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La difficile situation des réfugiés palestiniens au Liban

dimanche 8 juillet 2012 - 06h:55

Ramzy Baroud

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Lorsque la sécurité libanaise a tué Ahmad al-Qasim, 18 ans, à la suite d’un contrôle de papiers, au camp de réfugiés de Nahr al-Bared (Liban-nord) la population palestinienne réfugiée a explosé de colère et de consternation.

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Camp de réfugiés de Nahr al-Bared (Liban-nord) [IRIN]

En quelques jours après l’incident du 15 juin, la colère s’est répandue [à d’autres camps] et d’autres réfugiés ont été tués. Fouad Mouhiedine Loubany a été tué le 18 juin, alors qu’une foule de réfugiés suivait les funérailles de la première victime de Nahr al-Bared, près de Tripoli.

Khaled al-Youssef est une autre victime de ces violences, abattu au camp de Ein al-Hilweh, près de Saïda, à une cinquantaine de kilomètres au sud de Beyrouth. D’autres Palestiniens auraient été blessés par balles, de même que trois militaires libanais.

Les réfugiés palestiniens au Liban existent en marge d’une question politique plus vaste relative aux divisions sectaires, factieuses et familiales irréconciliables que connaît le pays. Ce qui fait qu’il est quelque peu difficile de replacer la tragédie des réfugiés palestiniens au Liban dans un contexte politique univoque. Au Liban, les conflits de longue durée et les alliances politiques sont en perpétuel changement. Dès lors, quand des événements concernant des réfugiés palestiniens ont lieu, la question devient immanquablement l’otage de considérations politiques et de sensibilités factieuses exacerbées. Au lieu de tenter de découvrir le meilleur moyen de s’attaquer aux fondements de tels drames, ou d’examiner la relation entre formes d’aliénation économique, sociale ou autre et la violence politique, la priorité tourne autour du pourrissement de la situation.

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Et pourtant le problème ne disparaîtra pas de lui-même. 450.000 réfugiés enregistrés par les Nations Unies vivent au Liban. Ils survivent dans la pauvreté, vivant dans une douzaine d’entités pareilles à des camps de concentration. Ils sont privés des droits fondamentaux et manquent même d’horizons politiques minimaux. La plupart de ces réfugiés ont été chassés de Palestine avant 1947-48 par les milices sionistes, qui devinrent plus tard l’armée israélienne. Ce n’est pas un hasard si Nahr al-Bared fut créé en 1949. Depuis ce temps, peu d’efforts ont été consentis pour remédier aux multiples problèmes engendrés par une éviction et une dépossession violentes.

Des années plus tard, les réfugiés palestiniens ont été entraînés dans les conflits libanais existants, d’abord par accident (car il se fait que la majorité des réfugiés sont des musulmans sunnites), ensuite intentionnellement (suite à l’éviction de l’OLP de Jordanie en 1970). Après la guerre d’Israël contre le Liban en 1982 - accompagnée de massacres infâmes comme Sabra et Chatila - le sort des réfugiés a empiré, tombant au niveau de l’abandon complet.

A l’été 2007, l’armée libanaise s’est heurtée au Fatah al-Islam, un groupe extrémiste qui était arrivé à Nahr al-Bared. Selon Amnesty International : « Ces affrontements ont entraîné le déplacement forcé de la population civile du camp, soit environ 30.000 réfugiés palestiniens. De nombreux bâtiments ont été détruits par les affrontements qui ont entraîné la mort de 400 personnes, dont 42 civils et 166 soldats de l’armée libanaise ». (1)

« De nombreux bâtiments ont été détruits » est un euphémisme, puisque le camp n’était plus que décombres, selon un rapport du Daily Star du 22 juin. De nombreux communiqués de presse ont rapporté les faits comme s’il ne s’agissait que d’un affrontement de plus entre armée et groupe inspiré d’Al-Qaïda. Les comptes-rendus ont à peine évoqué le fait que dans l’enceinte des combats se trouvaient des centaines de familles pauvres, dont la plupart se sont retrouvées sans emploi et sans abri.

Cinq années ont passé depuis que Nahr al-Bared a été détruit. Néanmoins beaucoup de ses résidents restent en rade entre un ancien statut de réfugié - en tant que Palestiniens chassés ou fuyant la violence sioniste en Palestine en 1948 - et un nouveau statut de réfugiés, fuyant d’un camp de réfugiés à l’autre. Cette condition de nouvelle et d’ancienne destitution est particulièrement caractéristique de Nahr al-Bared, mais ce n’est pas le seul cas. En réalité il est partagé par beaucoup de réfugiés palestiniens au Liban.

 [2]

Les multiples tragédies qui ont frappé les habitants des camps de réfugiés au Liban tout au long des années donnent un aperçu incontournable sur la nature du problème des réfugiés palestiniens dans le pays. Elles fournissent aussi les pistes pour y remédier. Toutefois la plupart des discussions politiques aujourd’hui sont dénuées de toute substance.

L’écrivain étasunien basé au Liban Franklin Lamb citait une promesse du commandant en chef de l’armée Jean Qahwaji, qui déclarait qu’"une enquête immédiate et rapide déterminerait les coupables et préviendrait la répétition d’un tel événement dans l’avenir". Lamb commente à juste titre : « Forts de l’expérience passée, peu de gens croient que l’enquête sera sérieuse ni même un jour achevée ». Comme par hasard le ministre de l’Intérieur a écarté le lien évident entre les heurts de Nahr al-Bared et ceux de Ein al-Hilweh, les désignant comme une simple ’coïncidence’ (Akhbar al-Youm, 20 juin, référencé par Lamb). Azzam al-Ahmad, cadre de l’OLP et du Fatah palestinien a déclaré au Daily Star lors d’une récente visite au Liban que « les puissances régionales exploitent la détresse des réfugiés palestiniens ... afin de promouvoir leurs propres ordres du jour au Liban ». Il souligne que ces puissances n’incluent pas la Syrie.

Les Palestiniens réfugiés au Liban continuent d’être victimisés par un paysage politique désorienté et une discrimination incontestable par l’Etat. Leur traitement est souvent justifié par l’argument que les réfugié palestiniens sont des « hôtes » temporaires du Liban. Aujourd’hui ces « hôtes » de la troisième génération d’une population recensée par l’ONU - quelque 450.000 réfugiés - se voient refuser le droit de posséder un domicile, d’hériter un terrain ou un immeuble. De nombreuses professions leur sont également fermées. L’état de stagnation économique à peu près totale a eu pour résultat une régression socio-économique, plaçant les réfugiés palestiniens au Liban à un très faible niveau de vie avec très peu de perspectives d’avenir.

Selon un rapport publié le 20 juin dernier - pour coïncider avec la Journée Mondiale des Réfugiés - par la Fondation ANERA (American Near East Refugee Aid) : « les camps de réfugiés palestiniens au Liban sont considérés comme les pires des camps de la région en termes de pauvreté, de santé, d’éducation et de conditions de vie ». ANERA rapporte que deux réfugiés sur trois subsistent avec moins de 6$ par jour, et que la discrimination à leur encontre s’exprime dans de multiples domaines qui vont des soins de santé au logement.

Il est important de noter le rôle que joue Israël dans la souffrance permanente des réfugiés palestiniens au Liban - comme partout ailleurs. Mais la conscience de ce traitement inhumain des réfugiés palestiniens au Liban ne suffit plus. Comme c’est le cas de réfugiés dans le monde entier, les Palestiniens doivent être rapatriés chez eux et recevoir des compensations pour leurs souffrances et leurs pertes multiples. Tant que cet objectif n’est pas atteint, les réfugiés doivent être traités avec dignité et respect - indépendamment des calculs politique de leur pays d’accueil.

La situation pénible des réfugiés palestiniens au Liban doit être traitée avec urgence et détermination. C’est une responsabilité qui doit être partagée entre le gouvernement libanais, les autorités palestiniennes, la Ligue arabe et les Nations Unies. La continuation des négligences et la crise potentielle pourraient se transformer en un conflit à part entière.
(1) http://www.amnestyinternational.be/...

*Ramzy Baroud (http://www.ramzybaroud.net) est un journaliste international et le directeur du site PalestineChronicle.com. Son dernier livre, Mon père était un combattant de la liberté : L’histoire vraie de Gaza (Pluto Press, London), peut être acheté sur Amazon.com. Son livre, La deuxième Intifada (version française) est disponible sur Fnac.com

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[1450.000 réfugiés palestiniens au Liban

[2Des "hôtes" ... temporaires

26 juin 2012 - The Palestine Chronicle - Vous pouvez consulter cet article à
http://palestinechronicle.com/view_...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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