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Les fruits empoisonnés du changement

jeudi 27 décembre 2012 - 06h:00

Khaled Amayreh

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Les révolutions dans la région ont profondément modifié l’équilibre de la politique intérieure palestinienne et du conflit avec Israël .

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Ismael Haniyeh avec Moncef Marzouki à Tunis - Photo : ingazatoday

TPO - La plupart des Palestiniens ont réagi avec un certain enthousiasme au « Printemps arabe », espérant que l’éviction de dictateurs dans un certain nombre de capitales arabes était de bon augure pour la cause palestinienne.

D’autres étaient plus partagés. Ils soutenaient les révolutions arabes par principe, tout en exprimant leur consternation de voir des capitales arabes centrées sur leurs affaires intérieures pendant une longue période, sans doute jusqu’à la restauration de la stabilité. Cela aurait un effet négatif, arguaient-ils, sur la cause palestinienne en général.

Mais certains groupes, notamment des éléments du Fatah et de la gauche palestinienne et certains intellectuels laïques étaient embarrassés par le fait que les islamistes étaient à l’avant-plan et raflaient plus ou moins les fruits des révolutions, fût-ce via des mécanismes démocratiques.

Que ce soit dans la bande de Gaza ou en Cisjordanie, les cadres palestiniens ont rapidement développé des relations proches avec les nouveaux dirigeants au Caire et à Tunis. (La Libye reste une exception, sans doute à cause de l’instabilité de la situation intérieure dans le Maghreb).

La Tunisie a exprimé un soutien quasi illimité à la cause palestinienne. C’était une réorientation nette des politiques du précédent régime de M. Ben Ali, qui recherchait les faveurs d’Israël, principalement pour obtenir un certificat de bonne conduite des Etats-Unis.

Le Premier ministre de Gaza, Ismaël Haniyeh, a visité la Tunisie en janvier dernier, suscitant des réactions négatives de la part de l’Autorité Palestinienne (AP) basée à Ramallah, qui a considéré la visite comme une manière d’évincer l’OLP en tant que seule représentation légitime du peuple palestinien.

Mais les autorités révolutionnaires à Tunis n’étaient pas d’humeur à se laisser contraindre par la direction de l’AP, qui avait entretenu des relations de proximité avec le précédent régime. Tunis avait été le quartier général de l’OLP en exil sous Yasser Arafat, avant que les Accords d’Oslo avec Israël n’assurent aux Palestiniens une autonomie limitée de la bande de Gaza et des parties de la Cisjordanie.

Haniyeh a été accueilli chaleureusement par les autorités tunisiennes, y compris le Premier ministre Hamadi Jabali et le dirigeant de Ennahda, Rached Ghannouchi.

Comme on pouvait s’y attendre, la visite a rendu Israël fou de rage, qui la voyait comme le triste signal final après tant d’années de laborieux efforts pour normaliser les relations avec la Tunisie.

EGYPTE

L’Egypte a toujours été vue par la plupart des Palestiniens comme une sorte de « grand frère ». Même sous le régime défunt de Moubarak, l’AP avait de bonnes relations avec le président Hosni Moubarak, en dépit – certains diront à cause - des efforts répétés de ce dernier pour apaiser Israël à tout bout de champ, même aux dépens des Palestiniens.

L’approche obséquieuse de Moubarak à l’égard des Israéliens exaspérait les islamistes qui accusaient le régime Moubarak de connivence avec l’Etat sioniste contre le gouvernement de Gaza. En effet, la collusion perçue avec Israël de la part du régime Moubarak n’a jamais été plus claire et plus provocatrice que pendant la sanglante agression israélienne en 2008-2009, qui a suscité la colère de pratiquement tous les Palestiniens, à l’exception du Fatah et du régime de Ramallah.

Avec l’éviction du Président Moubarak du pouvoir, les islamistes palestiniens ont été soulagés. Plus précisément, l’élection du Président Mohammed Morsi en juin a déclenché des réaction quasi euphoriques, les islamistes palestiniens la jugeant comme la meilleure nouvelle pour la cause palestinienne depuis l’arrivée du Président égyptien Gamal Abdel Nasser.

Quant à Mohammed Morsi, il n’a pas voulu donner l’impression de prendre parti dans la crise entre Fatah et Hamas. Néanmoins, les islamistes palestiniens ont continué à voir en Morsi « notre homme au Caire ». L’affinité idéologique entre les Frères Musulmans, dont est issu Mohammed Morsi, et le Hamas, était trop importante et s’avérait un facteur trop dominant pour être ignorée ou minimisée dans les calculs politiques.

Mais la chaleur des relations entre Le Caire et Gaza a subi un bref revers en 2012 quand en août des terroristes du Tafkir affiliés à al-Qaïda assassinèrent 17 soldats égyptiens près du poste-frontière avec Gaza. Au début, la rumeur voulait que le Hamas pouvait être impliquée dans les meurtres, mais la suite de l’enquête a établi que cette rumeur était fausse.

En tant qu’opposant à l’attitude du Caire sous Moubarak, le Président Morsi a adopté une approche proactive en soutenant les Palestiniens durant la dernière agression israélienne contre Gaza à la mi-novembre. Dans un message sans ambiguïté adressé à Israël, Morsi envoya le Premier ministre Hicham Kandil à Gaza au milieu des bombardements, en un geste de solidarité. En outre l’ambassadeur d’Israël au Caire fut prié de quitter tandis que l’ambassadeur d’Egypte était rappelé.

Toutefois l’Egypte n’a pas soutenu militairement les Palestiniens, en raison des nouvelles réalités de la géopolitique moyen-orientale, à savoir qu’Israël n’allait pas « trop loin » dans les meurtres et les mutilations des Gazaouis, tout au moins en comparaison des milliers de victimes parmi les civils palestiniens tombés pendant les attaques-éclair de 2008-2009.

On croit généralement que l’une des principales raisons derrière la récente agression était le désir israélien de persuader les Palestiniens, et en particulier le camp islamiste, qu’Israël maintiendrait son comportement caractéristique – à savoir les attaquer et tuer leurs enfants – quelles que puissent être par ailleurs les réussites politiques des islamistes.

Cependant les tergiversations d’Israël quant au lancement d’une attaque terrestre sur Gaza semblaient signifier quelque part que les dirigeants israéliens n’étaient pas indifférents aux changement politiques au Caire.

En effet, ayant échoué à anéantir le Hamas malgré la poursuite du blocus de l’enclave côtière, ils ont manifestement permis aux Palestiniens de se déclarer « victorieux » en dépit de l’ampleur des tueries et des destructions qui leur ont été infligées. En effet, aux yeux de beaucoup d’observateurs, cette situation où le colosse juif Goliath échoue à écraser le Palestinien David, quasi sans ressources mais déterminé, et qui a réussi à assurer sa survie, devrait être vue comme une victoire morale et politique du Hamas.

SYRIE 

2012 a vu l’effondrement quasi total des relations entre le Hamas et le régime syrien. Le Hamas, qui s’est retrouvé sous une intense pression publique pour qu’il se distancie du régime génocidaire des Assad, a fermé ses bureaux dans la capitale syrienne tandis que ses dirigeants, notamment Khaled Mechaal et Moussa Abou Marzouk, quittaient la Syrie pour de bon.

Furieux de « l’ingratitude du Hamas », le régime syrien a ouvertement attaqué des réfugiés palestiniens, en particulier dans le camp de réfugiés de Yarmouk à Damas.

Des centaines de Palestiniens ont été tués et blessés quand l’armée de l’air syrienne a bombardé ce camp.

D’après les derniers rapports de Damas, quelque 95 % sur les 175.000 réfugiés palestiniens qui formaient le total estimé de la population du camp ont fui, cherchant refuge ailleurs.

Le régime alaouite de Damas soupçonne les réfugiés palestiniens sunnites de sympathie avec les combattants syriens principalement sunnites qui se battent pour mettre un terme à des décennies de dictature alaouite. Les dirigeants palestiniens ont déclaré qu’ils continuaient d’observer soigneusement une neutralité absolue dans le conflit syrien. Ces dirigeants disent que tout en soutenant le droit du peuple syrien à être libre, ils sont préoccupés par les perspectives du régime et la brutalité de ses acteurs, connus comme shabbiha ("brutes, bandits, voyous"), qui perpètrent encore des massacres injustifiés à l’encontre de Palestiniens démunis.

Perspective d’un Etat 

Selon certains intellectuels politiques, le Printemps arabe a peut-être rendu plus lointaines que jamais les perspectives d’instauration d’un Etat palestinien. Ce pronostic se base sur l’hypothèse que le Printemps arabe a encouragé des millions d’arabes et de musulmans dans le monde à rejeter Israël comme une entité qui n’appartient pas à la région.

Un écrivain palestinien de la région d’Hebron commentait en disant que la dernière chose au monde à laquelle il s’attendrait serait que le Printemps arabe accorde à Israël sa reconnaissance.

« Je pense que le Printemps arabe a rendu les perspectives de création d’un état palestinien plus lointaines que jamais. Cela n’est pas nécessairement mauvais, puisque la création d’un Etat arabe déformé sur une petite partie de la Palestine historique serait une liquidation de fait de la cause palestinienne » dit Mahmoud Nammoura, écrivain et historien de la ville de Dura au sud-est d’Hebron.

La dimension islamiste évidente du Printemps arabe pourrait aussi encourager les masses arabes et palestiniennes à rejeter des compromis territoriaux et autres avec Israël, notamment sur des questions telles que le droit primordial au retour pour des millions de réfugiés palestiniens.

Cela ne manque pas de fournir à Israël une excuse pour maintenir une politique d’intransigeance à l’égard d’un compromis historique à conclure avec les Palestiniens.

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19 décembre 2012 -Al-ahram weekly - Vous pouvez consulter cet article à :
http://weekly.ahram.org.eg/News/629...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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