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La Péninsule du Sinaï rejoint la Résistance arabe et islamique

mardi 14 août 2012 - 06h:05

Franklin Lamb

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La Péninsule du Sinaï est revenue à son rôle historique de confrontation du colonialisme sur la frontière de l’Egypte.

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Un véhicule blindé égyptien près du terminal de Rafah, le 6 août 2012 dans la bande de Gaza

Beyrouth - La Péninsule du Sinaï rejoint la Résistance arabe et islamique, alors que ce grand réveil s’étend inexorablement à travers la région, renversant les états sécuritaires imposés par l’Occident et les remplaçant par des gouvernements avec une plus grande légitimité populaire. L’Égypte et d’autres pays dans la région contribuent à redresser les torts historiques causés au peuple palestinien tandis que des millions dans le monde emploient une variété croissante de stratégies de résistance, en solidarité avec la cause qui est au c ?ur de ces régions : libérer la Palestine du projet colonial sioniste ultra-violent qui est en train de s’effriter.

Historiquement, les 37.000 km carrés de la Péninsule triangulaire du Sinaï sont une zone de résistance contre une série d’occupants et de despotes depuis qu’elle fut jointe à l’Égypte pendant le sultanat mamelouk (1260-1517), quand le sultan ottoman, Sélim le Terrible, gagna les batailles de Marj Dabiq et al-Raydaniyya, et annexa l’Égypte à l’Empire Ottoman.

Après l’établissement de la dynastie des Mohammed Ali sur le reste de l’Égypte en 1805, la Porte ottomane, confrontée à une résistance de plus en plus forte dans le Sinaï, transféra l’administration de la péninsule rétive au gouvernement égyptien, qui se trouvait alors sous le contrôle du pouvoir colonial, le Royaume-Uni.

Les Britanniques occupèrent l’Égypte depuis 1882 et imposèrent la frontière en ligne presque droite depuis Rafah sur la Méditerranée jusqu’à Taba sur le Golfe d’Aqaba, qui est restée la frontière est de l’Égypte. Au début de la guerre arabo-israélienne de 1948, les forces égyptiennes envahirent la Palestine depuis le Sinaï pour soutenir la résistance palestinienne dans leur lutte contre l’Etat d’Israël imposé.

La semaine dernière, l’opération au Sinaï par des « terroristes en habits de Bédouins » contre les occupants de la Palestine a provoqué la mort de 16 gardes égyptiens protégeant la frontière israélienne ainsi que de plusieurs des fedayin, signale à nouveau que la Péninsule du Sinaï est revenue à son rôle historique de confrontation du colonialisme sur la frontière de l’Égypte. Le peuple égyptien - à défaut de ses dirigeants - retourne à sa lutte historique pour libérer la Palestine.

Le régime de l’ex-président Hosni Mubarak allait délibérément saper la relation entre les peuples égyptien et palestinien. Néanmoins ces 18 derniers mois la majorité du Sinaï s’est plus tournée vers la résistance, des postes de police dans le Sinaï ont été détruits, le gazoduc avec Israël plusieurs fois endommagé, et les tribus bédouines et autres ont commencé à stocker les armes arrivant de Libye et du marché noir israélien ou d’ailleurs. La zone est en train de devenir une base de résistance majeure avec des combattants qui se sont juré de repousser toute tentative des Etats-Unis et d’Israël pour garder le contrôle.

Aucune preuve positive n’a été donnée à l’appui d’un certain nombre de plaintes à l’encontre des responsables des attaques dans le Sinaï et d’autres attaques contre des installations israéliennes l’an dernier.

Un porte-parole du gouvernement Hamas a déclaré que l’attaque du Sinaï était « une tentative d’Israël pour saboter la sécurité égyptienne et monter les Égyptiens contre les habitants de la zone de Gaza ». Tarek Zumar, porte-parole du groupe, a accusé Israël d’être derrière toutes les récentes attaques contre les Égyptiens « parce qu’il veut faire des changements le long de sa frontière avec l’Égypte ». Le lendemain de l’attaque, se fiant à ses propres sources de renseignement, le Hamas annonçait que « Ce crime peut être attribué au Mossad, qui a cherché à faire avorter la révolution depuis sa conception, preuve en est qu’il a donné instruction à ses citoyens sionistes dans le Sinaï de partir immédiatement, il y a quelques jours ».

Un critique américain de l’influence israélienne sur le Congrès, directeur adjoint d’une commission au Congrès, a envoyé un courriel disant : « Nous sommes en train d’examiner ce que les les dirigeants israéliens savaient de l’attaque du Sinaï et quand ils l’ont su, mais aucune responsabilité définie pour cette opération n’a été établie ».

La Fraternité musulmane a également accusé le Mossad de l’attaque.

Une des raisons qui font que le public égyptien réclame de plus en plus l’abolition ou du moins la renégociation du « Traité de la Honte » comme on appelle communément les Accords de Camp David, c’est que les forces de sécurité dans le Sinaï ne sont pas assez nombreuses pour protéger les frontières. Aux termes de l’« Accord de Paix » consécutif à Camp David, c’est Israël et non le gouvernement égyptien qui détermine le nombre de personnels qui peuvent garder la frontière égyptienne.

Le 4 août 2012, Mohammad Morsi, le nouveau président pro-palestinien de l’Égypte, répondait à l’attaque en limogeant le chef du Renseignement pro-israélien Mourad Mouwafi, ainsi que le gouverneur du Nord-Sinaï, Abdel Wahab Mabrouk. Ce même jour, Morsi ordonnait à son ministre de la Défense de faire relever la tête à la police militaire du pays, comme le dit son porte-parole, de « tourner une page » dans la lutte palestinienne et aussi sous forme d’un geste instaurant la confiance face à une campagne sioniste prévisible qui accuserait la Fraternité musulmane de l’attaque. Depuis le départ de Moubarak, les dirigeants sionistes ont mené une campagne incessante pour salir la Fraternité Musulmane, affaiblir la détermination du public musulman d’isoler Israël et de rompre les relations de son gouvernement avec les occupants de la Palestine.

Les partisans du rival de Morsi à l’élection présidentielle Ahmed Chafik, ancien commandant des forces de l’air, ont appelé les Égyptiens à se soulever contre la Fraternité et le Président Morsi suite à l’opération dans le Sinaï. De telles attaques soulignent la division entre le nouveau gouvernement pro-palestinien et les militaires, qui continuent à détenir un énorme pouvoir politique et ont restreint l’Autorité présidentielle.

L’opération de résistance arrive une semaine seulement après que le premier ministre palestinien Ismael Haniyeh eut rendu visite au Président égyptien Mohammed Morsi pour discuter des restrictions de circulation imposées à Gaza par le siège israélien, restriction que Moubarak a respectées pendant des années. Cette rencontre, ainsi que celle de Morsi avec le chef du Hamas Khaled Mechaal accompagné du Président palestinien Abbas, le mois dernier, a eu pour résultat l’ouverture de la frontière de Rafah pendant 12 heures par jour et l’augmentation de la limite journalière de passagers de Gaza à 1500. En ouvrant la frontière, Morsi accomplissait une promesse de la campagne électorale chaudement contestée pour la présidence égyptienne. A l’ouverture du printemps arabe, un certain nombre d’organisations égyptiennes pro-résistance ont demandé l’ouverture complète de la frontière de Rafah à tout le trafic, notamment commercial. Pendant sa campagne Morsi avait déclaré que « le temps était venu d’ouvrir le passage de Rafah 24 heures sur 24 et tout au long de l’année ».

Hélas, suite à la récente opération, le passage de Rafah a été fermé indéfiniment tout comme il l’était sous le président destitué, ce qui causera une grande détresse aux Gazaouis et ne vaut guère mieux que le style israélien de « punition collective », comme le déclarait Mousa Abou Marzouk, membre éminent du Hamas.

Une jeune étudiante de Gaza, Rana Baker, membre du comité organisateur BDS basé à Gaza le faisait récemment observer : « Il serait bon de rappeler la position égyptienne officielle sur le meurtre de deux gardes de sécurité égyptiens lors d’un raid israélien le long de la frontière israélo-égyptienne l’an dernier. Pas un hélicoptère égyptien n’a décollé à la recherche des assaillants et pas une balle n’a ciblé de « suspects » du côté israélien. Non seulement le SCAF (Conseil suprême des forces armées) a enterré l’incident comme si rien n’était jamais arrivé mais il est allé jusqu’à réprimer les manifestants égyptiens devant l’Ambassade israélienne au Caire, il y a presque un an aujourd’hui. Quelques jours après, le SCAF a érigé un haut mur autour de l’Ambassade pour la « protéger » contre les « extrémistes ».

La bande de Gaza est à présent fermée comme elle l’était sous le président destitué Hosni Mubarak. Le siège devrait s’intensifier suite à la fermeture indéfinie des passages de Rafah et de Karm Abou-Salem.

Robert Satloff, Directeur exécutif du Washington Institute for Near East Policy (WINEP), fondé par l’AIPAC [American Israel Public Affairs Committee], a présenté la réaction du lobby sioniste aux opérations du Sinaï et à la géographie expansive de la résistance. Il a présenté les suggestions suivantes sur le site web et dans les publications du Lobby :

« Les Etats-Unis doivent communiquer fermement à l’Égyptien Morsi que s’il souhaite un soutien international pour renflouer son économie chancelante, il ne peut céder aux instincts les plus bas de l’opinion publique égyptienne. En effet, tout effort sérieux pour prévenir une infiltration terroriste dans le Sinaï requiert une coordination avec Israël, et ceci ne pourra pas se produire dans un contexte de diffamation publique. »

« Deuxièmement, les politiciens US devraient réaffirmer aux militaires égyptiens que Washington voit la sécurisation du Sinaï comme un aspect essentiel de la paix israélo-égyptienne, et l’aide militaire substantielle de plus de 35 milliards [de dollars] fournie ces deux dernières décennies dépend absolument de l’investissement en personnel et en ressources adéquats pour maintenir la sécurité. Une défaillance à envoyer les personnes et les ressources appropriées dans la péninsule provoquerait un réexamen de l’assistance militaire étatsunienne globale, pour actualiser cette relation, qui date de l’ère des années ’80, en fonction du contexte actuel ».

Le point de vue de Satlof reflète bien le grand hiatus entre réalité et espérances des autorités sionistes et de leurs complices, concernant ce qui se développe depuis 18 mois au Moyen-Orient et la résistance à une poursuite de la colonisation et au nettoyage ethnique de la Palestine.

Avec un Sinaï qui retourne à l’ère et à la culture de la résistance, la libération de la Palestine se rapproche de plus en plus, peut-être plus tôt que jamais.

* Franklin Lamb est chercheur à l’Université de Beyrouth. Il dirige « Americans Concerned for Middle East Peace », Beyrouth-Washington, est membre de la Fondation Sabra Shatila, et volontaire dans la campagne pour les droits civils palestiniens. Il est l’auteur de The Price We Pay : A Quarter-Century of Israel’s Use of American Weapons Against Civilians in Lebanon. Il peut être joint c/o fplamb@gmail.com.

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10 août 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.counterpunch.org/2012/08...
Traduction:Info-Palestine.net - Marie Meert


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