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Pour Israël, punir les Palestiniens ne suffit pas.

samedi 5 mai 2012 - 07h:40

Amira Hass - Counterpunch

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Des centaines de prisonniers venant de la Bande de Gaza n’ont pas vu leur famille depuis six années ou plus ? Qu’est-ce que ça peut faire ?

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Détenus palestiniens à la Prison Ayalon à Ramla en Israël.

Dans la lointaine Finlande gelée - comme on appelle l’infirmerie de la Prison de Ramle - la vie de quatre détenus qui ont mené une grève de la faim pendant au moins 60 jours est suspendue dans la balance. Près de 2.000 prisonniers dans les prisons de Nafha, Ashkelon, Gilboa et d’autres prisons un peu partout en Israël observent une grève de la faim depuis deux semaines. Le fait même qu’ils ont pris la décision de refuser toute nourriture et qu’ils sont disposés à risquer d’être punis par les autorités représente un rappel de leur humanité.

Le Service pénitentiaire israélien n’a pas à faire grand-chose pour dissimuler cette action de masse aux regards israéliens. La grande majorité des Israéliens stigmatisent tous les Palestiniens incarcérés comme des assassins sans foi ni loi ou de vulgaires terroristes, au bas mot. Ils s’intéressent peu aux actes de courage personnel ou collectif de la part de détenus palestiniens qui servent à rappeler qu’ils sont des êtres humains.

Des détenus administratifs ont été incarcérés pendant des années sans procès, aux termes de lois d’urgence inspirées du Mandat britannique. Qu’importe ? Des centaines de prisonniers venant de la Bande de Gaza n’ont pas vu leur famille depuis six années ou plus ? Qu’est-ce que ça peut faire ?

Quand Gilad Shalit était en captivité à Gaza, la suppression des visites pour les prisonniers gazaouis en Israël fut présentée comme « une pression proportionnée ». Après sa libération, les Israéliens ne se soucient pas du fait que ce genre de proportionnalité continue, puisque les visites familiales n’ont pas été rétablies. Alors quoi ?

Pourquoi nous soucier du fait que des Palestiniens sont maintenus à l’isolement pendant des années entières et empêchés de voir leur famille pendant trois, cinq voire dix années ?

Toute administration pénitentiaire normale accueillerait avec satisfaction la demande d’un prisonnier de se remettre à étudier via l’Université Ouverte. Les études réduisent le stress et les niveaux de tension dans les prisons. Mais ici le nom du jeu qui se joue, c’est : soumission.

Les prisonniers palestiniens ne reçoivent un nom et un visage dans les médias israéliens que s’ils peuvent démontrer leur « méprisabilité ». Leur nom et leur visage ne sont pas mentionnés dans le contexte de leur histoire personnelle, familiale et nationale depuis plus de 60 ans : expulsion, exil, destruction de leur maison, amis et parents blessés et tués par les soldats israéliens, bagatelles telles que passages à tabac par des soldats ou expropriation de leur terre par les autorités gouvernementales.

Les prisonniers palestiniens sont mentionnés en termes de nombre de condamnations à perpétuité qu’ils endurent.

Pourtant les vénérables généraux de l’armée d’Israël, retraités ou en service actif, sont responsables d’avoir tué un nombre de civils palestiniens (et libanais) beaucoup plus élevé que le nombre de civils israéliens tués par les prisonniers palestiniens.

L’histoire - grâce soit rendue à Clio, muse grecque de l’histoire - ne s’écrit plus de la main des seuls vainqueurs. Mais ce sont toujours les conquérants qui décident qui est le héros, qui est le soldat, qui agit comme un juge et qui est le prévenu qui sera déclaré terroriste avant même d’être reconnu coupable. Les Palestiniens ne sont pas reconnus comme prisonniers de guerre dont les armes sont moins avancées, moins sophistiquées que celles de leurs geôliers.

Une vengeance qui n’en finit jamais

Les Israéliens ne se satisfont pas des diverses mesures qui aggravent leurs conditions de détention. Quand il s’agit de Palestiniens, la punition ne suffit pas. La prison doit être également une vengeance sans fin qui s’étend à tout ce qu’Israël essaie de faire hors de ses murs : casser le collectif, affaiblir l’individu, dissuader les autres de résister au régime étranger.

Dans le fond, la grève de la faim est une protestation contre ces objectifs. Tous les prisonniers ne s’y sont pas joints. En prison comme à l’extérieur, la cohésion politique et sociale palestinienne a décliné, et beaucoup de détenus ont perdu la conscience sociale qu’avaient leurs prédécesseurs. Pourtant la grève de la faim souligne la nature fondamentalement politique du collectif des Palestiniens incarcérés en Israël.

*Amira Hass est l’auteure de Boire la mer à Gaza, La Fabrique, 2001 et de Correspondante à Ramallah : 1997-2003, La Fabrique, 2004.
Elle écrit dans Ha’aretz (où cet article est initialement paru).

De la même auteure :

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Adresse courriel d’Amira Hass : amira@haaretz.co.il

2 mai 2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://www.counterpunch.org/2012/05...
Traduction : Info-Palestine.net - Marie Meert


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