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Israël : le pouvoir « maléfique » des hommes en noir

vendredi 4 janvier 2013 - 19h:06

Yaël Lerer - Le Monde diplomatique

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Le soutien inconditionnel des Etats-Unis et de l’Europe était étroitement lié à l’image d’un Israël « blanc » et libéral, « seule démocratie du Proche-Orient ». Mais, comme chez ses voisins, les laïques en Israël et en Palestine sont devenus une minorité qui se réduit rapidement.

Personne ne s’attend à un changement majeur lors des prochaines élections en Israël, qui se tiendront le 22 janvier prochain. M. Benyamin Netanyahou sera probablement réélu premier ministre, d’autant plus facilement que rien ne sépare la gauche de la droite sur les questions économiques et sociales, l’immigration en provenance d’Afrique, le nucléaire iranien ou encore la Palestine. Le traitement de la population ultraorthodoxe (ou haredi) fait également consensus au sein de la classe politique israélienne.

D’une petite minorité marginale et exotique de quelques dizaines de milliers de personnes dans les années 1950, la société des juifs ultraorthodoxes (lire Qui sont les ultraorthodoxes ?) est devenue un groupe important, représentant environ 14 % de la population juive israélienne, soit à peu près huit cent mille personnes.

Cette communauté ne s’intègre ni au marché du travail ni aux mondes de la recherche et de la culture, à cause à la fois des discriminations dont elle est victime et du manque de formation. Ce dernier aspect reflète un choix de vie fondé sur la religion et les études de la Torah (1) qui célèbre la simplicité, la sobriété et la frugalité, en opposition à la société de consommation.

Régulièrement, et pour de brèves périodes, le sort des haredim revient à la « une » de l’actualité. En mai 2012, le gouvernement de M. Netanyahou a presque perdu sa majorité à la suite d’une proposition de loi sur l’enrôlement des haredim dans l’armée — ils sont dispensés de service militaire. Pendant quelques semaines, tous les acteurs ont débattu de ce problème avant qu’il sombre dans l’oubli. L’affaire de la ville de Beit Shemesh en décembre 2011 a connu un destin similaire.

« Ça ne va pas encore faire une histoire sur l’“exclusion des femmes” ? » , demande l’employée de la sécurité, réceptionniste à l’entrée de la petite mairie de Beit Shemesh. Son pantalon, son piercing dans le nez et ses cheveux teints laissent entendre que Mme Miri Bar, mère célibataire dans la trentaine, n’est pas une juive religieuse, et encore moins une ultraorthodoxe. «  J’habite au milieu d’“eux”, “ils” m’ont engagée, et je n’ai pas honte de dire en leur présence que je suis une laïque et que j’utilise ma voiture le samedi. Personne ne trouve rien à redire. »

Alors que la ville de Beit Shemesh se transformait en symbole de la ségrégation des femmes, de la « coercition religieuse » et du contrôle des espaces publics par des extrémistes ultraorthodoxes, bon nombre de ses résidents, non pratiquants, ultraorthodoxes ou sionistes religieux tenaient le même discours à l’encontre de la couverture médiatique massive de l’agression de Naama Margolis. Les images de cette fillette blonde de 8 ans et de sa mère attaquées sur le chemin de l’école par des voyous ultraorthodoxes tout de noir vêtus sont devenues familières aux téléspectateurs dans le monde entier.

Le concept d’« exclusion des femmes » a ainsi basculé des départements universitaires de gender studies et du jargon féministe à un lieu commun. Mais, bien loin d’inciter à une nécessaire discussion sur la discrimination des femmes en Israël, les médias et les intellectuels israéliens juifs progressistes ont lancé une campagne de stigmatisation de la population ultraorthodoxe.

Les femmes en Israël sont victimes de discrimination, aussi bien par la loi que par les politiques gouvernementales, et sont définitivement exclues de certaines sphères publiques. A titre d’exemple, leur représentation en politique est extrêmement faible : vingt-deux députés sur cent vingt (soit 18 %) ; trois cent cinquante membres des conseils municipaux sur deux mille sept cents (soit 13 %) et trois ministres sur trente et un. Cette réalité est renforcée par le poids des femmes dans la tranche la plus élevée des revenus au sein de la population active (12 %), et celui de ces dernières au niveau du salaire minimum ou moins (65 %) (2).

La part des articles de journaux écrits par des femmes avoisine les 20 %. Le magazine populaire de la deuxième chaîne du vendredi reprend par ailleurs le même schéma : semaine après semaine, M. Yaïr Lapid s’est entouré principalement de commentateurs masculins pour débattre de ce problème, l’unique femme à l’écran étant l’interprète en langue des signes pour malentendants.

Cette tribune a néanmoins été utilisée par M. Lapid — juste avant qu’il abandonne son show télévisuel pour créer un nouveau parti politique populiste— pour dénoncer les haredim comme l’incarnation des forces obscures. M. Lapid a présenté l’histoire de « la petite Naama » comme si insulter et cracher sur les petites filles qui ne sont pas habillées assez « modestement » faisait partie du quotidien des hommes ultraorthodoxes. « C’est ce qui se passe aujourd’hui à Beit Shemesh, une ville qui a surpassé Jérusalem et Bnei Brak en matière d’exclusion des femmes et de contrôle des espaces publics par des extrémistes ultraorthodoxes », assène-t-il. Et il s’interroge pour savoir si « Beit Shemesh est une allégorie de l’avenir réservé à d’autres villes en Israël  ».

« Ce fut le coup d’envoi de la campagne électorale de Yaïr Lapid, explique M. Matti Rosenzweig, porte-parole de la municipalité de Beit Shemesh. Jusqu’à ce qu’il quitte son émission pour entrer officiellement en politique, nous ne comprenions pas pourquoi il revenait sur un incident qui s’était produit il y a quatre mois et qui ne reflétait pas la réalité quotidienne de Beit Shemesh. Lapid utilise la haine contre les haredim pour gagner en popularité. »

Beit Shemesh, autrefois petite ville isolée de vingt mille âmes, est devenue en vingt ans une cité prospère avec une population de quatre-vingt-dix mille habitants. La plupart des nouveaux arrivants sont des haredim et des sionistes religieux. Etre haredim est un choix, il n’existe aucun mécanisme de coercition qui puisse forcer les gens à le rester, du moins théoriquement. Pourtant, très peu quittent la communauté, probablement pas plus d’une ou deux centaines par an. Cette dynamique reflète un processus fort d’éducation et de socialisation. Se considérant comme l’élite, les enfants des haredim sont peu exposés à la société en général ; ils demeurent dans des écoles séparées jusqu’à ce qu’ils se marient, l’âge moyen de l’union étant de 19 ans pour les femmes et de 20 ans pour les hommes. A 25 ans, avec trois enfants en moyenne, ces couples sont déjà bien intégrés dans la communauté.

Antisioniste, l’Edah Haredit est l’un des groupes ultraorthodoxes les plus fondamentalistes parmi ceux qui se sont installés à Beit Shemesh. Alors que la grande majorité des haredim participe au système politique et jouit de l’Etat-providence, ce groupe boycotte les élections, aussi bien nationales que municipales, et n’accepte aucun financement public. Nombre de ses membres renoncent même à leurs droits sociaux, tels que les allocations familiales. Comme certains groupes anarchistes, l’Edah a une profonde culture de protestation, dirigée non seulement contre le « gouvernement sioniste hérétique », mais également contre toute autorité et en particulier contre les forces de police. Aucune limite ni tabou n’existe dans leurs manifestations offensives et créatives, que la cible soit un organisme d’Etat, un autre groupe ultraorthodoxe ou même une autre faction de l’Edah. Bien que vivant à l’écart de la majorité des haredim, les membres expérimentés de l’Edah ont été à l’avant-poste de nombreux rassemblements des ultraorthodoxes en réaction aux manifestations organisées contre leur communauté.

Dominant naguère, l’Edah représente désormais une faible minorité de la population ultraorthodoxe et ne compte désormais plus que quelques milliers de familles, résidant dans le célèbre quartier de Mea Shearim à Jérusalem et, depuis le milieu des années 1980, à Beit Shemesh, à seulement trente kilomètres de Jérusalem, dont le prix est plus accessible. Parmi les six cents familles de l’Edah qui ont emménagé à Beit Shemesh, cinquante ou soixante sont des foyers de militants dévoués. Pendant un certain temps, ils ont organisé une veille quotidienne contre la simple existence de l’Etat. Il leur arrive d’accrocher des drapeaux palestiniens à leur balcon, et, chaque fois que l’occasion se présente, ils jettent des œufs sur les policiers et les journalistes, brûlent des poubelles et bloquent la route principale. Si leur culture de protestation peut se comparer à celle des anarchistes, leur tendance à la division politique les rapproche des trotskistes.

A Mea Shearim comme à Beit Shemesh, la communauté Edah vit parmi les autres groupes ultraorthodoxes. Ils considèrent leur quartier comme une zone libre et autonome, où leurs habitudes doivent être respectées. Les autorités ont été complaisantes pendant des années envers eux et ont toujours autorisé, par exemple, les panneaux demandant aux femmes d’éviter les vêtements « impudiques ». Le langage insultant, qui fait de chaque agent de police un « Hitler » et des politiciens ultraorthodoxes des « hérétiques » et des « traîtres », qualifie les femmes et les filles qui portent des vêtements à manches plus courtes de « putains » ou de « salopes ». Dans les cas où les femmes ont été brutalement agressées par des hooligans appartenant à ces groupes, la police n’a pas mené de véritable enquête ni traduit en justice les délinquants. Les médias nationaux ont fait preuve d’une semblable tolérance en évitant d’attirer l’attention sur ces incidents.

Située à mi-chemin entre Jérusalem et Tel-Aviv, dans un paysage d’une beauté à couper le souffle, Beit Shemesh est construite comme une mosaïque. Au-dessus de ses résidents d’origine laïque et traditionnelle, Beit Shemesh a logé tous les groupes religieux dans deux grands quartiers situés sur deux collines séparées. L’un d’eux est exclusivement peuplé d’ultraorthodoxes. Là, les normes de « pudeur » sont élevées, les femmes ne conduisent pas et il n’existe aucun café ni restaurant où les hommes et les femmes peuvent s’asseoir ensemble. La majorité de la population vivant sur l’autre colline, également ultraorthodoxe, doit composer avec la présence massive de riches immigrants pratiquants venus des Etats-Unis et de France. Les haredim traditionnels, les haredim modernes et les sionistes religieux vivent ainsi ensemble, chaque communauté ayant ses propres écoles et synagogues.

« Beit Shemesh est une allégorie, affirme M. Rosenzweig, dynamique porte-parole de la mairie de Beit Shemesh et strict ultraorthodoxe lui-même, c’est une allégorie de la coexistence pacifique, du vivre ensemble.  » « Nous croyons en un “Beit Shemesh pour tous” , déclare le maire, M. Moshe Abutbol. Quand j’ai pris mes fonctions, j’ai réalisé que j’étais le maire et non le grand rabbin de la ville, et que mon devoir était de servir tous les secteurs de la population.  » M. Abutbol, premier maire ultraorthodoxe de la ville, a été soutenu également par un grand nombre d’électeurs laïques. « Nous sommes fiers de notre qualité de vie et de nos différents systèmes éducatifs ; Beit Shemesh doit rester attrayante pour tous, et c’est dans ce but que nous lançons aussi des programmes de logement destinés aux laïques et aux sionistes religieux. »

Quatre services culturels différents existent à Beit Shemesh ; chacun dispose de son propre budget et organise des événements destinés à une partie de la population. « En tant que municipalité, notre rôle est de fournir les installations, et non d’imposer quelque contenu que ce soit. Ce sera le cas pour le nouveau centre culturel et le grand auditorium que nous sommes en mesure de construire en raison de la croissance de la population : il s’y tiendra des événements adaptés à chaque groupe de population. » Il ajoute : « Et en tant que maire, j’assiste à tous les événements et je félicite les organisateurs, même quand l’événement est en contradiction avec mes convictions religieuses. Je suis contre toute forme de coercition. »

Mme Avivit Deri-Adlan, la jeune directrice de la piscine municipale, tient un discours similaire : « Notre devoir est de contenter tout le monde. Nous avons des horaires distincts pour les hommes et pour les femmes, ainsi que des plages horaires mixtes. C’est vrai, chaque communauté veut toujours obtenir plus, mais nous essayons de trouver un juste milieu et de satisfaire tout le monde. »

La piscine abrite l’équipe de natation de Beit Shemesh : «  Les haredim ne participent pas à cette activité car elle est mixte. Nous n’avons que très peu de nageurs religieux, et la majeure partie de notre équipe est composée d’immigrés russes. » L’entraîneur de l’équipe est un Palestinien de Jérusalem, chose surprenante compte tenu de la ségrégation habituelle en Israël et en Palestine. « Ce qui nous intéresse, ce sont les scores et les victoires, non l’appartenance à un groupe quelconque », dit-elle. Mme Deri-Adlan se définit comme religieuse, mais loin du monde ultraorthodoxe : « En toute franchise, nous avions peur de nous voir imposer des changements lorsque les haredim ont investi la ville, mais je pense qu’ils ont été les premiers à comprendre l’importance de la coexistence », conclut-elle.

Comment ce monde idyllique a-t-il pu basculer dans la violence contre les petites filles ? Apparemment, tout a commencé par un conflit immobilier. « Plusieurs écoles ultraorthodoxes à Beit Shemesh sont dans des bâtiments temporaires, comme des caravanes, à cause d’années de négligence, explique M. Rosenzweig. Il y a deux ans, quand les travaux de construction ont commencé, les haredim manifestaient déjà contre la municipalité, exigeant que les écoles ultraorthodoxes soient construites dans ce quartier, qui est situé près de chez eux. Avant le début de l’année scolaire, une poignée de zélotes ont fait irruption dans l’immeuble ; ils ont essayé d’en empêcher l’ouverture. Quand ils ont commencé à insulter et à cracher sur la petite fille, toute la communauté ultraorthodoxe de Beit Shemesh s’est mobilisée contre eux. »

Il est à noter que l’école des filles Orot illustre la tendance croissante à la ségrégation entre les sexes et à l’obsession de la « modestie » au sein des communautés sionistes religieuses. Dans la dernière décennie, le nombre d’écoles élémentaires (6-12 ans) « étatiques religieuses » qui séparent les enfants des deux sexes a augmenté, passant de cent quarante (soit 25 % des écoles) à trois cent quatre-vingt-onze (65 %) (3). Vingt ans auparavant, les petites Naama allaient dans des écoles mixtes en short et T-shirt. Aujourd’hui, Naama et ses amies sont obligées de porter des jupes longues, non à cause d’une poignée de fanatiques, mais du fait de leurs parents.

Comment ces petites filles ont-elles pu être transformées en actrices d’une « guerre culturelle » médiatique ? La première à le dénoncer fut Mme Pirhiya Nachmany, directrice de l’école de Naama. Dans une lettre aux parents, elle écrit : « Nous devrions concentrer notre lutte sur le devoir qu’ont les autorités de fournir une sécurité totale à nos enfants et à tous les autres citoyens qui souffrent de la violence des extrémistes. Nous ne devrions pas prendre part à la vague d’hostilité envers la communauté ultraorthodoxe dans son ensemble. Je tiens à rappeler à tous que nous avons beaucoup de choses en commun avec les haredim modérés. Parfois, certains de ceux qui se sont portés volontaires pour se battre à nos côtés aujourd’hui ne comprennent pas toujours les raisons pour lesquelles nous insistons sur la séparation entre garçons et filles dans le système scolaire et dans certaines activités comme la natation et la gymnastique (4). »

Un autre incident, largement couvert par les médias, démontre la radicalisation parmi les sionistes religieux. En septembre 2011, des élèves officiers sionistes religieux quittèrent une cérémonie militaire, ayant refusé d’écouter des femmes qui chantaient. L’armée avait déjà interdit aux femmes de chanter à la suite d’événements similaires. L’influence des sionistes religieux sur l’armée est considérable, en partie grâce à leurs relations symbiotiques avec les colons. Mais pas seulement. Dans la promotion de l’école d’officiers d’infanterie, quatre-vint-treize des deux cent vingt-trois cadets, soit 41 %, étaient des sionistes religieux.

Pourtant, au lieu de susciter une manifestation publique contre l’armée ou le gouvernement, les médias ont relié entre eux des faits disparates et ont désigné de cette façon la source imaginaire de tous les maux : les haredim vêtus de noir, le pouvoir maléfique par excellence. Le fait que ces deux événements emblématiques n’aient rien à voir avec la grande majorité des haredim ni avec les partis politiques ultraorthodoxes semble complètement hors de propos.

Les slogans à l’encontre de la coercition religieuse supposément menée par les haredim contredisent la réalité de la sphère publique, plus laïque que jamais. Quand les haredim étaient un groupuscule minoritaire, la plupart des restaurants en Israël ne servaient que de la nourriture casher ; à présent, manger kasher à Tel-Aviv est devenu un véritable défi. A Jérusalem, les cinémas et les bars étaient auparavant fermés le vendredi soir, ce n’est plus le cas depuis plusieurs années. Et, malgré leur influence politique, les partis ultraorthodoxes n’ont imposé pendant presque vingt ans aucune proposition de loi religieuse.

Cette vague de haine serait selon les chroniqueurs ultraorthodoxes à imputer en grande partie aux ambitions politiques de M. Yair Lapid. M. Netanyahou et tous les dirigeants des partis laïques ont jeté de l’huile sur le feu, suggèrent-ils, parce qu’ils ne veulent pas perdre leur électorat au bénéfice de M. Lapid.

Le comportement de M. Netanyahou pourrait pourtant bien avoir pour origine une conférence privée de Mme Hillary Clinton au forum Saban à Washington. Le 3 décembre 2011, au moment même où le camp progressiste en Egypte et ailleurs était accablé par l’évidente puissance des forces religieuses reflétée par le succès des salafistes aux élections, Mme Clinton se disait stupéfaite par l’expression d’une culture parallèle : l’exclusion des femmes des espaces publics en Israël. « Cela ressemble plus à l’Iran qu’à Israël », concluait-elle (5).

Elle faisait référence à un article du Washington Post dans lequel l’auteure, Ruth Marcus, attribue une longue liste d’actes d’exclusion ou de boycott des femmes à la « minorité en chapeaux noirs ». « L’Arabie saoudite sous l’emprise misogyne de la charia ?, demande Marcus. Triste, incroyable, exaspérant ! C’est Israël, sous l’influence grandissante et les exigences de plus en plus affirmées des ultraorthodoxes. »

Marcus va encore plus loin : ce qui est toléré de la part des autres alliés des Etats-Unis est insupportable concernant Israël, qui peut obtenir un soutien inconditionnel pour sa politique, mais pas en tant que pays ayant une culture religieuse similaire à celle de ses voisins du Proche-Orient : « Ainsi que l’ont bien compris les responsables israéliens, la manière dont on traite les femmes dans la société israélienne n’est pas un problème purement interne — c’est aussi une question de sécurité nationale. Les contribuables américains, et les Américains juifs en particulier, n’accepteront pas de voir Jérusalem comme une petite Riyad (6) ».

Les responsables israéliens l’ont très vite compris. A la première occasion, le président Shimon Pérès déclara que « tout type de discrimination est une grave erreur qui doit être corrigée dès que possible. La question de l’exclusion des femmes ou de l’interdiction de chanter en public pour les femmes a récemment attiré l’attention. Nous ne devons pas transformer nos espaces publics en lieux de conflit avec nos valeurs fondamentales  », tandis que M. Netanyahou affirmait :« Je le dis sans équivoque : je suis farouchement opposé à l’exclusion des femmes. » Le jour suivant, une équipe interministérielle était mise en place pour lutter contre l’exclusion des femmes (7).

Apparemment, M. Netanyahou et ses ministres, ainsi qu’un bon nombre d’intellectuels israéliens, ont réalisé que le soutien inconditionnel des Etats-Unis et de l’Europe était étroitement lié à l’image d’un Israël « blanc » et libéral, « seule démocratie du Proche-Orient ». Cette fois, la volonté de préserver cette image a pris la forme d’une offensive contre les haredim.

(1) Torah, la loi en hébreu désigne les cinq premiers livres de la Bible, aussi appelés livres de Moïse.

(2) Lire 10 facts you probably didn’t know about women in Israel » (PDF), Adva center, 2010

(3) Haaretz en hébreu, 5 décembre 2011.

(4) Lire Une lettre aux parents des élèves d’école des filles Orot (hébreu), Pirhiya Nachmany, 9 janvier 2012.

(5) Lire Clinton warns of Israel’s eroding democratic values, Haaretz, en anglais, 5 décembre 2011.

(6) The Washington Post, 12 janvier 2011.

(7) Lire Peres, Netanyahu speak out against women’s exclusion, Y-net (anglais), 12 décembre 2011.

Yaël Lerer - Fondatrice de la maison d’édition Andalus, Tel-Aviv.

Janvier 2013 - Le Monde diplomatique


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