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Romney ou Obama ? Les relations des États-Unis avec le monde arabe ne seront plus ce qu’elles étaient...

vendredi 2 novembre 2012 - 08h:03

Robert Fisk

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Les lecteurs de cet article seront soit décédés soit devenus très âgés avant que la « révolution » arabe n’ait totalement abouti, mais hélas, les Palestiniens sont les seuls à ne pas en tirer bénéfice.

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Rassemblement sur la Place Tahrir au Caire. Les peuples de la région imposeront de plus en plus que leurs dirigeants agissent en fonction de leurs souhaits, et non plu en fonction des ordres venus de Washington ou d’ailleurs

Après la débauche de déclarations d’amour d’Obama et Romney à Israël a semaine dernière, les Arabes avaient du mal à décider duquel des deux hommes serait le moins pire pour le Moyen-Orient. Il semblerait que ce soit Barack Obama, mais le problème - comme toujours - est le fait triste, pathétique et scandaleusement évident que cela ne fait pas la plus légère différence.

George Bush a envahi l’Irak après avoir donné à Ariel Sharon l’autorisation de poursuivre la colonisation à outrance de la Cisjordanie occupée. Obama est parti d’Irak, mais il a augmenté les attaques par drones à la frontière entre le Pakistan et l’Afghanistan et il s’est littéralement couché comme un chien quand Benjamin Netanyahu lui a dit qu’il n’y aurait aucune discussion au sujet d’un retrait israélien sur les frontières de 1967.

Au lieu de répondre, « Oh si, justement ! », comme l’aurait fait un président fort et indépendant, Obama s’est enfoncé, effrayé, dans son siège de la Maison Blanche pendant que le premier ministre israélien lui disait crument que la résolution 242 du Conseil de sécurité des Nations Unies - la base même du « processus de paix » inexistant - n’était absolument pas un point de départ d’éventuelles discussions.

Depuis lors, naturellement, Mitt Romney - qui semble avoir autant de connaissance du Moyen-Orient que le prédicateur texan qui a brûlé un exemplaire du Coran - a dit que les Palestiniens « ne montraient aucun intérêt à établir la paix » et il n’a toujours pas expliqué de manière satisfaisante pourquoi, en 2005 alors qu’il était gouverneur du Massachusetts, il a voulu placer des mosquées sur écoute. Bonne chance aux Arabes.

La vérité, toutefois, est que le prochain président n’aura aucune liberté de décider sa politique au Moyen-Orient. La vieille aventure amoureuse avec Israël continuera - à moins qu’Israël n’attaque l’Iran et n’entraîne l’Amérique dans une autre guerre au Moyen-Orient - mais pour la première fois dans l’histoire des États-Unis, un candidat à la présidence doit traiter avec un nouveau monde arabe. En fait, un nouveau monde musulman.

Le point central est que le Réveil Arabe (s’il vous-plaît, oublions le « Printemps » qui a peu duré) représente un peuple réclamant la dignité. Il inclut aussi bien des musulmans non-arabes - qu’était d’autre la mini-révolution verte après les dernières élections iraniennes ? - et il signifie que les millions qui vivent toujours dans la partie du monde que nous aimons appeler le Moyen-Orient - il ne paraît pas très au « milieu » quand vous y vivez - veulent à présent prendre eux-mêmes leurs décisions, en fonction de leurs souhaits et pas selon les souhaits de leurs anciens satrapes de présidents et de leurs maîtres à Washington. La Clinton semble toujours ne pas avoir bien saisi cela. Peut-être Obama l’a-t-il compris. Romney ? Je parie qu’il ne pourrait pas dessiner une carte représentant les pays de la région, excepté l’un d’entre eux, naturellement.

Contrairement à la croyance occidentale que tous les Arabes luttent pour la « démocratie », la bataille et la tragédie du Moyen-Orient aujourd’hui - que ce soit à la suite de la révolution « douce » en Tunisie ou de la boucherie en cours en Syrie - est pour beaucoup autour du mot « dignité », du droit que l’on a en tant qu’être humain de dire ce que l’on veut sur qui l’on veut, et de ne pas laisser un despote faire main basse sur un pays entier (tant qu’il a la bénédiction des États-Unis, naturellement) et de le traiter comme sa propriété privée.

Oui, les révolutions ne sont pas propres. La révolution égyptienne ne s’est pas tout à fait déroulé comme nous l’avions imaginé. La Libye peut facilement être mise à part. La Syrie est un cataclysme. Mais les peuples arabes prennent enfin la parole et ils s’assureront à compter d’aujourd’hui que leurs présidents et premiers ministres se conformeront à leurs souhaits, et ne seront pas à la botte de Washington ou de Moscou. L’opposé exacte de ce que dit Romney, à savoir qu’il y aurait un manque de « valeurs civilisationelles » parmi les peuples arabes - je fais référence à ses remarques délirantes sur la civilisation israélienne - alors que les peuples du Moyen-Orient prouvent tout à fait l’opposé. Ce sont des questions qui évoluent lentement : chaque lecteur de cet article sera peut-être mort de vieillesse avant que la « révolution » arabe ne soit complète.

Mais les jours sont comptés où les présidents des États-Unis dictaient aux potentats du Moyen-Orient ce qu’ils devaient dire et faire. Il faudra encore du temps avant que le régime saoudien ne s’écroule avec toutes les autres stations-service dans le Golfe. Et je pense qu’il faut rappeler que la tragédie des Palestiniens se trouve très certainement au c ?ur du Réveil Arabe.

Hélas, les Palestiniens sont les seuls à ne pas en tirer bénéfice. Il ne leur reste même plus assez de terre pour construire un État. C’est un fait au delà de tout doute possible. Ceux qui malgré tout le contestent devraient prendre un vol pour Israël et jeter un coup d’ ?il sur la Cisjordanie. Il ne reste rien pour un État de Palestine. C’est la vraie tragédie à laquelle les présidents des États-Unis devront faire face dans les années à venir.

* Robert Fisk est le correspondant du journal The Independent pour le Moyen Orient. Il a écrit de nombreux livres sur cette région dont : La grande guerre pour la civilisation : L’Occident à la conquête du Moyen-Orient.

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28 octobre 2012 - The Independent - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.independent.co.uk/voices...
Traduction : Info-Palestine.net - al-Mukhtar


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