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Encore une guerre superflue ...

mardi 20 novembre 2012 - 10h:21

Uri Avnery

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Comment ça a commencé ? Question stupide.

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L’image des FDI montre un site souterrain pour le lancement de missiles Fajr-5 Zeitoun, Gaza-Ville (Photograph : Israeli Defence Forces/EPA)

Les conflagrations dans la bande de Gaza ne commencent pas. Elles sont juste un chaîne continue d’événements, chacun se prétendant « en représailles du précédent. L’action est suivie d’une réaction, qui est suivie de représailles, qui sont suivies de ....

Cet événement particulier « a commencé » par le tir depuis Gaza d’une arme antichar vers une jeep semi-blindée du côté israélien de la clôture frontalière. On le décrit comme représailles pour le meurtre d’un garçon lors d’une attaque aérienne quelques jours plus tôt. Mais sans doute le minutage de l’action était-il accidentel - l’occasion s’était juste présentée.

Le succès a donné lieu à des manifestations de joie et de fierté à Gaza. Une fois encore, les Palestiniens avaient montré leur capacité de frapper l’ennemi tant haï.

Cependant, les Palestiniens étaient tombés dans un piège préparé avec grand soin. Que l’ordre ait été donné par le Hamas ou par une des factions plus petites, plus extrémistes - ce n’était pas la chose la plus intelligente à faire.

Tirer à travers la clôture sur un véhicule de l’armée c’était franchir une ligne rouge. (Le Moyen-Orient est plein de lignes rouges). Une réaction israélienne majeure allait certainement suivre.

Rien que la routine. Les chars israéliens ont tiré des obus de canon dans la bande Gaza. Le Hamas a lancé des roquettes sur le villes et villages israéliens. Des centaines de milliers d’Israéliens se sont précipités dans leurs abris. Les écoles ont fermé.

Comme d’habitude, les Egyptiens et autres médiateurs sont entrés en action. Derrière les scènes, une nouvelle trêve a été arrangée. On dirait que ça se termine. Juste un autre partie.

Le côté israélien fit tout pour revenir à la normale. Semblait-il. Le Premier Ministre et le Ministre de la Défense ont quitté leur route (pour la frontière syrienne) pour montrer que Gaza leur était sorti de l’esprit.

A Gaza, tout le monde s’est détendu. Ils ont quitté leurs abris. Leur commandant militaire suprême, Ahmad Ja’abari, est monté dans sa voiture et a roulé dans la rue principale.

Et puis le piège s’est refermé. La voiture transportant le commandant a été pulvérisée par un missile aérien.

Un tel assassinat ne s’exécute pas sous l’impulsion du moment. C’est le moment culminant de mois de préparation, d’informations collectées, d’attente du bon moment, pour être exécuté sans tuer trop de passants ni causer un scandale international.

En fait il était prévu de l’exécuter un jour avant, mais ce fut remis en raison du mauvais temps.

Ja’abari était l’homme derrière tous les succès militaires du gouvernement Hamas à Gaza, y compris la capture de Gilad Shalit et les cinq années réussies à le garder caché. Il avait été photographié lors de la remise de Shalit aux Egyptiens.

Cette fois ce sont donc les Israéliens qui jubilaient. Un peu comme les Américains après l’assassinat de Ben Laden.

L’assassinat de Ja’abari fut le signal pour démarrer l’opération planifiée.

La bande de Gaza est pleine de missiles. Certains d’entre eux peuvent toucher Tel Aviv, à quelque 40 km. Les militaires israéliens ont longuement planifié une opération qui en détruirait le plus possible depuis les airs. Le renseignement a patiemment accumulé des informations sur leur localisation. C’est là le but de l’opération « Pilier de Nuages » ("Et le seigneur est allé au-devant d’eux dans un Pilier de Nuage pour leur montrer la voie" Exode 13:21)

En écrivant ceci, j’ignore encore comment tout cela finira. Mais on peut déjà tirer certaines conclusions.

Tout d’abord, ceci n’est pas Plomb Durci II. Loin de là.

L’armée israélienne est plutôt bonne pour tirer discrètement les leçons de ses failles. Plomb Durci a été célébré comme un grand succès, en réalité ce fut un désastre.

Envoyer des troupes dans une zone densément peuplée ne peut que causer de lourdes pertes civiles. Les crimes de guerre sont presque inévitables. La réaction mondiale a été catastrophique. Les dommages politiques ont été immenses. Le chef d’état major de l’époque, Gabi Ashkenazi, a été acclamé mais en réalité c’était le type du militaire plutôt primitif. Son successeur actuel est d’un tout autre calibre.

Donc, toutes déclarations grandiloquentes sur la destruction du Hamas et la restitution de la bande de Gaza à l’Autorité palestinienne ont été évitées cette fois-ci.

L’objectif d’Israël, a-t-on déclaré, est de causer le maximum de dommages au Hamas avec un minimum de victimes civiles. On espérait pouvoir y arriver presque entièrement par l’usage de la force aérienne. Dans la première phase de l’opération, cela semble avoir réussi.

La question est de savoir si cela peut durer si la guerre se poursuit.

Comment cela va-t-il finir ? Il serait téméraire de deviner. Les guerres ont leur propre logique. Les choses arrivent, comme disait l’homme.

Benyamin Netanyahou et Ehoud Barak, les deux hommes aux commandes suprêmes, espèrent que la guerre ralentira une fois les principaux objectifs atteints. Il n’y aurait donc aucune raison d’utiliser l’armée de terre, d’entrer dans la bande de Gaza, de tuer des gens, de perdre des soldats.

La dissuasion sera restaurée. Une autre trêve entrera en vigueur. La population israélienne près de Gaza pourra passer des nuits tranquilles pendant plusieurs mois. Le Hamas sera découpé à la dimension voulue.

Mais tout l’exercice changera-t-il la situation de base ? Sans doute que non.

Ja’abari sera remplacé. Israël a assassiné des dizaines de dirigeants politiques et militaires arabes. En effet : il est le champion mondial de ce genre d’assassinats, qu’il appelle pudiquement « préventions ciblées » ou « éliminations ». Si c’était un sport olympique, le Ministre de la Défense, le Mossad et le Shin Bet crouleraient sous les médailles.

Quelquefois on a l’impression que les assassinats sont un but en soi, et les autres opérations, juste des incidents. Un artiste est fier de son art.

Quels ont été les résultats ? En général, rien de positif.

Israël a tué le dirigeant du Hezbollah Abbas al-Moussawi, et a eu à la place un Hassan Nasrallah, bien plus intelligent. Ils ont tué le fondateur du Hamas, le Cheik Ahmad Yassine, et il a été remplacé par des hommes plus compétents. Le successeur de Ja’abari peut être plus ou moins capable. Cela ne fera pas une grande différence.

Cela stoppera-t-il l’avance incessante du Hamas ? J’en doute. Peut-être est-ce le contraire qui va se produire. Le Hamas a déjà réussi une percée significative quand l’émir du Qatar (propriétaire d’Aljazira) a rendu une visite officielle à Gaza. Il a été le premier chef d’Etat à le faire. D’autres vont forcément suivre. Le Premier Ministre égyptien est venu à Gaza, en plein milieu de l’opération.

L’opération « Pilier de Nuages » oblige tous les pays arabes à s’unir autour du Hamas, ou du moins à le prétendre. Elle discrédite la plainte d’organisations extrémistes à Gaza selon laquelle le Hamas serait devenu modéré et paisible, jouissant des fruits de la gouvernance. Dans la bataille pour l’opinion palestinienne, le Hamas a remporté une autre victoire sur Mahmoud Abbas, dont la coopération sécuritaire avec Israël paraît d’autant plus méprisable.

Dans l’ensemble, rien de fondamental ne va changer. Encore une guerre superflue ...

C’est bien sûr, un événement hautement politique

Comme Plomb Durci, il se produit à la veille des élections israéliennes. (Tout comme, soit dit en passant, la guerre de Yom Kippur, mais celle-là fut décidée par l’autre côté).

Une des visions les plus lamentables de ces derniers jours a été l’apparition télévisuelle de Shelly Yachimovich et Ya’ir Lapid. Les deux nouvelles étoiles montantes du ciel politique israélien se sont montré des politiciens mesquins, singeant la propagande de Netanyahou, approuvant tout ce qui s’est fait.

Tous deux avaient accroché leur wagon aux protestations sociales, espérant que les questions sociales supplanteraient à l’ordre du jour des sujets comme la guerre, l’occupation et les colonies.

Quant le public se préoccupe du prix du camembert, qui se soucie de politique nationale ?

J’ai dit à l’époque qu’une bouffée d’action militaire ferait s’évaporer tous les sujets économiques et sociaux comme frivoles et déplacés. C’est ce qui arrive maintenant.

Netanyahu et Barak passent à la télévision plusieurs fois par jour. Ils ont l’air responsables, sobres, déterminés, pleins d’expérience. De vrais hommes-forts, commandant les troupes, modelant les événements, sauvant la nation, montrant la voie aux ennemis d’Israël comme à tout le peuple juif. Comme Lapid l’a dit de lui-même en direct à la télévision : « Le Hamas est une organisation terroriste antisémite qui doit être écrasée ».

C’est Netanyahou qui le fait. Adieu Lapid. Adieu Shelly. Adieu Olmert. Adieu Tzipi, ç’a été chouette de vous voir.

Y avait-il une alternative ? Evidemment, la situation près de la bande de Gaza était devenue intolérable. On ne peut pas envoyer toute une population aux abris toutes les deux ou trois semaines. A part frapper le Hamas à la tête, que peut-on faire ?

Bien des choses.

Tout d’abord, vous pouvez vous abstenir de « réagir ». Il suffit de couper la chaîne.

Ensuite, vous pouvez parler avec le Hamas comme avec le gouvernement de facto de Gaza. C’est bien ce que vous avez fait, quand vous négociiez la libération de Shalit ... Alors pourquoi ne pas chercher un modus vivendi permanent, avec l’engagement de l’Egypte ?

Une houdna peut s’obtenir

Dans la culture arabe, une houdna est une trêve qui engage, sanctifiée par Allah, et qui peut durer de nombreuses années. Une houdna ne peut être violée. Même les croisés ont conclu des houdna avec leurs ennemis musulmans.

Le jour après l’assassinat, l’activiste pacifiste Gershon Baskin, qui était impliqué dans la médiation pour la libération de Shalit, révéla qu’il avait été en contact avec Ja’abari jusqu’au dernier moment. Ja’abari était intéressé par un cessez-le-feu de longue durée. Les autorités israéliennes en avaient été informées.

Mais le vrai remède c’est la paix. La paix avec le peuple palestinien. Le Hamas a déjà déclaré solennellement qu’il respecterait un accord de paix conclu par l’OLP - càd Mahmoud Abbas - qui établirait un Etat palestinien le long des frontières de 1967, à condition que cet accord soit confirmé par un referendum palestinien.

Sans cela, le bain de sang va tout simplement continuer, cycle après cycle. Pour toujours.

La paix c’est la réponse. Mais quand la visibilité est obnubilée par des piliers de nuages ... qui peut le voir ?

* Uri Avnery est un écrivain israélien et un militant pour la paix de Gush Shalom. Il a contribué au livre de CounterPunch : The Politics of Anti-Semitism.

Du même auteur :

- Guerre du Liban : guerre des mensonges- 10 juin 2012
- Biberman & Co - 7 avril 2009
- La loi israélienne la plus révoltante ? - 27 mars 2009
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- Un ou deux Etats pour Israël et la Palestine ? - 22 août 2007
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- Chomsky à la porte- 28 mai 2010
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15 novembre 2012 - CounterPunch - Vous pouvez consulter cet article à
http://www.counterpunch.org/2012/11...
Traduction:Info-Palestine.net - Marie Meert


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