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Une explosion assurée

mercredi 30 janvier 2013 - 18h:16

Mustafa al-Barghouti

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Alors que tout horizon politique s’est évaporé, les Palestiniens sont actuellement en proie à une crise économique d’une ampleur inégalée dans l’histoire récente. Une violente réaction est, de ce fait, inévitable ! souligne, Mustafa al-Barghouti.

Les développements actuels en Palestine qui font ressortir les points essentiels suivants mènent vers une seule conclusion incontournable :

1- Les Accords d’Oslo et les annexes associées, y compris le Protocole de Paris sur les Relations Économiques sont dans l’impasse.
2- La théorie qui établit que le développement économique Palestinien et le renforcement des institutions sous l’occupation israélienne continue, longtemps embrassée par les Occidentaux et considérée comme la seule option pour la création d’un état indépendant s’est elle aussi effondrée.
3- Les négociations connues sous le nom de « processus de paix » ainsi que la conviction que les USA feraient de véritables pressions sur Israël dans le contexte actuel n’étaient que de pures illusions. Toute foi résiduelle s’est évanouie et ce processus a depuis longtemps dépassé sa date de péremption.

La crise économique accablante qui secoue aujourd’hui les Palestiniens a mis à nu l’ampleur de la fiction sur une possibilité de relancer l’économie Palestinienne sous une occupation qui ne cesse de développer le pire modèle de discrimination raciale et d’apartheid systématisés dans l’histoire. A présent, il n’est plus possible de fuir le problème principal qui est la nécessité de faire face à la campagne israélienne d’expansion des colonies et d’asservissement.

Ces pratiques anéantissent toute possibilité de continuité territoriale et, par voie de conséquence, la perspective de construction d’un état indépendant et viable. Elles détruisent, en même temps, les fondements du développement économique de la Palestine et de sa survie.

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Manifestation contre la politique économique de l’Autorité de Ramallah

La dépendance économique dans les territoires occupés ne se limite pas à l’aide reçue des pays donateurs. En effet, elle est ancrée dans l’incapacité de l’Autorité Palestinienne (AP) à prendre n’importe quelle décision indépendamment des restrictions imposées par les Accords d’Oslo et le Protocole de Paris.

Aujourd’hui, nous constatons que ceux qui ont préféré garder le silence pendant toutes ces années sont en train de payer le prix de leur mutisme et de leur inaction face aux termes injustes des Accords. En d’autres termes, puisque Israël contrôle la plupart des impôts prélevés sur le compte des Palestiniens, il détient le pouvoir d’utiliser les versements des revenus de l’AP comme moyen de chantage politique.

Quant à l’idée de promouvoir une économie de consommation, toujours sous occupation et ce, comme alternative au développement d’une économie de marché s’inscrivant dans le cadre de la lutte de libération nationale, elle apparait tout simplement ridicule. Cette idée que beaucoup trouvent brillante ne s’applique pas à une conjoncture marquée par le contrôle total d’Israël sur plus de 80% de la Cisjordanie en interdisant toute activité économique indépendante sur 62% de ce territoire.

Il faudrait également prendre en considération les retranchements qui séparent, d’une part Jérusalem et la Cisjordanie et d’autre part, la Cisjordanie et Gaza et qui entravent et empêchent l’émergence d’un marché Palestinien unique.

J’ajoute à cela le contrôle d’Israël sur 90% des ressources en eau de la Cisjordanie, obligeant ainsi les Palestiniens à payer le double des tarifs d’eau et d’électricité que paient les Israéliens, sans oublier le régime fiscal et douanier qui impose des prix de marchandises et de produits qui forcent les Palestiniens à payer comme les israéliens sachant que ces derniers ont un revenu par habitant 25 fois plus élevé que celui des Palestiniens.

Pour les Palestiniens de la bande de Gaza, la situation est encore plus sombre après six ans d’un siège économique sans pitié, avec un coût économique et humain énorme.

Pour aggraver l’injustice, Israël exploite les terre et l’eau qu’il confisque, afin d’installer des entreprises israéliennes qui réalisent de juteux profits, et il utilise les milliards de dollars de ressources que cela génère pour construire et étendre les colonies israéliennes et voler le peu qu’il subsiste de ressources naturelles dans les territoires occupés. Cinq ans après l’adoption de la théorie du « développement économique sous l’occupation », la Palestine a un taux de chômage situé au cinquième rang dans le monde. Le chômage des jeunes diplômés en Cisjordanie et à Gaza a atteint 80 pour cent.

Il n’est pas étonnant que ce segment de la population constitue la plus grande proportion de participants au mouvement de protestation en cours en Cisjordanie, contre les coûts croissants de la vie, la pauvreté et le chômage.

30% du budget de l’AP va à la collaboration répressive avec Israël

En raison des pressions exercées par Israël et certains pays donateurs, l’Autorité palestinienne doit allouer 30% de son budget déjà maigre à ses services de sécurité. Par conséquent, les allocations pour l’éducation, la santé, les affaires sociales et de l’agriculture ont diminué. L’agriculture se voit allouer à peine 0,8% du budget de l’AP, en dépit du fait que la Palestine est un pays agraire et que la résistance contre l’occupation a besoin d’un secteur agricole fort.

Tout ce qui précède nous démontre que la Palestine a besoin d’une approche économique radicalement différente, qui renforce la capacité du peuple à rester ferme dans sa résistance contre le régime d’apartheid. Tout un monde sépare une telle approche de celle qui étrangle les Palestiniens par la dette et les maintient sous la poigne d’une économie néo-libérale/consumériste qui leur impose une lutte quotidienne pour simplement joindre les deux bouts.

Dov Weisglass, ancien conseiller d’Ariel Sharon, a résumé la situation avec élégance. Il a déclaré que les Accords d’Oslo étaient le meilleur coup de génie qu’Israël ait jamais eu, car ils perpétuent l’occupation tout en minimisant ses coûts, lesquels ont été reportés sur les épaules du peuple palestinien et des pays donateurs. Ces accords ont rendu l’occupation rentable.

Les Palestiniens ont certainement établi un record mondial, non seulement en étant le peuple qui a vécu le plus longtemps sous une occupation étrangère, mais en étant aussi celui que l’on force à régler la facture de l’occupation.

Ces jours-ci, certains pays donateurs veulent aussi se défaire sur le dos du peuple palestinien, de leur part du fardeau des coûts de l’occupation. Cela explique en partie les décisions peu judicieuses du gouvernement de l’AP d’augmenter les impôts, d’augmenter la taxe sur la valeur ajoutée, et de s’abstenir d’intervenir pour enrayer la folle spirale des prix des carburants et des denrées alimentaires.

Les Palestiniens ont vu leur horizons politique se refermer sur eux, avec en toile de fond une fracture politique interne débilitante et apparemment insoluble. Ajoutez à cela un chômage endémique, une inflation galopante, la pauvreté et les difficultés sans cesse croissante d’un jour sur l’autre dans leur vie quotidienne. N’est-ce pas la recette idéale pour une explosion ?

* Le Dct Mustafa al-Barghouti est Secrétaire général de l’Initiative Nationale Palestinienne, président de la Société d’aide médicale palestinienne, et membre du Conseil Législatif Palestinien.

Du même auteur :

- Résistance palestinienne et éducation - 29 janvier 2013
- Oui, il existe une alternative ! - 12 novembre 2012
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- Guernica en Palestine - 3 janvier 2009
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- Dire les choses comme elles sont - 18 décembre 2008
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17 septembre 2012 - The Palestine Monitor - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.palestinemonitor.org/?p=7424
Traduction : Info-Palestine.eu - CZ & Nour


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