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Maltraiter les enfants fait partie intégrante de l’idéologie israélienne

lundi 10 septembre 2012 - 05h:10

Adri Nieuwhof

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Rifat Kassis est directeur de la section palestinienne de Défense Internationale des Enfants (DCI-Palestine). En 2010, je l’ai interviewé sur la mission de l’organisation et la situation spéciale des enfants palestiniens qui grandissent sous l’occupation.

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Les enfants palestiniens sont soumis quotidiennement à une situation de stress et de violence par les forces israéliennes d’occupation

Je l’ai interviewé à nouveau cette semaine sur les confessions des soldats israéliens concernant la maltraitance des enfants palestiniens publiées récemment par l’organisation de vétérans israéliens Breaking the Silence (briser le silence). Ces violations inquiétantes des droits des enfants par les soldats israéliens ont été perpétrées de 2005 à 2011.

Adri Nieuwhof : Avez-vous lu le rapport de Breaking the Silence sur les abus perpétrés contre les enfants palestiniens par les soldats israéliens ? Quelle impression cela vous a-t-il fait ?

Rifat Kassis : Comme notre organisation ?uvre sur le terrain et que mon travail est de recenser et de documenter les violations israéliennes des droits des enfants palestiniens, les informations révélées par Breaking the Silence ne sont pas nouvelles pour moi. Mais ma première impression a été — comme je me le suis souvent dit depuis que je travaille pour DCI-Palestine — que ces pratiques n’affectent pas seulement les enfants palestiniens. Elles affectent aussi les soldats israéliens eux-mêmes et la société israélienne dans son ensemble : quand, à la fin de la journée, ces soldats rentrent chez eux et s’occupent de leurs propres enfants ou de leurs petits frères et s ?urs, ils ne sont plus les mêmes. Ils sont nécessairement perturbés par leur rôle dans l’occupation et cela se manifeste de différentes façons : ils peuvent se montrer plus violents avec leurs enfants par exemple ou alors ils sont obligés d’adopter des comportements opposés et contradictoires ce qui les perturbe au niveau psychologique.

AN : Les pratiques décrites par Breaking the Silence correspondent-elles aux observations de DCI-Palestine ?

RK : Oui. A DCI-Palestine, nous documentons et
relayons les récits des enfants eux-mêmes qu’ils aient été témoins ou victimes d’abus. Les témoignages publiés par Breaking the Silence corroborent ce que les enfants nous ont dit.

Presque tous les enfants palestiniens nous disent que les soldats israéliens essaient de les terrifier et de les intimider pour les empêcher de participer à des activités contre l’occupation ou pendant leur arrestation et leur transfert, pour faciliter l’interrogatoire. D’autres nous ont raconté que les soldats leur donnent des coups de pied et les maltraitent pour se désennuyer et "s’amuser". Je me rappelle le récit d’un tout jeune enfant : le soldat qui l’a réceptionné au camp militaire où on l’avait emmené, lui a donné des coups de tête et des coups de poing puis il lui a mis des menottes et un bandeau sur les yeux et on l’a emmené dans la cour où des soldats sont venus le frapper et lui cracher dessus ; pendant l’interrogatoire, on l’a menacé d’une arme : "On peut le tuer ?" a demandé un soldat et un autre a répondu : "Oui tue-le, ce n’est qu’un animal." Alors un troisième a dit : "Non, on l’exécutera à Ofer (une prison militaire)". Selon nos informations, presque tous les enfants arrêtés par l’armée israélienne ont été maltraités d’une manière ou d’une autre.

De plus, entre 2004 et 2001, DCI-Palestine et d’autres organisations ont recensé 17 cas où des enfants palestiniens ont été utilisés comme des boucliers humains par l’armée israélienne.

Pour moi, le rapport de Breaking the Silence complète nos informations en nous fournissant le témoignage des tortionnaires, ce que nous avons du mal à obtenir. Ces témoignages donnent de la crédibilité à nos propres rapports qui sont constitués par les récits des victimes.

AN : Le rapport est basé sur le témoignage de 30 soldats. Quelle valeur attribuez-vous aux informations qu’ils donnent ? Pensez-vous que les pratiques qu’ils décrivent soient répandues ?

RK : Je pense que ces pratiques ne sont pas simplement le fait de quelques soldats isolés qui ne respecteraient pas le règlement. Elles font partie intégrante de l’idéologie de l’état et de l’armée israélienne. La preuve, c’est qu’il n’y a quasiment jamais d’enquête pour vérifier ces allégations. Et quand un cas est rendu public, l’état réagi avec une mollesse évasive et indifférente. Par exemple, quand deux soldats israéliens ont été reconnus coupables d’avoir utilisé un enfant de 9 ans comme bouclier humain pendant l’attaque de Gaza —ils l’ont forcé à la pointe du fusil à chercher des explosifs— le tribunal militaire israélien les a seulement dégradés et suspendus pour 3 mois pour "conduite inappropriée". En conséquence, je le répète, la violation des droits des enfants palestiniens n’est pas seulement répandue, c’est une norme protégée par le système. Ce n’est pas du tout accidentel.

AN : Quel est l’impact de ces abus sur les familles ? Que pouvez-vous en dire, vous qui dédiez vôtre vie à la protection des droits des enfants palestiniens ?

RK : L’impact de la maltraitance varie selon les enfants. Cela dépend de l’âge de l’enfant, de ce qui lui est arrivé exactement et du soutien qu’il a reçu de sa famille. D’une façon générale, évidemment, tous les enfants qui ont subi ce genre de traumatisme sont profondément affectés. Et les familles sont affectées de la même manière. L’absence d’un enfant, le fait de le savoir en prison en train de subir des violences, est très douloureux pour les familles et elles ont du mal à le supporter. Pour vous donner une idée de leur souffrance, voilà ce qu’a dit une mère de trois enfants qui étaient ou avaient été détenus par l’armée israélienne dans un interview pour Save the Children Suède (Sauver les enfants) et le YMCA : « C’est comme une épidémie ; ils viennent arrêter vos enfants pour vous briser émotionnellement. Toute la société, tout le peuple souffre—je crois que personne ne se remet du traumatisme de se voir enlever ses enfants de la sorte. »

AN : Y a-t-il quelque chose que vous aimeriez dire aux soldats qui témoignent ?

RK : C’est très important de révéler ces pratiques abusives et de dire la vérité sur l’occupation. Ce serait encore mieux, évidemment, si les soldats évitaient de violenter et de maltraiter les enfants.

Partager cette information est important aussi pour les soldats eux-mêmes —y compris pour ceux qui ont été témoins de pratiques destructrices et ont été incapables de les empêcher. Ces témoignages pourraient devenir une part importante d’un temps de "vérité et réconciliation" qui ne peut manquer d’advenir dans le futur, la révélation des crimes par ceux qui ont commis constituant le premier pas vers la réparation et la réhabilitation sur la longue route de la justice.

La société israélienne et la communauté internationale devraient prendre conscience de ce que font les soldats dans les Territoires Occupés et de l’impact destructif de leur action sur les vies palestiniennes— mais il est aussi capital de se rendre compte, comme l’a dit un jour Uri Avnery, à quel point cela corrompt les Israéliens eux-mêmes. L’occupation n’épargne personne.

AN : Comment peut-on mettre fin à ces abus ?

RK : Il faut que les responsables de ces violations rendent des comptes. La communauté internationale doit ?uvrer pour mettre fin à l’impunité d’Israël. Israël doit respecter le droit international. Les victimes et les bourreaux doivent parler de ces abus et les révéler à tout le monde —pour que les gens puissent vraiment s’impliquer et faire pression sur Israël pour qu’il respecte le droit international. Les actions du BDS [boycott, désinvestissement et sanctions] sont une mesure directe et importante que la communauté internationale peut prendre pour arrêter ces pratiques oppressives et amener une juste paix dans notre région.

* Adri Nieuwhof est avocate, conseiller et défenseur des droits de l’homme, travaillant en Suisse.

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Pour consulter l’original :
http://electronicintifada.net/blogs...
Traduction : Info-Palestine.net - Dominique Muselet


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