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Nous aimons présenter nos concitoyens arabes comme des traîtres

samedi 14 avril 2007 - 12h:55

Bradley Burston - Ha’aretz

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Si Azmi Bishara* n’avait jamais existé, la droite l’aurait inventé.

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Bradley Burston

Il y avait l’irrésistible juxtaposition des personnalités et de la rhétorique révolutionnaire, le professeur érudit de philosophie assis à côté du chef du Hezbollah, Hassan Nasrallah au mémorial syrien de Hafez Assad, le chrétien de Nazareth félicitant le Hezbollah pour son exemple héroïque de résistance islamique qui a « élevé l’esprit des Arabes. »

La droite ne peut pas se permettre de perdre Bishara. Bishara est subversif au delà des rêves les plus fous de la droite. Son intelligence, sa clairvoyance, son refus du compromis de premier arabe à se porter candidat pour le poste de premier ministre, ont permis à la droite israélienne de transformer tout cela en trahison.

Bishara a toujours constitué une trop bonne cible. Pour des personnes comme Avigdor Lieberman, Bishara est une arme secrète électorale, c’est le ?carburant’ nécessaire pour n’importe quelle campagne qui surfe sur la peur des Arabes, la haine des Arabes, la suspicion des Arabes, la répugnance du fait qu’ils vivent ici parmi nous - plus d’un million de personnes. Soit un contre quatre d’entre nous.

Néanmoins, Bishara n’est pas notre problème réel. Nous sommes nous-mêmes notre problème.

Il y a quelque chose de profondément ancré chez beaucoup d’entre nous, qui nous rassure dans le fait qu’il suffit de chatouiller un peu les citoyens arabes d’Israël pour qu’ils se montrent eux-mêmes déloyaux.

Un trop grand nombre d’entre nous veulent que nos Arabes soient des traîtres. Trop parmi nous voient les Arabes israéliens comme un groupe, comme des hypocrites, des parasites, leur double fidélité n’étant en fait qu’un mince paravent qui cache le soutien au terrorisme au service de la Palestine.

Il y a un sentiment tranquille chez bon nombre d’entre nous que les Arabes israéliens escroquent l’Etat, y compris quand ils râlent au sujet de l’inégalité et nourrissent des plans pour déjudaïser le foyer national du peuple juif.

C’est à bien des égards une forme d’antisémitisme classique dans laquelle les Sémites en question s’avèrent justement être des Arabes israéliens.

Nous nous plaignons qu’ils vivent à l’écart de nous, qu’ils font étalage de nos lois sur l’affectation des sols, qu’ils évitent de payer les impôts que nous payons, qu’ils sont contents de profiter de notre bien-être, mais qu’ils rejettent la notion de défense du pays.

D’une manière ou d’une autre, cela nous confirme dans le sentiment de réconfort qu’il y a à se trouver en sécurité entre juifs dans un Etat juif. L’aversion que l’on a pour eux, la discrimination sociale, économique et en matière d’éducation, deviennent à nos yeux une simple réponse logique, alors que cette dernière est le produit d’un racisme institutionnel.

Examinons un article qui circule actuellement par e-mail parmi les juifs israéliens.

« Ils sont tellement « opprimés » que la collecte des impôts dans le secteur arabe est une plaisanterie et les statistiques à ce propos sont bien connues de tous ceux qui prennent la peine de les consulter », souligne l’article. « Non seulement, ils ne paient pas l’impôt sur le revenu et la valeur ajoutée, mais ils ne prennent même pas la peine de payer leurs propres impôts municipaux, s’attendant à ce que le gouvernement couvre les déficits qu’ils ont eux-mêmes créés. »

Une condamnation étonnante qui prouve, peut-être plus que tout autre chose, que les Arabes israéliens ont appris remarquablement à être aussi israéliens que leurs concitoyens juifs.

L’article dépeint un tableau de l’Arabe israélien qui se pose en victime écrasée par le racisme et la pauvreté, alors qu’il vit en réalité dans le luxe bien au-delà du niveau de vie du juif israélien moyen. « Ils sont « tellement discriminés » que l’ensemble de la région [arabe] est formée d’habitations unifamiliales, c’est-à-dire des villas et en fait, de vastes châteaux.

Selon l’auteur anonyme, « chacun d’eux vit sur un « jabel » [petite colline] qui lui appartient comme si la terre était une ressource illimitée dans cette région.
« Les résidants [du village arabe israélien de] de Sahnin se plaignent ?de la confiscation des terres’, mais ils oublient que dans Sahnin, 20.000 résidants vivent sur 8.000 dunams, alors que dans Ramat Gan [juif], par exemple, plus de 150.000 personnes vivent sur une surface totale de 12.000 dunams dont un quart dont est réservé à des parcs. »

L’auteur prend plaisir à dénoncer un mélange de trahison et d’hypocrisie qu’il croit répandu chez les Arabes israéliens. « Ils sont si ?opprimés’ que cela les entraîne à s’identifier avec nos pires ennemis, soit l’Iran, le Hezbollah, le Hamas, la Syrie, le Jihad islamique et d’autres encore et personne ne songe à leur demander sérieusement la moindre fidélité à leur propre Etat.

En même temps, l’auteur considère que les Arabes israéliens n’ont aucun intérêt à déménager dans un futur état palestinien. Faisant référence à une proposition de Lieberman, il conclut : « Ils ne sont même pas prêts à rester sur place dans le cadre d’un déplacement de la frontière qui les laisserait en ’Palestine’ sans qu’ils aient besoin d’abandonner leurs maisons. »

En conclusion, nous pouvons tous commencer à bien dormir la nuit, sachant que nous pouvons rendre nos arabes conformes à toutes les idées fausses que nous choisissons. Nous pouvons nous convaincre, en l’espace d’un clic, que les Arabes israéliens jouissent de libertés et d’une prospérité sans égal. Nous pouvons même les accuser de trahison et, en même temps, trouver notre consolation dans leur manque de véritable conviction politique.

Ils vivent ici parmi nous. Nous pouvons les fixer du regard, mais ne pas les voir du tout.

* Par Azmi Bishara : Retour à la case départ


Bradley Burston, écrivain israélien, est journaliste et éditorialiste pour Ha’aretz.

Bradley Burston - Ha’aretz, le 13 avril 2007
We like our Arabs to be traitors
Traduit de l’anglais par D. Hachilif

Et aussi :
- Tolérance à l’israélienne
- Racisme en Israël


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