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La crise identitaire d’Al-Jazeera

samedi 17 mars 2012 - 06h:13

Ibrahim al-Amin - al-Akhbar

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Aujourd’hui, il est devenu banal d’entendre des commentaires tels que ceux-ci : Vous ne pouvez pas être sérieux et me poser des questions sur une histoire dont la source est Al Jazeera ! Est-il raisonnable de fonder votre cas sur des informations d’Al Jazeera ? N’êtes-vous pas gêné de travailler pour Al Jazeera ? Pouvez-vous donner votre sentiment ou faire part de vos objections si vous travaillez pour Al Jazeera ? Comment pouvez-vous vraiment perdre des heures à regarder Al Jazeera ?

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Des partisans de Bachar al-Assad se réunisse à Beyrouth en solidarité avec le régime syrien. On peut lire sur la pancarte : « Al-Jazeera la propagande est terminée ... A bas Al-Jazeera la menteuse » - Photo : Haitham Moussawi

Aujourd’hui, il est devenu routinier de recevoir des dizaines de liens Internet qui vous redirigent vers les scandales professionnels, politiques, ou moraux associés à ce que Al-Jazeera diffuse. Vous ne pourrez qu’être surpris et étonné si quelqu’un venait à vous demander : Avez-vous vu comment Al Jazeera a mis sur la sellette son invité de l’opposition syrienne ?

Ce qui a changé, c’est que vous pouvez maintenant trouver de nombreux adversaires du régime syrien - en particulier les militants des comités locaux de coordination - qui rejettent toute tentative visant à les impliquer dans les émissions d’Al Jazeera.

Ils n’attaquent pas la chaîne, ni n’appellent à son boycott, et ils apprécient qu’elle soutienne fermement les opposants au régime. Mais ils ne veulent pas être critiqués pour ce qu’un militant a décrit comme les « désastres quotidiens » qui figurent dans sa production. Cela inclut des séquences qui ont été fabriquées ou organisées pour le compte de la chaîne pour de l’argent. Cela comprend également des apparitions de personnalités censées appartenir à l’opposition mais dont on ne connait pas les antécédents, et sans savoir non plus « au nom de qui ils parlent et pour défendre quelles idées ». Avec également les tentatives d’Al Jazeera d’exagérer l’ampleur de la répression de l’État.

Il est difficile, de nos jours, de rencontrer un journaliste professionnel qui soit prêt à défendre le comportement d’Al Jazeera, et pas seulement en Syrie, mais en Tunisie, en Egypte, en Libye, au Yémen et aussi au Bahreïn. Quelques-uns des journalistes arabes les plus en vue, pour qui les apparitions sur Al Jazeera étaient normalement d’une grande importance, tournent le dos maintenant aux invitations de la chaîne. Ils se rendent compte qu’ils ont été exploités comme des pions dans un jeu malsain. Quelqu’un s’est-il demandé, par exemple, pourquoi Al Jazeera a cessé de coopérer avec Mohamed Hassanein Heykal [longtemps éditeur en chef du quotidien égyptien al-Ahram et unanimement respecté] ?

Une autre nouveauté est la vague de démissions subie par Al-Jazeera. Cela ne s’est pas limité aux personnes qui peuvent en supporter les conséquences financières, étant donné qu’Al-Jazeera paie son personnel plusieurs fois ce qu’ils gagneraient dans d’autres chaînes. L’ampleur des démissions, effective et en cours d’examen, a effectivement laissé le contrôle éditorial de la chaîne dans les mains d’une bande dont le professionnalisme et l’intégrité sont depuis longtemps compromis. Jour après jour, il est devenu de plus en plus évident que ceux qui refusent de travailler sans respecter des normes minimales de professionnalisme et de crédibilité sont en train de subir une purge. D’autres ont perdu leur enthousiasme à mettre en avant des idées ou à s’engager dans de nouveaux projets. Ils se sont transformés en simples employés qui prient Dieu jour et nuit pour être épargné par la prochaine catastrophe.

Le problème d’Al-Jazeera n’est pas sa posture politique. La chaîne sait comment la gérer. Son problème est qu’elle a porté un coup à chaque tentative réelle de construire un solide et relativement indépendant média arabe. La chaîne ne permettra pas la moindre discussion sur ce qu’elle est devenue, et cela nous ramène à l’époque de « aucune voix ne s’élève au-dessus du bruit de la bataille ». Elle jette le discrédit sur les motifs de quiconque la critique ; elle défend de graves erreurs avec une naïveté feinte, et en même temps refuse d’admettre que sa « justification logique » pour ce qui se passe aujourd’hui est : « nous mettons en ?uvre la politique de notre bailleur de fonds [le Qatar], un point c’est tout ». "

Ce ne sont pas quelques millions de téléspectateurs boycottant la chaîne la plus célèbre du monde arabe qui provoqueront une crise dans ses revenus. Mais à cause des comportements d’Al-Jazeera, la scène médiatique arabe a maintenant besoin d’être secouée. C’est un travail pour ceux qui en ont la capacité et les ressources financières et humaines, afin de produire plus de professionnels des médias, plus crédibles pour lancer de stimulants débats en direction des téléspectateurs. Nous avons besoin pour cela ni d’un groupe, ni d’un Etat ou d’une organisation médiatique. C’est aussi une tâche pour tous ceux qui souffrent de ces contradictions sur une base journalière et acceptent d’en découdre avec Al-Jazeera par l’intermédiaire de médias qui sont encore moins professionnels et crédibles.

Retarder une telle décision, c’est ne pas comprendre que les médias restent, jusqu’à nouvel ordre, la première ligne d’attaque ou de défense dans la bataille de l’opinion publique.

* Ibrahim al-Amin est éditeur en chef du journal al-Akhbar

Du même auteur :

- Assad va-t-il proposer un gouvernement d’union nationale ? - 21 décembre 2011

13 mars2012 - Vous pouvez consulter cet article à :
http://english.al-akhbar.com/conten...
Traduction : Info-Palestine.net - Naguib


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