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Dbayeh : l’autre camp de réfugiés palestiniens

samedi 28 juillet 2012 - 07h:00

Jana Yasmin Nakhal

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Le camp a été construit pour héberger des réfugiés palestiniens venus de al-Bassa, Haïfa et Jaffa.

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Camp de réfugiés palestinien de Dbayeh à une quinzaine de km de Beyrouth (palestineremembered.com)

Les complexités du camp de Dbayeh ne commencent pas avec les problèmes du projet d’adduction d’eau, dans lequel des millions de dollars ont été dépensés - et ils ne s’achèvent pas avec le déni de l’identité palestinienne imposé à la population, qui est forcée de vivre « sous le même toit » qu’un ennemi politique historique.

Je vais vous parler du camp » dit le jeune activiste de Facebook qui m’a accueillie au camp de réfugiés de Dbayeh. « Je vais vous présenter aux gens, ainsi vous pourrez leur parler et comprendre de première main la réalité de ce qui se passe dans ce camp ».

Le camp a été construit pour héberger des réfugiés palestiniens venus de al-Bassa, Haïfa et Jaffa. Au début les réfugiés vivaient dans des cabanes et partageaient les sanitaires. Un résident se souvient qu’à cette époque les services secrets libanais voulaient infiltrer le camp, prenant qui ils voulaient et empêchant toute activité politique ou affiliation à des partis.

C’était en 1965. Ils ne l’appelaient pas Dbayeh à cette époque. C’est le nom de la région où il est situé. Le camp était appelé du nom du martyr Hana Eid, tué en Jordanie.

En 1976, des combats éclatèrent entre les gens du camp et les partis de la droite libanaise : les Phalanges, le Parti National Libéral et les Gardiens des Cèdres. Le camp est tombé après cinq jours. Un résident se rappelle comment les milices ont fait le tour du camp et ordonné à tout le monde de se rassembler sur le terrain de foot. Il faisait froid, mais ils ont obligé les familles à s’asseoir dans la boue. Du matin au crépuscule, ils ont mis les hommes à part et les ont tabassés. Ils ont pillé les habitations et assassiné 70 personnes, dont douze jeunes de moins de quinze ans. Ils les ont arrachés de leur classe à l’école biblique du camp et les ont exécutés sur place.

« Ils se sont emparés de tout le camp » dit-il. Après avoir terrorisé les résidents, ils ont avancé jusqu’à Tal al-Zatar, le site de l’infâme massacre de 1976 [plus de 2.000 morts]. Ils disent que le dirigeant des Phalanges, Amine Gemayel, a arrêté un bulldozer qui allait raser le camp, mais que « ses hommes ont tout saccagé partout ».

« Ils ont occupé beaucoup de maisons. Beaucoup ont été contraints de quitter le camp, et les milices ont vendu leurs maisons pour 5.000 Livres Libanaises » poursuit-il.

Le camp est resté sous le contrôle des milices jusqu’en 1989, quand une grande partie a été détruite. Ceux qui sont restés ont été contraints de coopérer. C’est à dire, de se joindre aux partis auxquels appartenaient les milices.

Les problèmes du camp

Ces problème varient entre la monopolisation du pouvoir et son usage à l’encontre de la population.

Un sexagénaire tente d’expliquer ce qui s’est passé avec le Conseil d’église [chrétien]. Il dit que le Conseil ne peut être tenu responsable du comportement et de l’extrémisme de certains dans le camp, comme ceux qui avaient d’abord manifesté de l’hostilité à notre présence. Ce Conseil, selon lui, est un élément vital dans le camp car il a fondé d’importantes écoles au Liban, dont sont issus des individus tels que Leila Khaled.

Dans le camp de Dbayeh de nouveaux quartiers généraux ont été ouverts pour le Conseil. Il y a des doutes quant à son « efficacité », en particulier parce qu’il est dirigé par quelqu’un qui n’a pas de lien avec les résidents du camp.

En fait, beaucoup critiquent ce qu’ils font dans le camp. Par exemple, le Conseil a proposé aux résidents du camp un « fonds d’aide » pour lequel chaque famille paierait 5.000 £L [environ 2,7 ?] par mois pour aider les familles des personnes qui décèdent à couvrir les frais de funérailles, qui sont de 1 million de £ivres Libanaises [550 ?].

Quelque 250 familles ont participé au projet, mais les résidents ont découvert après un moment que l’église avait payé les frais des dix premières funérailles, tandis que le Conseil avait empoché l’argent pour les funérailles des réfugiés.

Ils ont également « découvert » que le Conseil avait inclus dans les documents du projet une clause lui donnant le pouvoir de créer un comité local au nom du camp, ce qui est illégal puisque les membres ne sont pas élus et ne sont pas connus de l’Ambassade palestinienne ni du Ministère de l’Intérieur.

Dans certaines zones, les résidents du camp ont pris leurs problèmes en main, fondant pour la première fois un comité d’athlétisme. Il a obtenu l’approbation de l’UNWRA et met gratuitement en oeuvre diverses activités, étant sous l’autorité de l’ONU et hors d’atteinte des partis libanais.

Ceux qui oeuvrent dans ce comité disent que les problèmes ne viennent pas du Conseil en soi mais plutôt des personnes dans les quartiers généraux du camp. Ils disent « la moindre des choses serait qu’il soit impossible pour un fonctionnaire du centre d’être la coordinateur des Forces Armées Libanaises dans le camp ».

Par ailleurs, il y a une pression visible sur le camp en ce qui concerne l’eau. Les résidents sont las de devoir constamment acheter l’eau ( qui peut coûter jusqu’à 50.000 £L [27 ?] par semaine. Les femmes ont entamé une protestation devant l’UNWRA la semaine dernière parce que la situation était devenue « intenable ».

L’UNWRA a exécuté des travaux sur l’adduction de l’eau, mais après inspection on trouve pas mal de failles. Jusqu’en 1998, Dbayeh même fournissait l’eau au camp. Ensuite a commencé une « sorte de jeu » entre personnes influentes dans la région. Une subvention de 90.000 ? a été obtenue du gouvernement allemand pour la construction d’un réseau d’eau neuf dans le camp.

Ensuite, comme par magie, comme ils disent, le projet a grossi pour inclure les frais d’adduction d’eau jusqu’à 3 km plus loin, à Bir Tamish, alors que Dbayeh est plus proche. Mais les résidents demandent : si le projet était appliqué, pourquoi l’UNWRA a-t-elle planché sur l’extension d’un réseau complètement neuf, en plus de la construction d’un nouveau réservoir ? Où sont allés les fonds du projet allemand ?

L’UNWRA a fait face à d’autres obstacles des différentes organisations gouvernementales dans la région. Les autorités libanaises lui ont dit qu’ils ne voulaient pas autoriser que l’eau passe, tant que les résidents n’auront pas « participé » au paiement des factures d’eau. C’est un précédent historique. Jamais auparavant une telle demande n’a été faite ni par l’UNWRA ni par les organisations palestiniennes. Beaucoup de réfugiés soupçonnent qu’il s’agit d’une tentative pour leur faire évacuer le camp.

A contre-courant

Derrière les questions du quotidien, il y a d’autres problèmes, plus fondamentaux.

Il y a des forces qui travaillant à faire oublier aux résidents d’où ils viennent et ce que la Palestine signifie pour eux. Ils veulent que cela devienne « un mensonge », nous ont dit certains résidents.

Les résidents blâment l’absence des factions politiques palestiniennes, qui a permis à la fois aux partis libanais de croître aux dépens de la cause palestinienne et de faire ressentir aux réfugiés qu’ils ont été abandonnés. C’est devenu un acte de résistance dans le camp de dire simplement : « Je suis palestinien », disent les résidents.

Imaginez sur le mur de la maison d’un réfugié palestinien : un portrait de Pierre Gemayel, l’ancien chef des Phalanges !, me dit un résident. Voilà bien qui symbolise le paradoxe et l’aliénation imposés aux résidents du camp.

Dbayeh nous fait penser à une scène du dernier film d’Elia Suleiman, « Le temps qu’il reste », où des étudiants palestiniens chantent avec enthousiasme l’hymne national israélien ... en arabe. C’est une scène surréaliste, pas tellement éloignée de la réalité quotidienne du camp.

Fuite des réfugiés

Le camp de Dbayeh héberge environ 1.800 personnes appartenant aux groupes suivants : 110 familles libanaises (53 occupant les maisons de réfugiés), 250 familles palestiniennes, 100 familles palestiniennes naturalisées et 50 familles libanaises déplacées depuis des villages de la frontière sud.

Si nous regardons les statistiques démographiques du camp, nous voyons que les chiffres sont passés de 5.000 en 1997 à 4.000 en 2004, et à moins de 1.800 en 2009. Ainsi donc, les tentatives de vider le camp de ses réfugiés ont réussi.

18 juillet 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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