 6 ans- pour les rassembler dans une même pièce. « Les soldats croyaient qu’ils venaient m’arrêter » a raconté le père de Mohamed, Abdelwahab âgé de 45 ans, à Al Jazeera : « quand ils ont vu que Mohamed n’était qu’un gamin, ils ont paru gênés ; ils l’ont tout de même emmené avec eux ».

Mohamed qui a vu le jour à la Nouvelle Orléans, est citoyen étasunien. Il a déclaré avoir été roué de coups à l’intérieur de la jeep militaire puis emmené dans la colonie illégale Ofra, où il aurait passé 12 heures, les yeux bandés, menotté et les jambes enchaînées. Les soldats l’auraient déplacé sans ménagement d’un endroit à l’autre ; il a même été poussé si fort raconte-t-il qu’il est tombé sur une grosse pierre brisant son appareil dentaire.

A 14 heures, il est emmené au centre de détention « Benyamin » où il sera interrogé pendant deux heures sans la présence d’un avocat ou de ses parents. Par la suite son père est arrivé au centre et a demandé à voir son fils. Mohamed confia, à Al Jazeera, que voyant qu’il reconnaissait la voix de son père, ses interrogateurs lui offrirent de le voir en échange de ses aveux d’avoir jeté des pierres. Il avoua ce qu’on lui demandait mais ils ne l’autorisèrent pas à voir son père.

Selon l’Associated Press, un porte-parole militaire israélien aurait déclaré qu’aucune plainte concernant un abus n’a été enregistré lors de la détention du jeune garçon.

Aide juridique ?

Ce n’est que 2 jours plus tard qu’un avocat a pu voir Mohamed, transféré à la prison Ofer à Beitunia, au nord-ouest de Ramallah. Un représentant du consulat étasunien rencontra Mohamed quatre jours après son arrestation, il informa son père « qu’il ne pouvait pas faire grand chose ».

« Que peut-on attendre du gouvernement étasunien ? » se demande Abdelwahab qui a rejoint les territoires occupés palestiniens en 1999, « Ils ont l’obligation d’intervenir pour un enfant né aux USA et de citoyenneté américaine, mais ils ne le feront pas. »

Le Département d’État des États-Unis a confirmé l’arrestation par les autorités israéliennes d’un citoyen américain en Cisjordanie. Un communiqué publié la veille de l’audience de Mohamed stipule : « Nous attendons de tout gouvernement qui arrête un citoyen étasunien de s’assurer qu’il est traité de façon équitable », « notre rôle dans une affaire d’arrestation est de suivre le cas et de veiller à ce que le citoyen soit correctement traité et bénéficie d’un accès à une liste d’avocats, mais aussi de faciliter la communication avec la famille et les amis. »

Les arrestations d’enfants

Mohamed Khalq, élève de troisième, est l’un des 236 enfants palestiniens enfermés dans les prisons de l’occupant selon l’UNICEF. Le fait de posséder un passeport étranger en plus de ses papiers palestiniens ne lui garantit aucun traitement spécial, Mohamed devrait bientôt paraître devant un tribunal militaire qui ne fait pas de différence entre un enfant et un adulte.

Environ 700 enfants sont arrêtés par Israël chaque année selon un rapport publié par l’UNICEF, beaucoup subissent des coups, la violence verbale, l’intimidation psychologique et la privation de sommeil. Depuis l’année 2000, plus de 8000 enfants ont été arrêtés, avec un pourcentage de condamnations par les tribunaux militaires s’élevant à 99.74 %.

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Mohammed est né à la Nouvelle Orléans - Addameer

Ces arrestations font souvent suite à des jets de pierres par les enfants ; cependant, selon l’association Defence for Children International, ces arrestations ont pour but de recruter des collaborateurs et des informateurs pour le compte du gouvernement israélien, afin d’obtenir des informations permettant d’incriminer d’autres personnes, pour pouvoir menacer et intimider ceux qui résistent à l’occupation ou encore pour utiliser les enfants comme monnaie d’échange et faire pression sur les communautés et les politiciens.

Un tribunal militaire pour mineurs a été constitué en vertu de l’ordonnance militaire israélienne 1644 (2009), faisant suite à la critique internationale d’Israël qui jugeait des enfants de 12 ans dans des tribunaux pour adultes les 40 dernières années. Les changements ne sont que de façade selon les analystes. En effet, les enfants continuent d’être jugés dans des tribunaux militaires et sont incarcérés 4 jours sans voir de juge (militaire). Ils peuvent être gardés en détention pendant une période de 60 jours sans avoir été inculpés et jusqu’à 90 jours sans voir d’avocat.

Randa Wahbeh, avocate à Addameer, une organisation de défense des droits des prisonniers, explique « qu’en vertu de l’ordonnance 1651, les enfants âgés entre 14 et 15 ans sont considérés comme de jeunes adultes et donc des mineurs ». « Ils peuvent purger jusqu’à 12 mois de prison sauf si l’infraction entraîne une peine maximale de 5 ans ou plus. Dans le cas de Mohamed, accusé d’avoir lancé des pierres contre un véhicule en mouvement, la peine maximale est de 20 ans ! Théoriquement, il pourrait être condamné à être enfermé pendant une durée maximale de 20 ans. »

Jets de pierres

Firas Sabbah l’avocat de Mohamed, a déclaré que le garçon de 14 ans a été accusé d’avoir lancé des pierres ) à partir de Septembre 2012 et jusqu’au 2 Avril 2013. « Il est impossible de le relâcher sous caution » a déclaré l’avocat « le mieux est de trouver un terrain d’entente. Le problème est que Mohamed a lui-même avoué avoir jeté des pierres, 5 fois par semaine sur la route 60, contre des voitures israéliennes identifiées par des plaques d’immatriculation jaune, et d’en avoir lancé le 2 Avril contre des jeeps militaires alors qu’elles entraient dans Silwad ».

Ce n’est pas possible selon son père.

« Il est impossible qu’il ait jeté des pierres aussi souvent » a soutenu Abdelwahab, qui a été en classe préparatoire aux études médicales à l’université de Colorado. « Sa mère ou moi-même allons le chercher à l’école pour le ramener à la maison. Jeter des pierres ne changera rien à l’occupation israélienne si ce n’est mener le gamin vers la tombe. Selon moi, la résistance se fait par le biais de la connaissance et de l’université. »

L’affaire de Mohamed a été d’abord ajournée au dimanche 14 Avril avant d’être de nouveau reportée au mercredi 17 Avril car le procureur a demandé une prolongation pour étudier le cas en profondeur.

En se levant pour partir, Mohamed lança un petit sourire à son père qui lui conseilla d’organiser son temps en prison, de continuer de lire et de se tenir à l’écart des détenus qui fument pour ne pas aggraver son souffle au cœur : « n’accepte jamais un quelconque médicament qu’ils pourraient te proposer » a prévenu son père « je ne leur fais pas confiance. Prends soin de toi mon fils ».

* Linah Alsaafin, diplômée de l’université de Birzeit en Cisjordanie est née à Cardiff au pays de Galles et a été élevée en Angleterre, aux USA et en Palestine. Jeune palestinienne de 21 ans, à la fois de Gaza et de Cisjordanie, elle est active dans la résistance populaire non armée et blogueuse pour The Electronic Intifada.
Son site est : http://lifeonbirzeitcampus.blogspot.fr/

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14 avril 2013 - Source : Al Jazeera - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.aljazeera.com/indepth/fe...
Traduction : Info-Palestine.eu - Fadhma Nsoumer


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